Le syndrome de Klüver-Bucy, la disparition de la peur

Le syndrome de Klüver-Bucy est un exemple marquant de l'importance de l'amygdale et du lobe temporal dans le comportement. Dans cet article, nous évoquerons les conséquences de leur altération et les causes possibles.
Le syndrome de Klüver-Bucy, la disparition de la peur
Francisco Roballo

Rédigé et vérifié par Psychologue Francisco Roballo.

Dernière mise à jour : 22 décembre, 2022

Le syndrome de Klüver-Bucy est l’un des exemples les plus extrêmes de la manière dont un trouble du système nerveux peut changer complètement notre mode de vie.

Imaginez qu’il existe une pièce dans votre cerveau responsable des émotions de la peur et du rejet. Imaginez maintenant que cette pièce s’abîme et que vous n’avez plus peur de rien. Cela semble génial mais ça ne l’est pas. La peur est une émotion nécessaire à notre survie.

Cette pièce si fondamentale se nomme l’amygdale. Son altération ou élimination peut déboucher sur le syndrome de Klüver-Bucy. Ce syndrome se caractérise par la disparation de la peur et l’inhibition. Cela entraîne des conduites à risque, un risque déséquilibré et une hypersexualité, entre autres.

Le lobe temporal et le syndrome de Klüver-Bucy

Le syndrome de Klüver-Bucy

Heinrich Klüver et Paul Bucy sont les scientifiques qui ont donné leur nom à leur découverte. Ils ont extirpé les lobes temporaux de macaques Rhésus pour explorer leur rôle. Ce qu’ils ont découvert est plutôt inquiétant ; en effet, l’altération de cette structure produisait les symptômes suivants :

  • Comportement oral : les singes avaient le réflexe de mettre tous les objets à la bouche, comme si c’était la seule manière de le faire
  • Hypersexualité : la conduite sexuelle connaissait une suractivité
  • Agnosie visuelle : ils présentaient des difficultés à reconnaître des objets ou des personnes grâce à la vue
  • Changements émotionnels : ils étaient très démotivés et ne présentaient pas d’expressions sur leur visage. Le changement émotionnel le plus significatif était la disparition de la peur. Les stimuli qui auraient normalement entraîné de la peur ne semblaient pas importants

Le syndrome Klüver-Bacy chez les humains

Les symptômes chez les humains sont relativement similaires. Il existe néanmoins quelques différences. Les comportements compulsifs et systématiques deviennent particulièrement importants. En effet, ils affectent l’interaction en société. Parmi les principaux symptômes, nous pouvons identifier :

  • Disparition de la peur : le sujet a le réflexe d’interagir avec des stimuli potentiellement dangereux et que nous apprenons en général à éviter
  • Boulimie : non seulement, le sujet mange de façon compulsive mais il cherche également à se nourrir avec des aliments dangereux comme du plastique ou des selles
  • Comportement sexuel : la sexualité semble n’avoir aucune limite. Le sujet montre une augmentation de l’activité sexuelle de tout type, avec une baisse significative de son taux d’inhibition
  • Comportement oral compulsif : le sujet atteint de ce syndrome a tendance à examiner tous les objets avec sa bouche de manière compulsive
  • Perte d’inhibition : cette perte touche toutes les sphères de la personnalité ainsi qu’au niveau visuel. Le sujet a tendance à réagir de manière exagérée à tout stimulus visuel, comme s’il n’existait aucun filtre
  • Incapacité de reconnaissance : le sujet perd la capacité à reconnaître ses amis ou sa famille. Il agit avec eux comme s’il ne les reconnaissait pas

La perte d’inhibition

On décrit souvent la peur ou le rejet comme des émotions à valeur négative (non désirables). Cette croyance -outre le fait d’être très superficielle, est dénuée de sens aux niveaux biologique et évolutif. La peur, le rejet et l’inhibition sont des émotions acquises avec l’évolution pour pouvoir interagir avec la peur de manière fonctionnelle.

