Comment le cerveau intègre-t-il les changements visuels à la suite d'une opération de la cataracte ?
Rédigé et vérifié par Psychologue Andrés Navarro Romance
La cataracte est la principale cause de cécité dans le monde. Cependant, il existe une intervention chirurgicale simple qui permet de remédier à ce problème et de rendre la vue aux patients. Toutefois, cette opération de la cataracte implique une série de changements qu’il est intéressant de connaître.
La cataracte oculaire est un problème visuel assez courant. En fait, selon plusieurs études, plus de 60 % de la population mondiale de plus de 75 ans développe une forme de cataracte. La cataracte concerne donc essentiellement les personnes plus âgées.
De plus, les symptômes de cette pathologie oculaire sont bien connus. Les patients souffrent d’une dégradation progressive de la fonctionnalité de la vision qui peut devenir invalidante.
Les personnes souffrant de ce problème parlent souvent d’éblouissements, de troubles de la vision, de distorsion des formes et de toute une série de difficultés visuelles. Si ces personnes ne sont pas pris en charge à travers une intervention chirurgicale, elles risquent alors de devenir aveugles.
Qu’est-ce que la cataracte ?
Ce que l’on entend par cataracte oculaire n’est rien d’autre que l’opacification du cristallin. Le cristallin est la lentille transparente de l’œil, grâce à laquelle l’œil peut faire la mise au point. Il se situe derrière l’iris et la pupille.
Lorsque la cataracte apparaît, ce cristallin s’opacifie peu à peu. Ceci est dû à une accumulation de cellules épithéliales qui changent de couleur pour des raisons pathologiques.
Ces cellules se reproduisent et entravent alors le passage normal de la lumière à travers le cristallin. En effet, leurs caractéristiques translucides et leur coloration brune représentent une barrière physique au passage de la lumière. C’est un peu comme si on regardait le monde à travers un pare-brise embué. De cette manière, la vision en est affectée.
“L’unique chose qui puisse être pire que d’être aveugle est d’avoir la vue, mais pas de vision.”
– Helen Adams Keller –
Il existe également un autre cas clinique. Il s’agit de la cataracte secondaire. Cette pathologie oculaire est en fait très similaire à la précédente. Elle survient après l’ablation chirurgicale de la cataracte lorsque des résidus de cet épithélium sombre se reproduisent à nouveau, rendant les structures de l’œil à nouveau opaques.
La symptomatologie qui en résulte est similaire à celle de la cataracte primaire. Cependant, les lésions oculaires sont plus légères et moins étendues. Ainsi, il suffit de retirer cette couche de tissu par laser pour corriger le problème. Il s’agit d’une procédure rapide, indolore et sans risque.
Environ 50 % des personnes qui ont subi une opération de la cataracte – techniquement appelée phakectomie – développent une cataracte secondaire dans les mois qui suivent l’opération.
Les symptômes de la cataracte
La formation de la cataracte est progressive et elle est plus ou moins rapidement selon le type de cataracte en question. Dans tous les cas, la personne concernée ressent les gênes visuelles suivantes :
- Une diminution de l’acuité visuelle
- De la photophobie et des éblouissements
- Une altération de la perception chromatique : c’est-à-dire que les couleurs perdent de leur intensité et s’estompent.
- Une altération de la perception de l’espace environnant
Et, en général, tout type de modification visuelle pouvant résulter du fait que la lumière réfléchie par les objets ne peut pas pénétrer dans l’œil correctement. Et, même si elle le fait, la perception visuelle reste sombre et déformée.
La vue est probablement le plus important de nos cinq sens. C’est en raison de la nature progressive et invalidante de la cataracte que les symptômes peuvent parfois passer inaperçus au début. Parfois encore, ils peuvent être interprétés comme les symptômes d’autres pathologie. Ce n’est que lorsque le patient présente une importante déficience visuelle que la cataracte devient une évidence.
De plus, pour rajouter à la confusion, lorsque la cataracte se développe, des degrés variables de dilatation ou de contraction de la pupille peuvent masquer ou exacerber les symptômes.
Ainsi, si la pupille est très dilatée, une grande partie de la lumière entrant dans l’œil “esquivera” la cataracte et la vision sera relativement proche de la normale. Cependant, si la pupille est très serrée – c’est à dire dans des environnements peu lumineux – la cataracte bloquera plus la lumière et la vision sera fortement altérée.
Les causes de la cataracte oculaire
La cataracte fait généralement parti du processus normal de vieillissement de l’organisme. En ce sens, le développement de la cataracte est une conséquence logique de l’âge avancé. Cependant, toutes les personnes qui atteignent un certain âge ne sont pas nécessairement atteints par cette pathologie.
