Je suis mon propre livre : je me réécris, je souligne des passages, je me rajoute des pages...
Nous sommes tou-te-s notre propre livre : nous avons la faculté de nous réécrire, de souligner notre identité et même d’arracher ces pages qui ne nous servent pas, qui font mal et qui donne un poids inutile au roman de notre vie. Souvenons-nous qu’il faut aussi laisser une page blanche à la fin, là où se trouve toujours la possibilité de commencer de nouveaux chapitres…
Borges disait qu’il y a des gens qui ne peuvent pas imaginer un monde sans oiseaux, d’autres qui ne peuvent pas imaginer un monde sans eau et, effectivement, celleux qui ne conçoivent pas un monde sans livres. Bien. S’il y a bien une chose que nous avons pu apprendre dans tous les romans que nous avons lus et qui, d’une certaine façon, définissent le substrat de notre personnalité, c’est que nous sommes tou-te-s des histoires. Exister signifie faire partie d’une toile magique où nous nous transformons en auteurs d’un fil argumentaire qui se déroule et s’écrit chaque jour.
“L’aventure de la vie est d’apprendre, son objectif est de grandir et sa nature est de changer.”
-William Ward-
Cependant, et c’est là qu’apparaît un des problèmes les plus évidents, nous avons tendance à penser que nous sommes les sujets d’une seule ligne narrative et que nous suivons la structure classique d’un livre : introduction, déroulement et dénouement. En réalité, personne ne nous a indiqué que le livre de notre vie ne suit pas toujours un ordre logique : il y a des chapitres qui sont à moitié écrits, des paragraphes que nous devons effacer pour pouvoir les réécrire et de nombreuses pages à supprimer pour que la trame ait un sens plus profond.
Par ailleurs, nous devrions bien avoir à l’esprit que le livre de notre vie n’a qu’une signification parfaite pour une personne : nous-mêmes. Chaque expérience, chaque rencontre, chaque décision prise, chaque sensation, caresse, frisson ou chaque hasard vécu a un sens propre pour nous et personne d’autre ne peut le comprendre. C’est dans notre propre chaos que se trouve la logique, et c’est dans notre propre livre aux chapitres désordonnés et aux renouveaux perpétuels que se découvre le meilleur roman jamais écrit : le nôtre.
Quand nous n’avons pas d’autre option que de réécrire le livre de notre vie
Joan Didion est un célèbre auteur que beaucoup appellent “la baleine blanche de l’essai nord-américain”. Elle a aujourd’hui 82 ans et est probablement l’un des auteurs qui s’est servi de l’écriture pour réaliser quelque chose d’aussi désespérant qu’intéressant : réussir à faire en sorte que les êtres qu’elle aime revienne à la vie. En décembre 2003, elle et son mari revenaient de l’hôpital après avoir rendu visite à leur fille malade quand, subitement, l’époux de Didion, l’écrivain John Gregory Dunne, décéda dans le salon de la maison.
Quelques mois après, ce fut au tour de sa fille qui ne survécut pas à une pneumonie. Après cela et durant 88 jours, Joan Didion écrivit frénétiquement et sans s’arrêter ce qui allait devenir son plus célèbre livre : L’année de la pensée magique. Les psychiatres et les anthropologues définissent “la pensée magique” comme cette attitude mentale à travers laquelle les personnes en arrivent à croire que leurs pensées peuvent influer sur le déroulement de certains événements. Joan Didion voulait que sa famille soit de nouveau avec elle, qu’ils reviennent à la vie…
Rien de cela ne se produisit, bien évidemment, mais après la publication de ce livre, Didion comprit que le moment était venu de commencer un nouveau chapitre dans sa vie : celui de la vie réelle. L’écriture lui avait servi de catharsis, de moyen à travers lequel canaliser le deuil. Malgré tout, la vie continuait d’avancer, désaccordée et froide en raison de ces absences, mais en lui imposant l’obligation vitale de continuer à respirer, de continuer à suivre le chemin de ces nouvelles pages où, selon elle, elle pouvait “trouver le rythme de son existence de la même façon qu’elle le trouvait dans les mots et dans les phrases qu’elle écrivait”.
Trois façons de réécrire notre histoire pour accueillir le futur
Nous signalions au début l’importance de garder des pages blanches dans notre livre personnel. Ces feuilles immaculées, parfaites et vides, sont l’occasion de créer un futur plein de nouvelles opportunités, où nous pouvons commencer de nouvelles histoires et de nouveaux chapitres passionnants et plus heureux que les précédents.
Chaque jour est une page blanche où vous pourrez écrire votre propre histoire.
Cependant, il n’est pas toujours simple de se rendre compte que nous avons cette précieuse opportunité, celle de nous réécrire. Une enfance traumatique, un drame familial, une infidélité ou un deuil, tout cela peut parfois nous faire penser que le livre de notre vie s’est terminé avec ce dernier chapitre fatal.
Voici trois stratégies qui peuvent nous faire réfléchir et nous aider à changer cette vision et perception si complexes.
Soigner notre passé pour écrire de meilleurs chapitres
La première étape à suivre dans ce processus intérieur et délicat est de revoir nos “chapitres vitaux”. Nous devons être capables d’effectuer une évaluation réelle et objective du fil de notre vie, de ce cycle qui s’étend de l’enfance au moment présent. Au cours de cette première étape, il est important d’éviter de chercher ou de se souvenir des responsables de chacune des choses qui nous sont arrivées : mettons de côté les coupables. Nous devons nous concentrer sur nous-mêmes, sur la façon dont nous nous voyons à chacune de ces étapes.
- Guérison : lors de cette seconde étape, nous acceptons le fait que le passé ne peut pas être changé mais que nous pouvons bien modifier l’attitude que nous adoptons face aux événements d’hier. Il est temps de couper ce lien que nous avons avec la douleur, d’assumer, d’accepter, de pardonner et, surtout, de guérir notre “moi” présent des blessures du passé.
Le troisième échelon dans ce voyage est sans aucun doute le plus spécial : nous devons ajouter des pages blanches au livre de notre vie. Nous pouvons y parvenir de différentes façons parce que nous parlons de nouveaux départs, de l’opportunité de faire de nouvelles expériences et de nous permettre de nouvelles choses : de nouveaux/nouvelles ami-e-s, de nouveaux projets, de nouveaux endroits, de nouvelles passions…
Au fur et à mesure que nous vieillissons et que nous mûrissons, nous nous rendons compte d’une chose très importante : les nouveaux départs sont une façon de nous maintenir uni-e-s à la vie et, surtout, de goûter à un bonheur plus réel, plus tangible et plus adapté à nos besoins. Rassemblons tout notre courage pour écrire le livre que nous voulons, celui auquel nous nous identifions.
Images de SIUM y Soizick Meister
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