La conscience de soi corporelle : le début de bien des souffrances

Saviez-vous que plus vous rejetez votre corps, plus il est difficile de comprendre et de gérer vos émotions ? L'esprit et le corps ont un lien direct et le fait de ne pas prendre soin de ces entités et de ne pas les valoriser a un effet néfaste sur nous.
La conscience de soi corporelle : le début de bien des souffrances
Valeria Sabater

Rédigé et vérifié par Psychologue Valeria Sabater.

Dernière mise à jour : 26 avril, 2023

Il y a des gens qui voient chaque jour un être inconfortable et désagréable dans leur miroir. Il y a beaucoup d’adolescents qui ne se sentent bien dans leur image que lorsqu’ils l’embellissent — la déforment — avec des filtres sans fin. Comme si cela n’était pas assez frappant, il y a encore un fait plus terrifiant : de plus en plus d’enfants, âgés de 6 ou 8 ans, voient des défauts infinis dans leur apparence physique.

Avouons-le, s’il existe un phénomène commun à une grande partie de notre planète, c’est de voir des millions de personnes aux prises avec une insatisfaction corporelle. Dans leur esprit, il semble y avoir une énorme distance entre leur image réelle et l’image idéale, celle aussi artificielle qu’impossible qui les conduit au malaise et au rejet progressif de soi.

Par conséquent, le fait que le trouble dysmorphique corporel soit diagnostiqué de plus en plus fréquemment ne nous surprendra pas. Nous nous référons à cette condition dans laquelle le patient recherche compulsivement la perfection, tout en étant extrêmement critique de son propre corps. C’est au point de voir des défauts là où il n’y en a pas et de croire qu’ils vivent dans une enveloppe physique inquiétante.

Anxiété, comportements d’évitement, obsessions, peurs… Lorsque l’esprit rencontre un corps avec lequel il est en désaccord, la souffrance est dévastatrice. La conscience de soi corporelle et la façon dont nous la construisons sont directement liées à notre santé mentale et c’est quelque chose dont nous devrions nous occuper dès l’enfance.

Les parents ont un impact direct sur le développement de l’image corporelle de leurs enfants.

Fille avec honte à cause de la conscience de son corps
La conscience de soi corporelle est un élément clé pour construire notre Soi.

Qu’est-ce que la conscience de soi corporelle ?

Nous comprenons la conscience de soi corporelle comme le processus par lequel le cerveau intègre notre image physique pour mener à bien la construction du Soi. Cette perception de chaque zone physique, de notre schéma corporel, construit la sensation d’être qui nous sommes. Un tel métier physique-psychologique est intégré à l’enfant à partir de 3 ans.

Ce concept est plus important qu’on ne le pense. C’est parce que nous avons passé plusieurs siècles à concevoir le corps comme quelque chose de séparé de l’esprit. Ce dualisme est enraciné dans la théorie classique du XVIIe siècle de René Descartes. Quelque chose comme ça nous a rendu très difficile de comprendre que parfois certains malaises physiques, par exemple, avaient une origine psychologique et pas tellement physiologique.

De plus, cela a également provoqué un autre phénomène que nous observons depuis des décennies. Un enfant ne vient pas au monde en haïssant son corps, il l’apprend dans la société et cela affecte sa santé mentale de manière dévastatrice. À tel point que, dans une étude menée dans plusieurs universités européennes, il a été révélé à quel point le trouble dysmorphique corporel est de plus en plus fréquent chez les jeunes.

Les enfants et les adolescents entre 10 et 19 ans détestent de plus en plus leur corps. Même ceux qui présentent cette condition montrent, quant à eux, une comorbidité psychiatrique de 71,5 % avec des automutilations et des tentatives de suicide. La conscience de soi corporelle est souvent le début de beaucoup de souffrance.

Il existe des troubles psychologiques qui bloquent notre conscience de soi corporelle, au point de ne pas ressentir certaines sensations corporelles comme les nôtres et de voir des défauts physiques qui ne sont pas réels.