Dans un certain nombre de cas toutefois, la cause est génétique. Dans ce cas, on parle de cataracte congénitale. Il y a ainsi un faible pourcentage de bébés qui naissent avec ce problème. Si c’est le cas, on recommande alors une opération chirurgicale chez l’enfant et les résultats sont généralement bons.
Sans parler des cataractes idiopathiques, c’est-à-dire sans origine connue, il existe trois autres origines possible de cette pathologie oculaire :
- Un degré élevé de myopie qui influence alors la morphologie oculaire
- La présence de traumatismes oculaires
- Des traitements pharmacologiques prolongés notamment à base de stéroïdes et en particulier les corticoïdes. C’est par exemple le cas des de la prise chronique de cortisone pour les rhumatismes ou de médicaments antiallergiques chez les personnes allergiques
Dans tous les cas et quelle que soit la cause de la cataracte, les conséquences sont telles sur les performances quotidiennes du patient qu’elles entraînent généralement toute une série de désagréments psychologiques. Parmi eux l’anxiété et la dépression.
En quoi consiste l’opération de la cataracte ?
L’opération de la cataracte est aujourd’hui considérée comme une procédure chirurgicale simple et sûre. C’est même une procédure ambulatoire. L’opération de la cataracte ne doit donc pas vous effrayer. Chaque jour, on pratique des centaines d’opérations de ce type à travers le monde et le taux de réussite est très bon.
Pour faire simple, l’opération consiste à extraire physiquement la cataracte à l’aide d’instruments insérés dans la partie antérieure du globe oculaire.
Comme le tissu à retirer touche le tissu oculaire sain, autrement dit le cristallin, il est nécessaire d’enlever en partie ou entièrement le cristallin. L’œil devient alors aphaque, c’est-à-dire privé de son cristallin. Il perd sa propre capacité de mise au point. Rappelons que c’est ce même cristallin, notre lentille naturelle, qui permet la mise au point et, par conséquent, qui permet l’accommodation de la vue.
Les lentilles intraoculaires
Pour pallier à cette déficience structurelle et fonctionnelle, une Lentille Intraoculaire (LIO) est implantée afin de remplacer le cristallin. Ceci permet alors de focaliser à nouveau les images. Et ce, avec des caractéristiques complémentaires à celles de la LIO de l’œil opposé.
En effet, la cataracte est presque toujours bilatérale, c’est-à-dire qu’elle se manifeste dans les deux yeux en même temps. Chaque œil forme des projections lumineuses qui se focalisent au niveau de la rétine. La combinaison de ces deux informations donnera ensuite naissance à une représentation visuelle, au niveau du cerveau.
Mais comme bien souvent, les artifices remplacent difficilement le naturel. Les lentilles intraoculaires sont en effet des lentilles artificielles qui ont une forme donnée. Elles n’ont donc pas la capacité du cristallin de changer de forme pour faire la mise au point. Ceci modifie donc considérablement la manière dont le système visuel opère à différents niveaux.
Le cerveau est l’organe qui se charge de construire l’image perceptive finale. A la suite d’une opération de la cataracte, il doit donc se réadapter à cette nouvelle façon d’interpréter les informations en provenance des yeux. C’est pourquoi les personnes qui subissent une telle intervention chirurgicale peuvent avoir besoin d’un certain temps pour que ce réajustement s’effectue. Cela peut durer jusqu’à un mois. Durant ce laps de temps, leur vision manque de précision et elles ressentent un certain inconfort visuel.
Ainsi, grâce à la plasticité du cerveau et à la capacité de nos systèmes neuronaux à se réorganiser et à s’adapter, ce processus d’ajustement est rendu possible afin que le patient retrouve une bonne capacité visuelle.
Voici à présent un aperçu des éléments du processus visuel qui peuvent être perturbés après une opération de la cataracte. Ce sont des altérations que le cerveau apprendra à corriger afin de retrouver une vision la plus claire possible.
Les changements que le cerveau doit apprendre à intégrer
Un effort de concentration continu et la disparition du temps nécessaire à la mise au point de la vue
Comme nous l’avons dit plus tôt, les LIO ne font que focaliser et n’ont pas la capacité d’ajuster la focalisation. Ainsi, dès lors que les yeux sont ouverts, on peut voir de manière précise à n’importe quelle distance. Que ce soit de près ou de loin. Et ce, sans avoir besoin de forcer sur les yeux ni d’ attendre quelques millièmes de seconde que le regard se fixe sur un autre point.
Cette situation provoque une sensation sensorielle étrange au début. Cependant, avec le temps, on s’habitue à cette distorsion.
Après une opération de la cataracte : un besoin de plus de lumière pour bien y voir
Les personnes qui souffrent de cataracte ont tendance à éviter les endroits trop lumineux. En effet, la lumière dilate la pupille et provoquent chez eux une gêne visuelle. En revanche, à la suite d’une opération de la cataracte et de l’implantation d’implants intraoculaires, ils recherchent la lumière ! Ainsi, plus l’environnement est lumineux, meilleure est leur mise au point et leur vision.
