Qu'est-ce que le mobbing, ou harcèlement au travail ?
Rédigé et vérifié par le psychologue Sergio De Dios González
Le concept de mobbing, correctement traduit en français par harcèlement psychologique ou harcèlement au travail, et non “harcèlement moral” (nous devrions dire immora,l tout au moins), possède un substrat éthique essentiel qui renvoie au manque de respect et de considération du droit à la dignité du/de la travailleur-se en tant qu’élément pertinent ou substantiel de la relation de travail (Piñuel et Cantero 2002).
Les personnes ou groupes de personnes qui en souffrent reçoivent une violence psychologique injustifiée à travers des actes négatifs et hostiles, à l’intérieur ou à l’extérieur du cadre de travail.
Le mobbing peut être infligé par les collègues elleux-mêmes (“harcèlement horizontal”, entre égaux/égales), par les subalternes (dans le sens vertical ascendant) ou par les supérieur-e-s (dans le sens vertical descendant, également appelé bossing, de l’anglais boss, chef-fe).
Les données du baromètre Cisneros de l’Université d’Alcalá indiquent que plus de 16% des travailleur-se-s actif-v-es interrogé-e-s prétendent avoir été soumis-es au harcèlement psychologique ou au mobbing dans leur travail lors des 6 derniers mois (Piñuel et Cantero 2002).
12% des travailleur-se-s actif-ve-s interrogé-e-s sont tout à fait d’accord avec l’affirmation selon laquelle le harcèlement généralisé sur le lieu de travail réduit leur efficacité (Piñuel et Cantero 2002).
Les modalités du harcèlement au travail
La victime de harcèlement au travail en vient à croire qu’elle est effectivement un-e mauvais-e travailleur-se et même qu’elle est une mauvaise personne. Les attaques de mobbing ne se limitent pas à la simple performance, elles se produisent même dans la sphère personnelle, attaquant avant tout le concept de soi que la personne possède d’elle-même.
C’est ainsi qu’un-e travailleur-se initialement valable ou même brillant-e, se retrouve être l’ombre de ce qu’iel était. Iel devient un-e travailleur-se qui pense que tout ce qu’iel fait est mauvais, qu’iel est véritablement un désastre, donnant ainsi raison à celleux qui l’accusent que tout ce qu’iel fait dans son travail est mauvais, ce qui affecte ses performances.
Par conséquent, iel commence à avoir une piètre opinion de lui/elle-même en tant que travailleur-se, opinion qui le/la paralyse et génère en lui/elle des dommages psychologiques à moyen ou long terme.
L’objectif habituel du harcèlement au travail est de détruire la performance du/de la travailleur-se pour inciter ou faciliter son départ, son abandon ou son exclusion de l’organisation.
- Crier, rudoyer ou insulter la victime quand elle est seule ou en présence d’autres personnes.
- Lui attribuer des objectifs ou des projets dont les délais sont inaccessibles ou impossibles à respecter, ou des tâches qui sont manifestement trop nombreuses eu égard aux délais impartis.
- Sous-estimer ou ne pas valoriser l’effort fait par la victime, refusant d’évaluer périodiquement son travail.
- Menacer ou contraindre continuellement la victime.
- Ridiculiser son travail, ses idées ou ses résultats obtenus devant les autres travailleurs, la caricaturant ou la parodiant.
- Modifier sans rien dire au travailleur les attributions ou les responsabilités de son poste de travail.
- Traiter d’une manière différente ou discriminatoire, en utilisant des mesures exclusives contre elle, en vue de la stigmatiser devant d’autres collègues ou patron-ne-s, de l’exclure, de la discriminer, traiter son cas différemment.
- L’ignorer, faire le vide autour d’elle ou l’exclure, en parlant uniquement à une tierce personne présente, faisant comme si elle n’existait pas, ignorant sa présence physique dans le bureau, ou lors de réunions auxquelles elle assiste.
- Conserver des informations cruciales pour son travail ou la manipuler afin de l’induire en erreur dans son travail et l’accuser de négligence ou de faute professionnelle.
- Diffamer la victime en diffusant des rumeurs malveillantes ou calomnieuses au sein de l’entreprise en vue de porter atteinte à sa réputation, son image ou son professionnalisme.
