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Black Swan : danser avec psychose

6 minutes
Black Swan : danser avec psychose
Sergio De Dios González

Rédigé et vérifié par le psychologue Sergio De Dios González

Écrit par Leah Padalino
Dernière mise à jour : 27 décembre, 2022

Black Swan fut l’un des films les plus acclamés de l’année 2010. Il permit à Natalie Portman d’obtenir l’Oscar de la meilleure actrice et généra une forte controverse avec son double. Le double de Portman a soutenu que l’Oscar n’était pas mérité car c’était elle qui dansait la plupart du temps. Le réalisateur, Darren Aronofsky, salua le travail de Portman et déclara qu’elle n’avait été suppléée que dans les scènes les plus difficiles.

Laissant de côté cette controverse, Oscar méritée ou non, Black Swan nous offre un ballet sur grand écran. Un thriller psychologique sur fond de lac des cygnes. Natalie Portman éblouit à tous niveaux car son rôle est beaucoup plus que celui d’une danseuse. Il s’agit d’un personnage complexe souffrant de troubles mentaux qui seront plus visible à l’approche de la date d’inauguration du ballet. 

Portman offre un personnage vraiment convaincant, qui nous captive dès les premiers instants. N’oublions pas que l’actrice est diplômée en psychologie à l’université Hardvard. Ces connaissances l’ont probablement aidé à préparer son rôle.

L’intrigue tourne autour de Nina, une jeune danseuse qui vit avec sa mère et travaille pour une compagnie de ballet. La compagnie souhaite ouvrir la saison avec une version renouvelée du Lac des cygnes. Nina veut obtenir le rôle. C’est une danseuse très disciplinée, méthodique et exigeante. Le rôle nécessite cependant un côté plus extravagant et sauvage. Le film évolue en parallèle au ballet et nous plongera dans la personnalité et les bouleversements de la protagoniste.

“La musique, la photographie et la danse se démarquent dès le début, attirent l’attention du spectateur et nous enveloppent dans une atmosphère unique, chargée d’une tension qui augmentera en crescendo jusqu’à son brillant final.”

Découvrir Nina

Nous découvrons la personnalité de Nina au fur et à mesure que le film avance. Sa mère fut également danseuse. Elle n’obtint cependant pas le même succès que sa fille. Elle abandonna tout pour s’occuper de cette dernière. Nous ne savons rien de son père. Sa mère l’a élevée seule et est extrêmement protectrice envers elle.

Some figure

Nina n’a pas d’amis. Elle interagit simplement avec ses compagnons de ballet. La danse est la seule chose qui compte dans sa vie. En entrant dans sa chambre, nous rencontrons un espace très enfantin, dans des tons pâles et orné d’innombrables animaux en peluche. Elle ressemble à une chambre de petite fille, de quelqu’un qui n’a pas encore grandi. Cette pièce est le reflet du monde de Nina, une jeune femme très dépendante, contrôlée par sa mère qui n’a toujours pas atteint sa maturité.

Sa mère lui a inculqué la passion de la danse. Elle a peut-être également projeté sur elle toutes ses frustrationsNina fait également sentir à sa mère qu’elle n’est jamais parvenue à rien, qu’elle n’est jamais allée aussi loin. Le conflit qui naîtra entre les elles trouve ici sa raison d’être.

Nina n’a jamais désobéi à sa mère. Elle a toujours vécu en étant extrêmement contrôlée, n’a jamais eu la capacité de décider par elle-même. Il s’agit de la raison pour  laquelle Nina a développé une personnalité complexe. Elle paie elle-même pour ses frustrations et son impuissance : elle se blesse elle-même et se fait vomir. Sa mère connaît parfaitement ces problèmes, contrôle les griffures de son dos, lui coupe les ongles afin qu’elle ne se fasse aucun mal et surveille qu’elle ne passe pas trop de temps dans la salle de bain.

Nina n’a pas été une enfant heureuse. Elle n’a pas connu un développement sain. Sa mère l’a sur-protégée et a également projeté ses frustrations sur elle.  Tout cela a fait de Nina une personne émotionnellement instable. Cette instabilité atteindra son apogée lorsque la compagnie lui offrira un rôle qui fera vaciller sa propre personnalité. Nina est obsédée par la perfection. Elle fera donc tout son possible pour l’atteindre, même si cela porte préjudice à sa santé.

