Attendez que votre âme vous atteigne
Relu et approuvé par le psychologue Sergio De Dios González
Nous sommes pressé-e-s, trop pressé-e-s. Nous marchons en équilibre sur les mélodies qui touchent le stress et l’anxiété, ceux-ci se nourrissant à leur tour de la grande quantité de responsabilités et de pressions qui mettent tout leur poids sur nos épaules. Par conséquent, ce qui nous étouffe, le temps, passe sans même que nous nous en rendions compte. Tout cela nous fait nous déconnecter de notre “moi”, de notre âme. Une déconnexion qui a des répercussions négatives sur nous.
Nous ne nous rendons pas compte que nous vivons avec le pilotage automatique enclenché : d’une certaine manière, il s’est transformé en notre état par défaut. Très souvent, nous agissons par inertie, sans trop penser et sans profiter de l’activité en elle-même. Et, de cette façon, nous en arrivons à la conclusion que les jours n’ont pas assez d’heures, que les heures n’ont pas assez de minutes… Et que l’âme n’a pas assez de temps.
Nous nous propulsons vers l’avant avec force et courage, en laissant notre conscience derrière nous. Nous n’avons pas peur de nous perdre, d’abandonner notre essence : il est plus important d’arriver plus tôt que de le faire d’une façon déterminée. Nous vivons constamment avec un pilotage automatique qui nous évite de nous concentrer sur ce qui est important : nous-mêmes.
Ne courez pas et laissez votre âme vous atteindre
Si vous êtes d’accord, avant de poursuivre notre réflexion à ce sujet, nous allons voyager vers l’Afrique et faire attention à une histoire.
“Il y a bien longtemps, un membre d’une expédition s’aventura sur les territoires les plus inhospitaliers d’Afrique. Seuls ses porteurs l’accompagnaient. Ils avaient tous une machette pour se frayer un chemin dans la végétation dense. L’homme n’avait qu’un objectif à l’esprit : avancer rapidement et à n’importe quel prix.
S’ils se retrouvaient devant une rivière, ils la traversaient aussi vite que possible. Si une colline apparaissait sur leur chemin, ils accéléraient la cadence pour ne pas perdre une minute. Cependant, les porteurs finirent par s’arrêter net.
Ce membre de l’expédition en fut surpris car ils ne marchaient que depuis quelques heures. Il leur demanda donc :
– Pourquoi vous êtes-vous arrêtés ? Êtes-vous déjà fatigués ? Nous n’avons pas fait un si long chemin.
L’un des porteurs le regarda et lui répondit :
– Non, monsieur, nous ne sommes pas fatigués. Mais nous avons avancé trop vite et, par conséquent, notre âme est restée derrière nous. Maintenant, nous devons attendre qu’elle nous retrouve.”
Si vous avancez trop vite, vous laisserez votre âme derrière vous.
Il s’agit d’un beau récit africain qui reflète le danger de se retrouver derrière quand nous voulons avancer trop vite ou quand cette rapidité devient le principal objectif, voire même le seul. Fixer notre attention sur le but peut écourter le temps de trajet. Cependant, ce temps écarté pour nos sens nous en fera payer le prix quand nous arriverons plus tôt.
Parfois, le fait que nous nous dépêchions n’est qu’une excuse pour ignorer la douleur qui naît de nos blessures. Nous les sortons de notre esprit, nous ne leur prêtons pas attention… Mais elles restent bien présentes et continuent de nous limiter. Nous croyons que les ignorer les fera disparaître. C’est possible dans de nombreux cas mais, dans d’autres, les blessures auront besoin d’un autre type de soins, comme une désinfection ou un point de suture. Les distinguer constitue une expression d’intelligence émotionnelle.
Vos blessures ont besoin de temps pour guérir
Nous avons beau ignorer nos blessures émotionnelles, cette attitude n’empêche pas de les faire rester dans notre cerveau. En fait, nous savons que nous traînons jusqu’à l’âge adulte chaque trauma vécu ou chaque chose qui a constitué un impact émotionnel fort dans notre enfance. Si nous ne le voyons pas, si nous ne nous arrêtons pas pour réfléchir à ce qui nous arrive afin de pouvoir le solutionner, les blessures ne cicatriseront pas : elles resteront ouvertes.
Toutes les expériences négatives que nous vivons laissent une trace profonde au niveau neurologique et continueront à saigner, même si nous nous efforçons de les ignorer. Les forces, en général, n’ont pas grand-chose à voir avec le fait de serrer les poings et de continuer à aller de l’avant : il s’agit, au contraire, d’étudier le précipice et de trouver la façon de construire un pont qui nous permettra de le franchir.
Nous parlons ici de regarder la tristesse dans les yeux pour savoir ce qu’elle veut nous dire, de trouver une façon de dépenser l’énergie qui émane des émotions négatives sans faire de mal à quelqu’un ou d’offrir une pause à l’anxiété pour qu’elle retrouve son battement normal : cette fréquence qui nous aide et nous donne du souffle, au lieu de nous étouffer.
Qu’arrive-t-il à notre âme quand nous ne nous arrêtons pas et essayons de continuer à avancer comme si rien ne s’était passé ? Et bien, si le précipice est très grand, notre foulée normale ne sera pas suffisante pour le franchir et nous finirons par tomber dans le vide. Ainsi, nous transformons rapidement des difficultés que nous aurions pu résoudre seul-e-s auparavant en difficultés très sérieuses pour lesquelles nous allons avoir besoin d’aide et de plus de temps.
Les situations qui nous font toucher nos limites sont celles qui referment le plus d’apprentissages ; pour en sortir renforcé-e-s, nous devons regarder en nous et apprendre de tout ce que nous avons déjà vécu.
Évaluons avec intelligence nos émotions. Elles ont toutes un message pour nous. L’intelligence consiste à les déchiffrer et, pour cela, notre attitude doit nous donner l’opportunité de le faire. Dans le cas contraire, nous finirons par être entouré-e-s d’émotions qui nous feront nous sentir comme des étranger-ère-s à nous-mêmes.
Nous nous perdons dans cette mer de responsabilités qui, très souvent, se dessine comme ce tapis sans fond sous lequel nous pouvons cacher nos problèmes. Avancer est important, mais il est encore plus important de ne pas perdre ce qui se passe pendant ce temps. Le prix de l’ignorance de la douleur de notre âme est le temps. Celui qui s’échappe par les blessures que nous ne refermons pas et qui a besoin de tendresse, pas d’ignorance.
Images de Samantha Gross
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