Altération du comportement

Quand la capacité d’interagir en utilisant ces émotions est absente, les conséquences sont graves. Le syndrome de Klüver-Bucy constitue un exemple clair. Les symptômes semblent se manifester en raison de l’incapacité du sujet à tracer une ligne entre ses impulsions et ses actions. Cette condition se voit aggravée par l’incapacité à reconnaître les personnes de son entourage. Cela empêche le sujet de récupérer le souvenir du lien émotionnel avec cette personne et à se comporter de manière cohérente avec celle-ci.

Base organique du syndrome Klüver-Bucy

Les altérations mentionnées auparavant ont leur étiologie -l’étude des causes d’une maladie- dans l’altération structurelle de certains organes du système nerveux :

  • Le lobe temporal : c’est le lobe responsable du traitement du langage. De plus, c’est un lien entre les stimuli visuels et leur contenu émotionnel dans la mémoire. L’agnosie visuelle se manifeste principalement à cause de l’altération de cette structure
  • L’amygdale : l’amygdale est une structure sous-corticale responsable du traitement des émotions. Lorsqu’un stimulus est menaçant, elle s’active en se préparant au combat ou à la fuite. C’est un mécanisme fondamental pour la survie des mammifères
  • Les faisceaux de substance blanche : c’est une concentration d’axones qui ont pour but de connecter plusieurs parties du système nerveux au niveau sous-cortical. Son altération entraîne un dysfonctionnement de l’association entre les stimuli et leur contenu émotionnel
L'amygdale et le syndrome de Klüver-Bucy

Causes du syndrome Klüver-Bucy

L’altération des structures mentionnées auparavant peut s’expliquer par plusieurs causes. Nous pouvons identifier les causes les plus fréquentes :

  • Maladies infectieuses ou virales : l’encéphalite herpétique et la méningite sont les plus fréquentes. L’infection ou l’inflammation produite entraîne la destruction du tissu nerveux
  • Lésions : les traumatismes crânioencéphaliques généralement produits par des accidents. En règle générale, les dégâts doivent être graves et profonds pour toucher des structures sous-corticales telles que l’amygdale. Cela peut aussi être dû à des lésions chirurgicales
  • Démence : le syndrome s’associe généralement avec Alzheimer ou la maladie de Pick. La dégénération du tissu nerveux se produit au niveau sous-cortical et peut affecter le lobe temporal. Dans ce cas, la plupart des capacités mentales se voient diminuées
  • Tumeurs : la pression et le déséquilibre métabolique produits par une tumeur peuvent provoquer plusieurs symptômes du syndrome de Klüver-Bucy. La tumeur se trouve souvent dans la zone frontotemporelle
  • Épilepsie : le trouble au niveau électrique du lobe temporal peut entraîner une hyperactivation qui altère le tissu nerveux, notamment les voies de substance blanche
  • Accident vasculaire cérébral (AVC) : l’hémorragie ou le manque de sang en raison de l’occlusion, sont également des composés importants dans l’étiologie du syndrome

Traitement

Le traitement est aussi difficile que limité en raison de l’incapacité à récupérer le tissu nerveux. La plupart des traitements sont médicamenteux afin de soulager les symptômes comportementaux inadaptés.

On recherche principalement à réduire l’impact des lésions au cours des premières interventions. Par exemple, on essaie de faire reculer l’hémorragie produite par un AVC. Il est difficile de prédire ce syndrome. Les conséquences d’une lésion sur le comportement peuvent commencer d’une manière subtile.

Les progrès de la neuroscience et les techniques de rééducation améliorent la qualité de vie des patients. Le syndrome de Klüver-Bucy est un exemple clair de l’impact que peuvent avoir les altérations du système nerveux dans notre quotidien. L’entourage proche du patient peut être blessé. Le patient se comporte comme quelqu’un d’autre et ne reconnaît pas les siens. C’est pourquoi le travail psychologique avec la famille et les amis est également très important.

 


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  • Klüver, H. & Bucy, P. (1997). Preliminary analysis of functions of the temporal lobes in monkeys. 1939. J. Neuropsychiatry Clin. Neurosci. 9 (4):606-620

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