L'effet Rashomon : pas une, mais plusieurs vérités
L’effet Rashomon est un concept utilisé en psychologie pour désigner cette situation au cours de laquelle différentes personnes peuvent avoir différentes versions d’un même événement, sans qu’aucune d’entre elles ne soit fausse ou complètement vraie. Il est possible que plusieurs individus soient témoins ou acteurs d’un même événement. Et lorsqu’on leur demande de le raconter, ils peuvent le faire de manière très différente les uns des autres.
Ce phénomène a été capturé dans un film du célèbre réalisateur Akira Kurosawa, dont le titre était Rashomon – d‘où le nom d’effet Rashomon. Le film racontait certains événements survenus au XIIe siècle au Japon. Plus précisément, la mort d’un samouraï et le viol de sa femme.
Le film montre divers personnages ainsi que leur récit de l’histoire. Les versions sont très différentes les unes des autres, mais la véracité est bien là. Chacun des narrateurs a simplement une perspective différente. Au final, on ne sait pas quelle était la vérité, puisque toutes les versions sont possibles : c’est l’effet Rashomon.
« On n’atteint jamais toute la vérité, et on n’en est jamais totalement éloigné. »
-Aristote-
L’effet Rashomon
Ce que montre l’effet Rashomon, c’est que la vérité, entendue comme ce que chacun capte avec les sens, peut être très relative. Il en va de même pour le concept de mensonge. Cela peut choquer ceux qui s’en considèrent porteurs. Or, la science nous dit que, dans la plupart des cas, nous n’avons qu’une version partielle de ce que nous considérons comme vrai.
Nous pouvons prendre de nombreux exemples liés à de grands événements historiques. Pour certains, les deux bombes atomiques larguées sur Hiroshima et Nagasaki représentent un effroyable génocide. Pour d’autres, c’était le prix que l’humanité devait payer, d’une manière ou d’une autre, pour en finir avec ceux qui prônaient une cruauté aveugle. Beaucoup soutiennent que, sans cette « frappe », la Seconde Guerre mondiale aurait pu se terminer très différemment.
Il existe également d’innombrables exemples dans la vie de tous les jours. Si les différentes perspectives étaient soumises à un examen approfondi, dire qui est le plus proche de la vérité et qui s’en éloigne ne serait peut-être pas si facile.
Les facteurs de l’effet Rashomon
Ce qui aboutit à l’effet Rashomon, c’est qu’il existe plusieurs facteurs qui influencent la perception des faits. Il y en a aussi d’autres qui influencent la façon dont on finit par les raconter.
De ce point de vue, nous pourrions dire que les facteurs suivants sont les plus pertinents dans la perception et la narration postérieure des événements :
- La mémoire. L’être humain n’est pas une réserve de mémoire. Celle-ci est créative et peut ajouter ou supprimer des détails, sans intention de le faire. C’est le phénomène que l’on connaît sous le nom de « fausse mémoire ».
- L’idéologie. L’être humain, inconsciemment, réalise de nombreux processus mentaux afin d’ajuster les faits à son système de croyances.
- La culture. Le facteur culturel conduit aussi à associer des faits à des concepts ou à d’autres événements qui lui sont liés ou non.
- L’intensité émotionnelle. L’intensité des émotions présentes lors de l’événement peut également influencer la manière dont il est ultérieurement reconstitué ou remémoré.
- Les attentes. Les conséquences attendues de la narration peuvent également conduire à modifier la manière dont les événements sont relatés.
Rien n’est vrai ou faux, dans l’absolu
En fin de compte, ce que montre l’effet Rashomon, c’est qu’il n’y a pas de vérités ou de mensonges absolus dans la sphère humaine. Cela s’applique aussi bien à une situation quotidienne qu’aux « grandes vérités » de la science. L’objectivité, au sens strict, n’existe pas. Et elle n’existe pas parce que nous sommes des êtres humains qui donnons forme à des idées.
L’effet Rashomon est au cœur de grands débats politiques et scientifiques ainsi que de nombreux désaccords au quotidien. Le danger est que le désir d’imposer une certaine vérité soit plus fort que la capacité à se rapprocher de la mémoire et de l’expérience de l’autre. Paradoxalement, ce sont les grands experts qui ont le plus tendance à absolutiser les faits.
Actuellement, l’effet Rashomon est pris en compte dans le cadre judiciaire, lorsqu’on entend la version des différents témoins dans un procès. On le voit aussi dans les médias, qui visent à « informer objectivement », sans y parvenir dans la plupart des cas – tout au plus essaient-ils de livrer leur version avec honnêteté, c’est-à-dire celle qu’ils connaissent.
Cet effet peut être à l’origine de nombreux conflits. Mais il est aussi possible d’en faire une clé pour relativiser ce que l’on pense et donner une chance à la diversité, là où une seule ligne de pensée était auparavant envisagée.
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