Isolement affectif : séparer les émotions des pensées
Rédigé et vérifié par Psychologue Valeria Sabater
L’isolement affectif est un mécanisme de défense que Sigmund Freud a formulé au début du 20e siècle. Il consiste en quelque chose qui nous est peut-être bien connu : isoler une pensée douloureuse et réduire son volume émotionnel. Il s’agit de pousser la rationalisation à l’extrême pour dépouiller l’expérience du voile de la tristesse.
Imaginez quelqu’un qui vient d’être agressé dans la rue. Suite à ce vol et cet incident violent, il laisse passer les jours et à chaque fois qu’on lui demande comment il va, il répond la même chose : « Ce n’était rien. Ces choses arrivent. Je n’y pense même pas ».
Orienter la concentration mentale vers le cognitif (les pensées), mais en supprimant tout impact émotionnel, est un mode d’adaptation très utile. Il est par ailleurs important de considérer que cette stratégie s’applique souvent lorsqu’une personne fait face au décès d’un proche.
Le fait de se dire que tout va bien, que l’important est de revenir à la routine et de ne pas se laisser emporter par la douleur, finit par façonner ce qu’on appelle le deuil congelé. Approfondissons.
Certaines personnes minimisent les situations difficiles, évitent d’y penser, ou leur ôtent toute importance en faisant voir aux autres et à eux-mêmes que cet événement ne les affecte pas.
Qu’est-ce que l’isolement affectif ?
Nous avons tous appliqué l’isolement affectif à un moment donné. C’est une ressource d’adaptation très courante. Bien qu’elle soit parfois utile, la vérité est que de nombreuses personnes y recourent d’une manière malsaine.
Par exemple, la recherche psychologique nous apprend qu’il est très courant de gérer les menaces qui nous entourent en isolant la composante émotionnelle. Cela permet de minimiser la peur pour être plus décisif.
Une étude de l’université de Yale parle de la personnalité répressive. Il existe des personnes qui parviennent facilement à réprimer les informations négatives en essayant d’améliorer la valeur positive de chaque stimulus, situation ou expérience. Cela peut parfois être efficace et pratique.
Les effets ne sont toutefois pas si bons lorsque quelqu’un utilise ce mécanisme dans toutes les circonstances vitales. Voyons cela plus en détail.
Expériences sans affect : l’anesthésie émotionnelle n’est pas toujours utile
L’isolement affectif peut être utile dans les situations de stress léger du quotidien. Traiter la réalité à un niveau plus rationnel et moins émotionnel peut nous permettre de mieux gérer les difficultés quotidiennes.
Cependant, dans des circonstances traumatisantes, ce mécanisme de défense chronifie les états de souffrance en ne les gérant pas comme il faudrait. Roy F. Baumeister, célèbre psychologue social, a voulu savoir à travers une étude combien de mécanismes de défense énoncés par Freud se manifestaient dans notre société actuelle.
L’isolement affectif est l’une des ressources psychologiques les plus fréquentes dans de nombreux groupes. Les personnes dépendantes minimisent l’impact de leur comportement en continuant à renforcer cette dépendance. Et de nombreux criminels utilisent cette anesthésie émotionnelle pour éviter de ressentir l’impact de leurs actions.
Par ailleurs, comme déjà souligné, il est très fréquent que cette minimisation des émotions s’applique pendant le deuil comme une tentative d’adaptation. Ne pas ressentir pour continuer à vivre, abandonner la douleur pour continuer à travailler… Dans des situations extrêmes, ce mécanisme d’adaptation n’est pas sain.
Isolement affectif chez les enfants : de la solitude émotionnelle à la solitude physique
L’isolement affectif est également courant chez les enfants. Il est ici lié à la négligence ou à la maltraitance émotionnelle.
Les figures paternelles deviennent des menaces lorsque les enfants espèrent obtenir de l’affection de leurs parents et ne reçoivent que froideur émotionnelle ou souffrance. Une façon de faire face aux menaces est donc de désactiver tout besoin émotionnel.
Si maman et papa me crient dessus et m’humilient, j’arrête de leur faire confiance et j’arrête d’attendre d’eux de l’affection. Ils passent progressivement de l’isolement affectif à l’isolement social.
Lorsqu’ils cessent de faire confiance (et d’avoir besoin) de leurs parents, ils cessent également de faire confiance aux autres. Cela les amène à ne pas construire de relations sociales solides au fil du temps.
Les émotions font partie de la vie, nous ne devons pas les refouler
Les émotions font partie de la vie. Elles sont l’essence de notre nature humaine. Une émotion de valence négative ne peut pas être réprimée ou séparée d’une expérience comme l’on sépare la paille du blé. Cela va à l’encontre de qui nous sommes.
Par conséquent, il sera inutile de se dire qu’il ne se passe rien quand quelqu’un nous harcèle au travail. Ou encore quand un partenaire nous quitte ou quand nous subissons des abus pendant l’enfance.
Les émotions ne s’isolent pas. Elles se valident, s’acceptent et se rationalisent afin qu’elles ne bloquent pas notre vie. Procéder à cette dissociation entre ce qui nous arrive et ce que nous ressentons par rapport à cela nous conduit à divers troubles psychologiques.
L’évitement, la phobie sociale, l’anxiété et le trouble de stress post-traumatique en sont des exemples. Essayons donc d’apprendre à accepter et à comprendre chaque émotion ressentie et chaque sensation vécue.
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