Le complexe d'Œdipe
Rédigé et vérifié par Psychologue Gema Sánchez Cuevas
Qu’est-ce que le complexe d’Œdipe ?
Pour débuter notre article, il est important de préciser que l’utilisation du terme “complexe” en psychanalyse se réfère davantage à un conflit qu’à une gêne. Son sens est donc bien différent de celui qui lui est donné par la psychologie ou par la sagesse populaire, où être complexé est synonyme d’avoir honte de quelque chose, d’une caractéristique personnelle.
Le complexe d’Œdipe fait référence à un conflit fondé sur tout un ensemble de désirs amoureux et hostiles que l’enfant ressent à l’égard de ses deux parents. Sigmund Freud le définit comme le désir inconscient d’avoir une relation sexuelle incestueuse avec le parent du sexe opposé, complété par l’envie d’éliminer le parent du même sexe, de commettre un parricide.
“Pour la première fois, l’enfant doit remplacer le plaisir par la dignité sociale.”
-Sigmund Freud-
De manière formelle, Freud donne le statut de complexe au complexe d’Œdipe, dans son œuvre Cinq leçons sur la psychanalyse, publiée en 1910. Nous disons de manière formelle, car il utilisait déjà de manière orale ce terme depuis 1897, en faisant référence au chef d’œuvre de Sophocle : Œdipe roi.
Freud utilise la tragédie grecque Œdipe roi pour rendre compte de l’universalité de l’ambivalence que ressent l’enfant envers ses parents, ainsi que du développement des comportement hétérosexuels et homosexuels. Des processus qui se poursuivent jusqu’à l’adolescence, époque à laquelle se produit une transformation de la sexualité et une émancipation de l’autorité paternelle.
Quelle est la véritable importance du complexe d’Œdipe ?
Freud, dans son œuvre Trois essais sur la théorie sexuelle, publiée en 1905, démontre que les enfants sont soumis à un fantasme incestueux d’éliminer et de remplacer le progéniteur rival, le père pour le garçon et la mère pour la fille. Un fantasme qui suscite en eux des sentiments contraires au désir qu’ils ressentent, comme la culpabilité et la peur du châtiment.
Les mécanismes de défense dont il parle seraient une réponse naturelle face à cette dynamique, pour offrir une issue à ces désirs. Les mécanismes de défense qui vont se mettre en œuvre sont différents en fonction du type de personnalité qui va émerger. Dans le cas des personnes souffrant de névroses, c’est la répression qui permettra la résolution œdipienne, alors que pour les personnes souffrant de psychose, la résolution œdipienne viendra par la forclusion. Les personnes souffrant de perversion ont surmonté leur complexe d’Œdipe, toujours selon Freud, grâce au déni.
“La névrose est l’incapacité à tolérer l’ambiguïté.”
-Sigmund Freud-
Les mécanismes de défense utilisés par chaque personne pour solutionner le complexe d’Œdipe vont déterminer la structure de leur personnalité. Ils conditionneront également la manière dont ils affrontent et dont ils prennent conscience du monde extérieur, mais également de leur monde intérieur. Jacques Lacan, grand psychanalyste français, dont les travaux sont intimement liés à l’œuvre de Freud, est celui qui a le mieux expliqué le rôle joué par la forclusion et par le déni, en tant que mécanismes de défense.
Nous devons également approfondir le rôle joué par les sentiments ambivalents qui existent chez l’enfant à l’égard de ses parents, si nous voulons mieux comprendre l’importance du complexe d’Œdipe. Ils remplissent une fonction principale qui surmonte toutes les autres : ils permettent l’introduction de l’enfant à la norme (i.e. la loi) et à la culture. Freud fait référence, dans son œuvre Totem et Tabou, publiée en 1912, à ce qu’il nomme la horde primitive, où il décrit ce phénomène.
Le complexe d’Œdipe dans Totem et Tabou
Dans l’oeuvre Totem et Tabou, le repentir et les sentiments de culpabilité qui surgissent au sein de la horde après l’assassinat du totem, donnent naissance à l’instauration d’un nouvel ordre social, basé sur l’exogamie, c’est-à-dire sur la prohibition, ou le tabou, de posséder des femmes du clan. Dans le même temps, ils ouvrent la voie au totémisme, la “tabouïsation” de donner la mort au totem, figure qui se substitue symboliquement au père.
Les interdictions du totémisme (l’inceste et le meurtre du totem) représentent les désirs inconscients centraux du conflit œdipien. Freud conclue cette œuvre de manière anthropologique, en expliquant que le complexe d’Œdipe est la condition centrale du totémisme, qu’il s’agit là d’un mécanisme universel et fondateur de la culture de toute société humaine.
Freud articule le complexe d’Œdipe avec le complexe de la castration, qui est la réaction face à l’intimidation sexuelle ou à la proximité sexuelle qu’un individu peut expérimenter durant l’enfance. Le complexe de la castration représente la conséquence de l’instauration de la norme, de l’interdiction posée par la figure paternelle.
La menace de la castration, chez les garçons, ou l’idée d’avoir été castrée, chez les filles, vont constituer le terrain idéal pour le mécanisme de la répression de la sexualité première pour, au moment de l’adolescence, permettre un choix exogamique.
Ainsi, à travers l’action de la répression (un mécanisme de défense), les névrotiques vont développer et instaurer une instance psychique très importante : le Surmoi. Cette instance va créer un ordre psychique à travers l’introduction d’une norme sociale ; une norme qui est attribuée à la figure paternelle. Cette introjection de la loi permet à l’enfant de commencer à organiser son monde intérieur en prenant en considération les désirs et les demandes venus de l’extérieur.
Les fonctions du complexe d’Œdipe
Le complexe d’Œdipe est un pilier fondamental de la théorie psychanalytique. Freud lui attribue différentes fonctions, que nous pouvons regrouper ainsi :
- La découverte d’un objet d’amour qui dérive de la résolution des sentiments d’ambivalence envers les parents.
- L’acceptation de la loi de prohibition de l’inceste.
- L’accès à la génitalité, comme personne déjà constituée, c’est-à-dire avec ses propres attributs et ses caractéristiques personnelles.
- La constitution de différentes instances psychiques, notamment le Surmoi, comme produit de l’assimilation de l’autorité paternelle.
- L’identification à un idéal.
- L’acceptation de son propre sexe.
Après tout ce que nous venons d’expliquer, il est aisé d’apprécier que le complexe d’Œdipe, pour Sigmund Freud, est avant tout marqué par une relation triangulaire formée par la mère, le père et l’enfant. C’est la résolution de ce “triangle” qui va conditionner la personnalité de l’enfant, et c’est l’introduction de la norme qui lui permettra d’assimiler l’ordre social et culturel dans lequel il vit.
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- Freud, S. (1899). La interpretación de los sueños. Editorial Biblioteca Nueva.
- Freud, S. (1905). Tres ensayos de teoría sexual. Editorial Biblioteca Nueva.
- Freud, S. (1913). Tótem y Tabú. Editorial Biblioteca Nueva.
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