L'effet phi, l'illusion d'optique que crée le cerveau
Rédigé et vérifié par Psychologue Valeria Sabater
L’effet phi (φ) est une illusion d’optique que notre cerveau génère : il nous fait croire qu’une figure fixe est en mouvement. L’école Gestalt a défini et inventé ce terme en 1912, un concept qui à démontré quelque chose d’important : la perception dépasse nos sens. Au-delà de ce que nous voyons ou ressentons, il y a une simple interprétation de notre cerveau.
Le sujet est plus intéressant qu’il n’y paraît. Nous sommes tous frappés par ces images où des formes et couleurs les plus diverses semblent bouger timidement devant nous… Savoir que ce mouvement n’est pas réel suppose un petit choc qui nous oblige à nous interroger sur plusieurs choses.
Savoir que le stimulus perçu ne correspond pas au stimulus réel nous fait d’abord penser que quelque chose ne va pas chez nous. S’agit-il nos sens ? Est-ce un problème de vision ? Pas du tout.
Cependant, comme le souligne le neuroscientifique américain David M. Eagleman, auteur du livre Incognito, les vies secrètes du cerveau, la première leçon que nous devons apprendre sur nos sens est que nous ne devons pas leur faire confiance. Le simple fait de voir quelque chose avec nos yeux ne signifie pas que quelque chose existe réellement.
Le cerveau interprète, construit et reconstruit, invente et introduit des axiomes dans notre esprit. Et ce, pour essayer de faire en sorte que tout ait une certaine logique. Notamment lorsqu’il perçoit, par exemple, qu’il y a des défauts ou des lacunes dans ce qu’il voit. Ce type de découverte a été la clé du développement de la Gestalt.
“Le tout est plus que la somme de ses parties.”
-Max Wertheimer-
L’effet phi (φ), pilier de la Gestalt
C’est Max Wertheimer (1880-1943) fondateur de l’école Gestalt qui a décrit le premier le soi-disant effet phi dans le domaine de la science. Il l’a fait à travers une étude intitulée Experimental Studies on the Perception of Motion (1912) par laquelle il jette les bases de la psychologie de la perception.
Ainsi, et comme dans la plupart des découvertes, le hasard a conduit le Dr Wertheimer à trouver un stroboscope dans une gare. Après cette curieuse découverte, il s’est demandé ce qui avait créé ce phénomène fascinant.
Il savait que ce jeu de figures géométriques n’était pas en mouvement. Pourtant, ses yeux lui disaient qu’il en était ainsi. Il a appelé ce fait “phénomène φ” pour le distinguer de β (bêta), où un stimulus a une capacité réelle et logique pour se déplacer. Le Dr Wertheimer a voulu comprendre ce qui en était la cause.
Effet phi et faux mouvement, une erreur du cerveau ?
L’effet phi diffère à plusieurs égards des illusions d’optique classiques. Pour commencer, il y a généralement une succession de figures similaires. Ce sont des images fixes. Cependant, si ces images sont reproduites sous nos yeux une à une et à une certaine vitesse, nous aurons la sensation qu’elles bougent, alors qu’en réalité elles ne bougent pas.
- Max Wertheimer a montré que si nous montrons une succession d’images statiques à une vitesse spécifique, notre cerveau y voit du mouvement.
- Ce phénomène est lié à la persistance rétinienne. Ce concept est basé sur l’idée que les images restent “imprimées” sur notre rétine pendant un petit fragment de seconde. Si nous passons rapidement de nombreuses images devant l’œil humain, le cerveau ne pourra pas différencier une figure de l’autre de manière isolée.
- Cela signifie qu’il finit par interpréter (à tort) qu’il s’agit du même objet en mouvement.
Il est à noter que ces recherches de Max Wertheimer et sa théorie de l’effet phi ont contribué au développement du cinéma avec les fameux photogrammes. C’est Hugo Münstenberg qui s’est intéressé à cette idée pour lui donner forme en 1916.
Le point de départ de l’école Gestalt
L’effet phi n’est pas réellement l’innovation de Max Wertheimer dans le monde de la psychologie scientifique. En réalité, dans le domaine de la photographie, ce type d’expérience perceptive était déjà connu. L’un des représentants les plus connus est le photographe britannique Eadweard Muybridge (1830-1904).
Son travail a été révolutionnaire pour son temps. En 1878 Muybridge avait déjà inventé ce qu’il appelait la chronophotographie.
L’une de ses œuvres les plus connues retrace les mouvements d’un cheval et de son cavalier lors d’une course via l’utilisation de 24 caméras alignées sur la piste. Après avoir obtenu et développé les images, il savait que les exposer à une certaine vitesse générerait un mouvement réel.
Alors que pour certains ce phénomène n’était pas nouveau, le travail de Wertheimer au sein de la Gesltalt a tout changé. Cette école de psychologie a jeté les bases de l’étude de la sensation et de la perception. Pour des théoriciens comme Wertheimer lui-même ainsi que pour Wolfgang Kohler ou Kurt Koffka, ce que nous percevons ne sont pas des stimuli isolés.
En réalité, le cerveau a toujours tendance à regrouper tout ce que nous voyons, à créer un tout régi par un sens de la cohérence et une logique interprétative. Il choisit ainsi, par exemple, de penser que cette succession d’images correspond au même objet en mouvement. Comprendre cela de cette façon économise des efforts : c’est plus facile.
Cependant, et voici le problème, ce n’est pas réel. Comme le dit le neuroscientifique David M. Eagleman, cela ne fait jamais de mal de ne pas faire confiance à 100 % à tout ce que le cerveau nous fait croire…
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