Pourquoi les bâillements sont-ils contagieux ?
Avez-vous déjà entendu parler des écophénomènes ? C’est la répétition automatique des mots ou des actions des autres. Voir quelqu’un bailler et l’imiter aussitôt est un exemple d’écophénomène. Mais pourquoi les bâillements deviennent-ils contagieux ? Existe-t-il une base neurale pour expliquer ce phénomène ?
Le psychologue Robert Provine (1986) nous dit la chose suivant : “Bâiller peut avoir l’honneur douteux d’être, de tous les comportements humains les plus courants, le moins compris“. Des années plus tard, pouvons-nous résoudre cette question par la neuroscience ? Y a-t-il une seule explication à cela, ou plusieurs ? Voyons cela ensemble.
Pourquoi les bâillements se répandent-ils ?
Selon une étude de Romero et al. (2014), bien que de nombreux animaux baillent, seuls les hommes, les chimpanzés, les chiens et les loups se “contaminent” par ce biais. Mais pourquoi les animaux se mettent-ils à bâiller ? En ce qui concerne les humains, nous vous disons ici ce que disent certaines des explications les plus pertinentes.
Activation de la zone motrice
Un groupe de scientifiques de l’université de Nottingham (Angleterre) a mené des recherches à ce sujet en 2017, lesquelles ont été publiées dans Current Biology. Leur but était de trouver une réponse à la question de savoir pourquoi les bâillements se propagent entre les humains.
Selon les chercheurs anglais, cette action consiste en un réflexe dans le cerveau, directement activé dans la zone responsable du contrôle des fonctions motrices. Ainsi, la propension à imiter les bâillements des autres aurait pour origine le cortex moteur primaire du cerveau. Cette zone est responsable de l’exécution des mouvements par les impulsions neurales.
L’objet de l’expérience
Au total, 36 volontaires ont appris à contenir l’infection en regardant des clips vidéo de personnes qui bâillent. Ensuite, tous les bâillements émis (y compris ceux qui ont été réprimés) ont été comptés. Via des techniques de stimulation magnétique transcrânienne (SMT), les chercheurs ont analysé la relation entre la base neurale du bâillement et l’excitabilité motrice.
Le groupe a découvert que la propension à reproduire un bâillement dépend de l’excitabilité corticale et de l’inhibition physiologique du cortex moteur primaire de chaque personne. Cela expliquerait pourquoi certaines personnes bâillent plus que d’autres.
Peut-on réprimer les bâillements ?
Est-ce que nous bâillons automatiquement quand nous voyons quelqu’un bailler ou ce réflexe peut-il être contrôlé ? Selon les mêmes chercheurs anglais, la capacité à résister à cette contagion est limitée. De plus, ajoutent-ils, essayer de supprimer les bâillements peut accroître le besoin de bâiller.
Grâce à la stimulation électrique, ils ont pu voir comment l’augmentation de l’excitabilité motrice augmentait la tendance à reproduire des bâillements. Nous ne pouvons vraiment donc pas contrôler cette contagion : nous avons une prédisposition innée.
Comprendre les causes de certains troubles
L’étude susmentionnée pourrait amener les chercheurs à déterminer plus précisément les causes de certains troubles avec une excitabilité corticale accrue ou une inhibition physiologique réduite. En cas de trouble tel que la démence, l’autisme, l’épilepsie ou le syndrome de Tourette, les patients ne peuvent éviter de présenter certains écophénomènes.
Les bâillements ne sont pas les seuls écophénomènes. Il y a aussi l’écholalie (répétition de mots ou de phrases de l’interlocuteur) ou encore l’échopraxie (répétition automatique des actions de l’interlocuteur).
À ce sujet, la directrice de l’étude, Georgina Jackson, professeure de neuropsychologie cognitive à l’Institut de santé mentale de Nottingham, explique ce qui suit :
“Nous pensons que ces résultats peuvent être particulièrement importants pour mieux comprendre l’association entre l’excitabilité motrice et l’apparition d’échophénomènes dans un large éventail de conditions cliniques liées à une excitabilité corticale accrue et/ou une inhibition physiologique réduite.”
-Georgina Jackson, directrice de l’étude-
En outre, Mme Jackson ajoute qu’il est possible d’aider les patients atteints du syndrome de Tourette à ce sujet. Il suffit de réduire l’excitabilité motrice pour diminuer les tics.
Autres explications : empathie, génétique et timing
Avant cette étude, d’autres scientifiques ont essayé de répondre à cette question. Beaucoup d’entre eux ont parlé de la contagion de l’empathie comme explication possible. Ainsi, lorsque nous voyons une personne bailler, de manière inconsciente, nous nous mettons à son écoute et nous faisons le même geste sans pouvoir l’éviter, comme si nous étions son reflet.
Cette théorie a de nombreux adeptes. Elle suggère que la capacité à interpréter les sentiments des autres nous amènerait à nous mettre à leur place ou à ressentir la même chose, dans un acte aussi “primaire” que celui-ci.
Parmi les études qui tentent d’expliquer pourquoi le bâillement est contagieux, certaines font référence à l’activation de certains circuits cérébraux caractéristiques de l’empathie et qui comprennent les fameux neurones miroirs. Ces neurones agiraient comme un reflet interne des mouvements que nous observons chez le reste des gens.
Une autre explication possible de ce phénomène est liée à la communication et à la synchronisation. À ce propos, l’enquêteur et professeur de psychologie Matthew Campbell affirme ce qui suit :
“Une possibilité est que chez les espèces sociales qui coordonnent leur niveau d’activité, la copie des bâillements peut aider à synchroniser le groupe.”
-Matthew Campbell-
Autrement dit, cette explication considère qu’il s’agit d’un acte d’imitation pour favoriser la synchronie au sein du groupe. Ainsi, selon Campbell, lorsqu’il est temps de manger, tout le monde mange (manger serait également contagieux), et il en va de même pour d’autres fonctions comme le mouvement ou la posture.
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- Georgina, M. Jackson et al. (2017). A neural basis for contagious yawning. Current Biology. DOI: 10.1016/j.cub.2017.07.062.
- Romero T, Ito M, Saito A, Hasegawa T (2014). Social Modulation of Contagious Yawning in Wolves. PLoS ONE 9(8): e105963. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0105963
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