Le harcèlement au travail nécessite un-e ou plusieurs agresseur-se-s qui agissent derrière certaines caractéristiques organisationnelles qui leur donnent une certaine impunité ou marge d’action. Pour cette raison, il faut insister sur le fait que, sauf dans les cas où l’organisation existe à des fins perverses, ce qui tiendrait davantage de organisation destructrice ou de sectes que des entreprises, ce ne sont généralement pas des organisations mais des individus qui pratiquent le mobbing.
Le facteur le plus souvent cité dans les études par celleux qui souffrent de harcèlement psychologique au travail est la jalousie sur la compétence ou la capacité professionnelle extraordinaire.
La victime est généralement enviée du fait de l’acceptation ou l’appréciation qu’elle suscite auprès de ses pairs, de ses subordonné-e-s, de ses patron-ne-s, de ses patient-e-s ou de ses client-e-s, pour savoir s’y prendre avec les autres personnes, pour les évaluations positives ou de félicitations reçues pour son travail.
Le harcèlement au travail peut également être déclenché par le fait que le/la travailleur-se ne se soit pas laissé-e manipuler par d’autres personnes ou pour ne pas être “sur la même longueur d’ondes” que celleux gérant le statu quo dans l’entreprise.
Dans les milieux de travail pénétrés par des groupes d’intérêt et des mandataires, le mobbing consiste généralement à exterminer le travail de celui/celle ou celleux considéré-e-s comme des adversaires irréductibles qui ne se laissent pas compromettre ou acheter et qui résultent une menace pour les finalités de ces dernier-ère-s.
En d’autres circonstances, le/la travailleur-se est harcelé-e pour avoir vécu des situations personnelles ou familiales positives qui sont enviées. Et lorsque la victime est une femme, le processus de harcèlement se déclenche dans une certaine confusion pour ne pas se laisser intimider par des insinuations sexuelles.
Le fait d’être différent-e est également une cause fréquente de mobbing. Nous faisons ici référence aux travailleur-se-s qui présentent certaines caractéristiques les rendant différent-e-s des autres travailleur-se-s. Ainsi, le fait d’être différent-e en termes d’âge, de qualification, de niveau de langue, d’expérience de travail, de sexe, de coutumes…provoque généralement la persécution par le groupe majoritaire (Piñuel et Cantero 2002).
L’abus consiste en ce que la personne la moins compétente et la plus agressive projette son incompétence sur la personne la plus compétente et la moins agressive.
Les conséquences psychologiques du mobbing
Plusieurs résultats d’études empiriques confirment le lien entre le harcèlement au travail et les symptômes du syndrome de stress post-traumatique (ESPT) (Mikkelsen et Einarsen, 2002). Les personnes qui ont été victimes de harcèlement au travail pendant une longue période présentent des symptômes indiquant un trouble de stress post-traumatique, comme l’évitement, la répétition du vécu et une augmentation de l’excitation émotionnelle.
Les symptômes d’évitement sont ceux qui conduisent à un sentiment de menace et/ou de peur à l’encontre de de tout ce qui à trait au travail. Les personnes qui ont souffert de mobbing évitent de parler du travail, n’ont pas de relation avec les personnes ayant un lien avec le travail et font des efforts pour éviter les activités, les lieux ou les personnes ayant un lien avec ce qu’elles redoutent.
Les symptômes de la ré-expérimentation apparaissent sous la forme de cauchemars ou de rêves liés à des interactions et des événements de travail. Egalement sous la forme d’images et de souvenirs récurrents de l’événement, ou par la sensation que l’événement se reproduit.
Les symptômes d’activation physiologique que présentent les travailleur-se-s souffrant de mobbing pendant les heures de travail sont la tachycardie, la transpiration, la tension musculaire, l’insomnie, l’hypervigilance, les crises de colère, l’irritabilité et la difficulté à se concentrer.
“L’erreur communément commise par les agresseurs est de supposer que parce que quelqu’un est gentil ou bon, il est faible. Ces traits de caractère n’ont rien à voir les uns avec les autres. En effet, il faut beaucoup de force et de caractère pour être une bonne personne.”-Mary Elizabeth Williams-
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