Black Swan, une danse dangereuse

Le lac des cygnes raconte l’histoire d’Odette, une princesse qui fut transformée en un cygne blanc par un sort. Elle a besoin de l’amour d’un prince pour rompre ce dernier. Amour qui échoue finalement parce que son rival s’interpose : le cygne noir. La compagnie de Nina décide de réinventer un peu l’histoire. Le rôle des deux cygnes incombe de ce fait à la même personne.

Nina semble parfaitement cadrer avec le rôle du cygne blanc, mais pas avec celui du cygne noir. Elle manque en effet de spontanéité, elle est trop disciplinée. Comme dans l’oeuvre de Tchaïkovski, Nina a une rivale, Lily. Il s’agit d’une autre des danseuses de la compagnie. Une jeune femme indisciplinée et insouciante qui cadre parfaitement avec le rôle du cygne noir. La personnalité de Nina s’en trouvera alors déstabilisée. Elle commencera à être obsédée par sa rivale. Cette obsession mettra en lumière la part la plus instable et la plus sombre de sa personnalité.

Some figure

La personnalité de Nina se dissociera à mesure que nous entrons dans le ballet et connaissons les personnages principaux. Elle-même ne pourra se reconnaître, ni différencier le réel du rêvé.

Les miroirs joueront un rôle important dans le film. Ils nous présentent les distorsions que Nina apprécie, les confusions et les moments les plus critiques du film. Les miroirs ont en effet une puissante charge symbolique. Selon Lacan, nous nous reconnaissons dans le miroir, dans l’autre. Les deux cygnes vivent en Nina. Ils seront incapables de parvenir à un équilibre, une harmonie.

Nina n’a pas de figure paternelle, sa mère contrôlant absolument tout. Il est clair que son développement n’a pas été optimal, que sa personnalité fragile présente de nombreuses lacunes. L’entrée en scène de la rivalité et la recherche du côté obscur que nécessite le rôle feront apparaîtreles premiers symptômes de la psychose chez NinaNina s’engagera dans une lutte interne avec les deux cygnes qui vivent en elle, alors que la relation avec sa mère et son entourage sera de plus en plus difficile.

L’autre face du ballet

Outre les exigences du rôle et de la rivalité avec Lily, Nina doit affronter un visage moins amical du ballet et du monde. Elle n’avait jamais eu un rôle aussi important. Elle n’était donc pas consciente de l’obscurité qui l’entourait. Lors de sa sortie nocturne avec Lily, nous voyons que Nina ignore totalement le monde de la nuit et de la drogue. N’ayant jamais été exposée à ces situations et ayant toujours été sous la protection de sa mère, elle est incapable de se contrôler, de décider par elle-même, de savoir ce qui est le mieux pour elle.

Nous voyons par ailleurs que les relations ne sont pas entièrement saines au sein de la compagnie elle-même. Les danseuses sont remplacées lorsqu’elles atteignent un certain âge. La rivalité est présente en chacune d’elles et elles sont capables de tout pour avoir un rôle. En outre, les hommes les plus puissants, tels que le directeur de la compagnie, peuvent abuser et faire pression sur les danseuses. Quelque chose qui nous rappelle le mouvement Me Too, désormais présent dans le monde du cinéma.

Some figure

Le personnage de Nina présente également une grande similitude avec Norman Bates, protagoniste de Psychose, notamment dans sa relation avec la mère. La surprotection et l’obscurité du monde du spectacle conduisent Nina au déséquilibre, à l’instabilité et à l’autodestruction .

Black Swan est un reflet de la psychose en mode thriller et d’embellissement pour le ballet. Une recherche dangereuse de la perfection, cette perfection que les spectateurs admirent, qu’observaient avec étonnement les assistants lors de la première de l’œuvre, mais dont ils ignorent le chemin. Le résultat est parfait, mais la route était remplie d’épines.

“La seule personne sur ton chemin, c’est toi. Il est temps de la laisser s’en aller, perds-toi.”

-Black Swan-



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