L'an 1000, l'année de l'Apocalypse
Rédigé et vérifié par l'historien Juan Fernández
Dans l’Apocalypse de Paul, on a le sentiment que le monde est sur le point d’atteindre son aboutissement. Après l’Ascension du Christ, on s’attend au Jugement dernier.
Cependant, les temps bibliques de Dieu ne sont pas ceux des hommes, et la fin n’était finalement pas si imminente. Tout au long de l’Histoire, nombreux sont ceux qui, d’après les textes sacrés, ont annoncé une apocalypse, mais rarement cette annonce a suscité une ferveur comparable à celle connue en l’an 1000.
Un tel phénomène est certainement dû en partie au chiffre rond de l’année en question. Peut-être également à la perception d’une augmentation des maux et des dangers. Peut-être encore au changements politiques et religieux. En réalité, il s’agit sûrement d’une combinaison de toutes ces choses à la fois.
Le christianisme, ravagé par ses ennemis
L’extermination et la persécution du troupeau de Dieu font partie des preuves annonçant la fin du monde. Beaucoup en sont accusés à la fin du Xe siècle.
De tous les peuples païens qui frappent la chrétienté, les vikings sont certainement ceux qui pouvaient annoncer l’Apocalypse. En effet, ces invincibles combattants assoiffés de sang ont alors ravagé l’Angleterre, ignorant la Paix de Dieu. Non moins terrifiants, les cavaliers magyars de Hongrie étaient également craints dans l’Europe médiévale chrétienne.
L’apocalypse musulman ?
Cependant, si certaines régions d’Europe subissaient régulièrement les assauts de ces deux peuples païens, un mal endémique représentait une plus grande menace encore pour l’Église. Il s’agissait alors de l’Islam. En effet, le califat fatimide égyptien avait ordonné la destruction de centaines de temples coptes dans la région égyptienne, autrefois terre christianisée.
Les musulmans pillèrent également les églises en Palestine et attaquèrent les pèlerins en route pour Jérusalem. La Terre sainte était alors sous le joug des ennemis de la croix. Difficile donc de trouver une meilleure preuve de l’imminence de l’Apocalypse.
Par-dessus tout, les musulmans étaient dors et déjà bien implantés dans les terres de la péninsule ibérique après en avoir chassé les rois chrétiens. Dans le califat omeyyade, un nom résonne particulièrement. Il s’agit d’Almanzor dont le nom signifie “le Victorieux” en arabe.
En 985, Almanzor a vaincu les successeurs de Charlemagne à Barcelone. En 997, il a mis à sac Saint-Jacques de Compostelle. La ville, bien que sous la protection de l’Apôtre, n’a pas résisté à cette tragédie. Beaucoup d’autres razzias ont suivi de la part du “Victorieux”. Et si l’an 1000 était pour lui l’occasion d’une nouvelle percée ?
“Pour ce qui est du jour et de l’heure, personne ne le sait, ni les anges des cieux, ni le Fils, mais le Père seul.”
-Matthieu 24:36-
Les prophètes de l’Apocalypse
Beaucoup se sont fait l’écho de ces rumeurs, liant les guerres à la famine ou aux épidémies. Dans un de ses textes les plus célèbres, Adson de Montier-en-Der, un abbé français, mettait en garde contre la décadence carolingienne et la fin des temps qui s’ensuivrait.
D’autres opportunistes, comme le comte de Sens, ont décidé d’imputer les mauvaises récoltes à l’approche de l’Apocalypse. Pratique pour éviter ainsi toute révolte. Les prophètes n’ont pas tardé à alarmer le peuple.
Parmi toutes les propositions, c’est celle du Millénarisme qui était alors la plus populaire. D’après cette croyance, ce qui devait venir n’était pas la fin. En fait, ils attendaient la venue du Christ pour qu’il dirige le monde pendant les mille ans à venir.
Condamnée comme hérésie, cette croyance est cependant devenue la soupape de certaines frustrations populaires. Sans aucun doute, la venue du Christ signifierait un profond renouveau spirituel et social vers une plus grande égalité.
De tous les changements que les peuples de la fin du premier millénaire ont anticipés, au moins un a eu lieu. En effet, c’est à cette époque qu’a eu lieu la révolution dite féodale.
Hugues Capet, comte de Paris qui a pris le trône de France, en est un exemple typique. Dans toute la chrétienneté, il y a alors eu l’arrivée au pouvoir d’une série de seigneurs féodaux. Ils ont dès lors centralisé les pouvoirs royaux et ainsi gagné une indépendance politique de fait.
L’Église, peu désireuse de céder son pouvoir à cet ordre nouveau des nobles, organise alors les assemblées de paix et de trêve de Dieu. Le plein Moyen Âge est en marche.
Et la vie reprit son cours
Les redoutables Scandinaves se sont convertis au christianisme romain précisément en l’an 1000. Peu de temps après, le père d’Étienne Ier de Hongrie avait uni son peuple à Rome.
Deux ans plus tard seulement, Almanzor mourut. Il laissa en héritage un califat en crise qui a poursuivi, inexorablement, sa division pour finir par la perte de ses territoires au Nord.
La mauvaise interprétation massive des faits historiques, tant par des personnes instruites que par le peuple, ne devrait donc pas nous surprendre. Aujourd’hui encore, nous tombons systématiquement dans les mêmes travers : interpréter l’enchaînement des faits historiques comme une avancée progressive vers un point.
L’histoire n’est pas une évolution progressive et inexorable vers le bien ou le mal. Pas plus vers la fin ou le progrès, ni vers la liberté ou la tyrannie. Pas plus finalement que vers l’égalité ou toute autre valeur.
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- Duby, Georges (2000) El año Mil. Una interpretación diferente del milenarismo, Gedisa.
- Focillon, Henry (1998) El año Mil, Alianza.
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