Cela s’explique essentiellement par le fait que le cristallin artificiel ne couvre pas tout le diamètre de la pupille lorsque cette dernière est très dilatée. Le cas échéant, une partie de la lumière pénètre dans l’œil par l’extérieur de la LIO. Cela provoque alors une vision double ou floue et des halos lumineux.
Un besoin de se déplacer pour s’orienter dans l’espace
Étant donné que les LIO focalisent de manière fixe et déterminée, les patients opérés de la cataracte éprouvent souvent la nécessité de bouger et de placer leur tête à des angles différents afin d’ajuster leur vision pour percevoir les objets qui se trouvent à une distance spécifique. En effet, ils ont perdu leur capacité d’adapter leur cristallin.
Après une opération de la cataracte : une presbytie résiduelle
En général, les LIO sont conçus pour faire la mise au point sur les objets qui se trouvent à moyennes et longues distances. Par conséquent, les personnes opérées de la cataracte éprouvent plus de difficultés pour voir à courtes distances. Les patients ont alors parfois besoin d’utiliser une loupe pour y voir de près.
Des changements visuels sous l’effet du stress physique
On définit la tension intraoculaire comme la pression exercée par les substances liquides sur l’œil. Les LIO ont un degré de fixation dans l’œil inférieur à celui des cristallins naturels. Par conséquent, les variations de tension intraoculaire qui résultent du stress physique produisent de légers déplacements passagers du LIO. Ce phénomène entraîne des distorsions de l’image observée.
Après une opération de la cataracte : une tendance à avoir les yeux irrités
L’épithélium oculaire ou conjonctif subit des lésions durant une opération de la cataracte. Elle développe alors de microscopiques cicatrices qui rendent l’œil plus sensible aux éléments extérieurs. Par exemple, la fumée, la poussière, etc.
“La vision est l’art de voir les choses invisibles.”
– Jonathan Swift –
Des différentes de convergences visuelles
C’est le cerveau qui construit une image finale. Celle-ci est le résultat de la fusion de deux images du même objet. Chaque image provenant de chaque œil.
Comme les implants intraoculaires sont placés un peu différemment du cristallin d’origine, le point exact de la rétine vers lequel ils projettent la lumière est également légèrement différent.
Ainsi, les deux images à fusionner afin de former la représentation finale proviennent de zones un peu différentes. Le cerveau doit donc réapprendre à effectuer correctement cette fusion.
Après une opération de la cataracte : une distorsion du plan visuel et des dimensions des objets
Les LIO implantées après une opération de la cataracte produisent généralement une perception aplatie du champ visuel. Pour cette raison, les objets apparaissent alors comme ayant moins de relief.
En outre, ces mêmes LIO ont tendance à écraser l’image sur laquelle ils font la mise au point. Par conséquent, l’œil opéré de la cataracte perçoit les objets observés comme plus petits qu’ils ne l’étaient auparavant. Le cerveau devra là aussi s’habituer à cela pour se débarrasser de l’inconfort visuel qui en résulte.
Une présence d’artefacts visuels
En médecine, un artefact se définit par la présence d’élément qui ne devrait pas se trouver à un certain endroit. Dans le domaine de l’ophtalmologie, un artefact visuel est un élément qui est perçu par le système visuel mais qui n’existe pas en réalité.
Les personnes a qui on a implanté des LIO peuvent ainsi, dans certaines cas, percevoir certains morceaux de la lentille elle-même ou même encore le mouvement de la lentille.
Cette situation est inconfortable et déconcertante. Elle détourne souvent l’attention du patient. Là encore, grâce à la neuroplasticité et à l’adaptation au nouvel environnement visuel, ce problème devient vite un problème mineur.
Pour conclure, que vous ayez déjà subi une opération cataracte ou que vous en ayez besoin à un moment donné, les quelques points mentionnés dans cet article sont importants à connaitre afin d’expliquer certains des phénomènes visuelles qui résultent de l’opération de la cataracte. Cela permettra également à ceux qui sont sur le point d’être opérés de se préparer personnellement à ces changements.
Toutes les sources citées ont été examinées en profondeur par notre équipe pour garantir leur qualité, leur fiabilité, leur actualité et leur validité. La bibliographie de cet article a été considérée comme fiable et précise sur le plan académique ou scientifique
- Taylor HR. Cataract: how much surgery do we have to do? Br J Ophthalmol 2000; 84: 1-2.
- McCarty CA, Keeffe JE, Taylor HR. The need for cataract surgery: projections based on lens opacity, visual acuity, and personal concern. Br J Ophthalmol 1999; 83: 62 – 65.
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