La voleuse de livres, le pouvoir des mots
Rédigé et vérifié par Psychologue Gema Sánchez Cuevas
La Seconde Guerre mondiale est un scénario que le cinéma a voulu exploiter au maximum depuis des dizaines d’années. C’est pourquoi, quand on nous recommande un autre film sur le sujet – comme La voleuse de livres – un sentiment de fatigue peut se faire sentir.
Continuer de réaliser ce genre de films n’est pas mauvais en soi. Personnellement, je crois qu’il est intéressant de parler du passé et d’en être conscient, notamment pour ne pas commettre les mêmes erreurs. Mais la lassitude que ressentent certains est compréhensible.
Ainsi, quand on se met à regarder La voleuse de livres (Brian Percival, 2013), un film basé sur le roman éponyme de Markus Zusak, on pense d’abord qu’il s’agit encore d’un “autre drame au sujet du nazisme”.
Or, l’une des particularités de ce film est que nous ne nous trouvons pas dans un camp de concentration, et qu’Hitler n’apparaît pas physiquement. On peut toutefois percevoir Hitler dans l’atmosphère, telle une menace, comme un être omniprésent, invisible et impitoyable.
Le film nous situe dans la vie quotidienne. Nous observons la vie d’une ville dont les habitants ignorent ce qu’il va se passer pour eux et tentent de continuer à vivre comme ils le peuvent.
Tout s’écrit au jour le jour, les personnages ne connaissent pas leur destin. Certains acceptent avec résignation l’apogée du nazisme, d’autres l’accueillent les bras ouverts. Et, dans ce climat d’incertitude, une fille se démarque. Sa vie a été marquée par le malheur. D’abord, à cause de la séparation avec sa mère, et ensuite avec la mort de son frère.
Liesel est adoptée par un couple de personnes âgées. Au début, elle se sent mal à l’aise, elle ne fait pas bon ménage avec sa mère. Elle ne comprend pas non plus comment fonctionne le monde ni pourquoi on l’étiquette de communiste.
Au travers du regard de Liesel et dans un contexte affreux, nous découvrons une histoire qui oscille entre la fiction et la réalité, entre la vie et la mort.
La voleuse de livres : lire pour s’échapper
La voleuse de livres n’est pas un grand film, ni l’un des plus acclamés du genre. Mais il fait passer un message important qui nous rappelle le pouvoir de la parole. La parole est un autre protagoniste important du film. C’est l’échappatoire que trouvent les protagonistes pour survivre dans un monde horrible.
Comme nous l’avons évoqué, l’action se déroule dans la vie quotidienne, dans une ville de familles ouvrières que le nazisme a surpris.
Liesel arrive dans son nouveau foyer. Ce n’est qu’une fille et elle a déjà perdu les personnes les plus importantes de sa vie. Elle ne sait pas lire et, par conséquent, on se moque d’elle à l’école. Liesel est, qui plus est, d’origine communiste. Elle n’échappera pas à cette étiquette non plus.
Il est intéressant de remarquer que les enfants répètent ce que disent les adultes, même sans connaître le sens du mot. Quelques enfants insultent Liesel de “communiste”. Mais ni eux ni Liesel ne savent réellement ce que signifie être communiste.
Le pouvoir des mots
L’endoctrinement dans les écoles est manifeste. Les enfants chantent sans vraiment savoir ce que les paroles de la chanson cachent. C’est là que réside en partie le message du film.
Liesel est étiquetée comme analphabète. Les autres enfants savent lire, mais ils ignorent le sens de nombreux mots qui font partie de leur vocabulaire. N’est analphabète que celui qui ne sait pas lire ?
Au début du film, pendant l’enterrement de son frère, Liesel vole un livre. Un livre dont elle ignore le sens mais qui a beaucoup de sens pour elle. C’est une connexion avec son passé, avec son frère.
Son père découvre le livre et lui apprend à lire. Le livre, en réalité, n’est ni un roman ni un conte, c’est un simple manuel pour les fossoyeurs. La mort est à nouveau présente.
Liesel trouve dans les livres et dans les mots une échappatoire de taille pour s’immerger dans d’autres mondes et apprendre. Les livres peuvent devenir une arme, une manière de penser. C’est pourquoi ils n’intéressaient pas le nazisme.
Lors d’un bûcher de livres “immoraux”, Liesel réussit à en sauver un, comme dans Fahrenheit 451. Ici, il ne s’agit pas d’une dystopie, nous sommes dans le monde réel, dans un passé pas si lointain.
Ce geste est réellement significatif. Liesel partage son amour pour les livres et les mots avec sa famille et avec Max, un jeune Juif qui se cache dans la cave de la famille de Liesel. Elle partage ensuite son secret avec son ami Rudy et, d’une certaine manière, avec la femme du maire.
Les livres permettent à Liesel de rêver et à Max de sortir de sa cachette. Le véritable pouvoir de la parole se manifeste lorsque les habitants de la ville doivent se réfugier dans un abri antiaérien pendant un bombardement.
À ce moment, la préoccupation, la peur et la douleur s’emparent des personnes. Liesel décide alors de raconter une histoire, de transmettre à ces personnes terrorisées son amour pour les mots. Et, sans aucun doute, elle y parvient. La tranquillité revient dans ce lieu sombre et les mots ont vaincu les bombes.
Personne n’échappe à la mort
D’une certaine manière, les protagonistes ont deux peurs dans le film : ils ont peur de la mort et peur d’Hitler. Aucune des deux figures n’apparaît de manière physique mais nous pouvons bel et bien les percevoir.
Il y a un moment réellement intéressant dans lequel Liesel et Rudy crient : “Je hais Hitler”. Ce cri vise à vaincre la peur et à accepter la réalité telle qu’elle est.
En ce qui concerne la mort, Liesel en est consciente depuis l’enfance. Elle l’a vue partout, mais sa vie se s’est pas arrêtée pour autant.
Nous allons tous mourir à un moment donné. La mort est la seule chose dont nous sommes sûrs depuis la naissance. L’argent et les frontières n’y peuvent rien. La mort nous guette dès le début de notre vie.
Liesel trompe la mort à plusieurs occasions, ainsi que Max. D’autres personnages n’ont pas la même chance. Finalement, l’heure de Liesel et de Max arrivera.
Dans La voleuse de livres, la mort réalise des commentaires sur ce que nous voyons, avec une voix posée et sereine. Et s’il faut avoir peur de quelqu’un, ce serait plutôt des vivants.
Même dans le pire des scenarios, Liesel trouve une once d’optimisme. Nous le voyons par exemple avec le câlin de l’épouse du maire après le terrible bombardement pendant lequel la mort a raflé presque tous les habitants.
La voix off se montre ironique à certains moments. Mais en même temps, elle se connecte avec la réalité de son essence, de sa nature. Elle joue également le rôle de juge, en équilibrant la balance.
C’est quelque chose qui nous rappelle l’art et le thème du memento mori. La mort est une sorte de justicière, parfois bienveillante et parfois impitoyable. Mais elle n’est pas une ennemie.
La voleuse de livres nous plonge ainsi dans une histoire pleine d’humanité, d’amitié et d’apprentissage dans un monde horrible, sombre et asphyxiant.
Certes, c’est toujours une fiction et ne possède pas l’impact de récits authentiques comme le Journal d’Anne Frank. Mais c’est un récit agréable qui nous rappelle que nous devons accepter notre destin avec patience et sans peur.
“Les mots sont la vie. Si tes yeux pouvaient parler, que diraient-ils ?”
-Max, La voleuse de livres-
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