La spirale du silence : quand on se tait par peur du rejet
Rédigé et vérifié par Psychologue Valeria Sabater
La spirale du silence définit un comportement dans lequel quelqu’un (une minorité) choisit de garder le silence sur son opinion par peur des représailles du groupe dominant (la majorité). Si on y pense, ce phénomène social est quelque chose que nous avons tous vécu à un moment donné. C’est l’agitation enfouie que l’on ressent en s’apercevant que notre point de vue diffère de celui assumé par le reste de l’environnement.
Pour donner un exemple de cette théorie, Hans Christian Andersen nous laissa une curieuse fable. Imaginez deux tisserands qui comparaissent devant un puissant empereur et sa cour. Ils expliquent qu’ils ont confectionné les plus beaux vêtements du monde, dont le tissu n’est visible que par les personnes intelligentes.
La vérité est que ces deux tisserands étaient des filous qui vont de royaume en royaume en trompant les imprudents. Pourtant, malgré cela, ils réussissent toujours, car personne n’osa jamais dire qu’il ne voyait rien. Ainsi, lorsque l’empereur mit ces robes inexistantes, tout le monde loua lesdites robes même si tout ce qu’ils virent était sa nudité.
La peur d’être pointés du doigt, rejetés et d’être les voix qui diffèrent devant une majorité nous conduit inévitablement à cette spirale silencieuse si courante dans notre société. Nous l’analysons ci-dessous.
“La moitié du monde a quelque chose à dire, mais ne peut pas; l’autre moitié n’a rien à dire, mais ne se tait pas.”
-Robert Frost-
Qu’est-ce que la spirale du silence ?
La spirale du silence est une théorie qui trouve ses origines dans la communication de masse et les sciences politiques. Elle a été proposée par la politologue allemande Elisabeth Noelle-Neumann en 1977, à la suite de son livre à succès La spirale du silence. L’opinion publique : notre peau sociale.
L’intention de l’auteur était de comprendre pourquoi certaines personnes choisissent de garder le silence sur certaines opinions, événements ou expériences devant des groupes dont elles ont l’intuition qu’ils ne vont pas les partager. Ainsi, la première chose qui peut venir à l’esprit est la “peur”. Parce que cette dynamique de comportement est quelque chose que beaucoup d’entre nous voient fréquemment dans les environnements de travail.
Par exemple, dans les situations de harcèlement, nombreux sont ceux qui préfèrent taire ce qu’ils voient par peur de la pression du groupe, de perdre leur emploi ou, plus encore, d’être le prochain à subir de tels comportements intimidants. En effet, Noëlle-Neuman expliqua que la spirale du silence est en réalité alimentée par deux types de peur : celle d’être isolée et celle d’éventuelles représailles.
L’une des théories les plus étudiées en psychologie de la communication
La théorie de la spirale du silence nous dit que nous sommes très probablement disposés à communiquer nos opinions si nous pensons qu’elles coïncident avec celles de la majorité. En revanche, si nous avons le sentiment que ce que nous ressentons ou pensons n’est pas conforme à ce que les autres considèrent, la chose commune est de ne rien dire. Pour ne pas s’exprimer et se réfugier dans le silence.
Ce type de réaction si récurrent au sein des groupes sociaux a toujours fait l’objet d’études par la psychologie de la communication. Ainsi, des études plus récentes, comme celles menées par l’Université de Vienne, pointent vers quelque chose d’intéressant.
Les personnes qui se sentent majoritaires se perçoivent comme plus dominantes. De plus, leurs opinions deviennent bruyantes et persistantes. Ce qui est amusant, c’est que ces opinions de la grande masse ne sont pas toujours vraies ou cohérentes. Cependant, il suffit qu’un large groupe défende quelque chose pour que cette approche devienne plus courante. Malgré le fait qu’il existe une minorité qui pense autrement et choisit de garder le silence.
La plupart d’entre nous voulons nous sentir acceptés et respectés par les autres. Parfois, cela nous amène à devoir prétendre que nous sommes d’accord avec les opinions des autres. Bien qu’en nous-mêmes, nous défendons le contraire.
La loi du silence est-elle le reflet de notre lâcheté ? Absolument pas
À ce stade, il est possible que plus d’un suppose que la loi du silence est le reflet de notre lâcheté. Rien n’est plus éloigné de la réalité. Prétendre que nous sommes d’accord avec la majorité est le reflet de notre instinct de survie.
La politologue Noëlle-Neumann expliqua que les gens ont un sixième sens : l’organe quasi-statistique. Ce radar interne nous permet de sonder le climat d’opinion dans notre environnement pour méditer sur nos actions et réponses. Si nous percevons qu’il y a une opinion dominante, le plus courant est que nous nous adaptons à cette perspective.
La raison pour laquelle nous appliquons la spirale du silence répond à notre besoin fondamental de ne pas nous sentir isolé. Aussi pour ne pas subir d’éventuelles représailles de la part des autres. Rappelons-nous encore une fois que les êtres humains sont des créatures sociales, et peu de choses sont aussi traumatisantes que d’être rejeté, de vivre dans l’isolement… ou d’être agressé.
Plus l’écart entre notre propre opinion (minorité) et celle des autres (majoritaire) est grand, plus grande est la probabilité que nous ayons recours au silence ou pire, adoptons l’approche de la grande masse.
Le pouvoir des médias de manipuler notre perception sociale
Ces données sont toujours intéressantes. Les médias et la publicité sont de grands harceleurs et façonneurs de la spirale du silence. Pensons-y. Les réseaux sociaux sont aujourd’hui notre fenêtre pour voir et comprendre le monde. Il est très fréquent que les opinions affluent dans ce scénario numérique qui deviennent soudainement majoritaires.
Nous voyons des messages et des nouvelles qui deviennent viraux et même des influencers défendent certains points de vue. Du coup, ce sixième sens que Noëlle-Neumann définissait comme un organe quasi statistique se rend compte que le climat d’opinion va dans une direction très marquée. Et si on osait proposer un point de vue totalement opposé ?
Très probablement, nous sommes victimes d’une campagne de harcèlement et de démolition sur les réseaux sociaux. De sorte que nous choisissons souvent de plonger dans cette spirale de silence qui, comme les trois singes sages de Confucius, choisissent de ne pas voir, de ne pas entendre et de se taire.
Cependant, gardons cela à l’esprit : il y a des moments où cela vaut la peine de prendre le risque. Soyons une voix solitaire au milieu de la grande masse car, en fin de compte, cela vaut la peine d’être cohérent avec nos principes et nos valeurs.
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Toutes les sources citées ont été examinées en profondeur par notre équipe pour garantir leur qualité, leur fiabilité, leur actualité et leur validité. La bibliographie de cet article a été considérée comme fiable et précise sur le plan académique ou scientifique
- Noëlle-Neumann, Elisabeth. La espiral del silencio. Opinión pública: nuestra piel social, Paidós. Barcelona, 1995.
- West, Richard y Turner, Lynn. Teoría de la comunicación: Análisis y Aplicación. McGraw-Hill. Aravaca, 2005.
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