Les composants de ce type de conscience de soi

La conscience de soi du corps est ancrée dans notre cerveau à travers trois composantes très spécifiques. Celles-ci médiatisent et nous permettent de comprendre la psychopathologie d’une grande partie des troubles alimentaires (ED) et des troubles dysmorphiques corporels (BDD). Nous les analysons ci-dessous.

  • Propriété physique du corps (ce que nous voyons). Cela peut attirer notre attention. Il y a des gens qui se voient horribles, imparfaits et même carrément dégoûtants. Peu importe qu’ils soient attirants. La dysmorphophobie peut signifier que ce qu’ils voient dans leur miroir ne correspond pas à la réalité.
  • Intéroception (ce que nous ressentons). La conscience de soi corporelle se construit aussi à travers nos sensations internes, celles qui se déclenchent en nous. Aussi déconcertantes que cela puisse nous paraître, des enquêtes telles que celles menées à l’Université de Rennes, en France, nous apprennent que les personnes souffrant d’anorexie ou de dysmorphie corporelle ont une perception altérée de la faim physiologique, de la satiété, de l’expression des émotions dans le corps lui-même.
  • Évaluation cognitive (ce que nous pensons). L’idée de qui nous sommes est également construite à partir de la façon dont nous nous voyons. Ici, les pensées et les croyances ont un grand pouvoir lorsqu’il s’agit de construire une image saine et positive de nous-mêmes.

Lorsque nous nous dissocions de notre corps et le rejetons, nous cessons de comprendre ce que nous ressentons et nous nous détachons de la bonne gestion de nos émotions.

Femme triste regardant dans le miroir avec des problèmes de conscience de soi du corps
Nous pouvons tous ne pas aimer une certaine partie de notre corps, mais pas nous détester à cause de notre image corporelle.

Quand l’esprit et le corps ne sont pas en harmonie

La conscience de soi corporelle s’installe dans notre cerveau dès l’enfance et peut s’effilocher à tout moment. Car si l’esprit et le corps cessent d’être en harmonie, l’origine est presque toujours dans une troisième variable étrangère, étrange et très nocive : notre culture. L’image que nous avons de nous-mêmes peut être détruite par les messages que nous recevons de notre environnement.

La famille est généralement ce premier scénario qui inocule aux enfants des récits négatifs sur leur schéma corporel. Et ces premiers messages passent du concept de soi à l’estime de soi. Et que dire de la mode, du marketing publicitaire et des réseaux sociaux ? Nos jeunes se comparent quotidiennement avec ces images qu’ils reçoivent de leurs applications Tik Tok et Instagram.

Les réseaux sociaux sont, en ce moment, le principal ennemi d’une conscience de soi corporelle saine chez les jeunes. Ainsi, ce qui se passe lorsque l’esprit et le corps ne sont pas en harmonie est très problématique et connu de tous. Mais mal abordé par une bonne partie de notre société.

Se détacher de son corps

Lorsque l’esprit et le corps ne sont pas synchronisés, nous cédons à un type frappant de dissociation. Ce qui se passe, c’est que nous cessons d’être maîtres de nos émotions, nous les réprimons, nous ne les comprenons pas, nous restons ancrés à leur valence négative. Il n’y a que rejet, critique, angoisse persistante et mépris.

Le manque de conscience de soi corporelle favorise un manque de conscience de soi émotionnelle et, à son tour, une distorsion de son propre Soi. Notre corps n’est pas le nôtre, on le nie, on s’éloigne de cette enveloppe physique pour rester bloqué dans une dimension d’inconfort permanent. Et les effets sont immenses.

Que faire dans ces circonstances ? C’est la responsabilité de chacun. Nous vivons dans une société dominée par la tyrannie d’une beauté impossible, artificielle et dominée par l’auto-exigence. Notre corps ne doit pas être un ennemi, il fait partie de notre être et nous devons reformuler notre culture pour éviter que les enfants de 9 et 10 ans soient admis en urgence dans les unités des troubles alimentaires. Réfléchissons-y.


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