Prosopagnosie : je vous vois et je me souviens de vous, mais je ne reconnais pas votre visage
Rédigé et vérifié par le psychologue Sergio De Dios González
La prosopagnosie est une maladie rare dont souffre actuellement 2,5% de la population ; elle a affecté des personnes mondialement connues comme l’acteur Brad Pitt, le cofondateur d’Apple, Steve Wozniak ou le neurologue récemment décédé, Oliver Sacks. Ce trouble se caractérise par le fait que la personne est incapable de reconnaître les visages des autres, et même le sien. Vous êtes-vous déjà demandé comment seraient vos vies si vous souffriez de cette “cécité faciale” ?
Imaginez : vous promenez votre chien puis tombez sur votre meilleur-e ami-e. Or, vous ne le/la saluez pas parce que vous ne savez pas qui iel est. Pensez au moment où vous allez souhaiter bonne nuit à vos enfants et où vous ne reconnaissez pas leurs visages. Ou quand vous arrivez au bureau et que vos collègues de travail deviennent de “parfait-e-s inconnu-e-s”.
Voici le quotidien compliqué des personnes qui souffrent de prosopagnosie. Très souvent, elles ne sont même pas conscientes d’en souffrir.
Qui êtes-vous ? Et…qui suis-je ?
Ce trouble n’empêche pas seulement de reconnaître ses proches, ses ami-e-s ou ses connaissances grâce à leur visage : il peut aussi altérer l’identification des expressions émotionnelles et la distinction du sexe de la personne. Tous les visages deviennent identiques, sans la moindre distinction.
C’est pour cela que les personnes de leur entourage peuvent en arriver à les juger ou à se sentir blessées : cette personne avec qui elles ont partagé de nombreuses expériences est désormais incapable de les reconnaître. En fait, et c’est ce qu’a avoué Brad Pitt, souffrir de cette maladie lui a valu d’être considéré comme arrogant ou hautain par des personnes qui lui étaient très proches.
Dans les cas les plus graves, la personne n’est même plus capable de se reconnaître elle-même dans un miroir ou sur des photos sur lesquelles elle apparaît au milieu d’un groupe. Cela peut avoir des conséquences extrêmement négatives au moment de maintenir des relations interpersonnelle, mais également au niveau du travail et de l’estime de soi car une dépression est possible.
Certain-e-s pensent qu’il s’agit d’un problème de mémoire
Le terme vient du grec prosopon (visage) et agnosia (absence de connaissances). Les personnes qui en souffrent ont une bonne capacité visuelle et peuvent reconnaître ou se souvenir de la majorité des objets. Elles savent aussi, comme n’importe quelle personne en bonne santé, qui sont leurs parents, quelle est la couleur préférée de leurs enfants, ce qu’aime leur conjoint-e, ce qu’elles ont mangé hier ou connaissent la façon épouvantable de chanter de leur colocataire.
Par conséquent, même si les aires du cerveau qui traitent les visages sont en constante interaction avec les réseaux neuronaux de la mémoire, il ne s’agit pas, en soi, d’un problème de mémoire. Il s’agit plutôt d’une maladie qui concerne exclusivement les visages.
Nous percevons un modèle général de visage
Avant d’apprendre à parler ou même de commencer à balbutier, les bébés ont tendance, de manière instinctive, à se concentrer sur les visages ; au quatrième mois de leur vie, ils les traitent de façon clairement définie. Cela est dû au fait que les visages sont extrêmement informatifs : ils reflètent des émotions, des sentiments, une identité, le sexe ou l’ethnie d’une personne.
La personne qui souffre de prosopagnosie peut identifier les différentes parties ou différents organes du visage (nez, yeux, bouche) mais est incapable de se souvenir de leur place exacte dans ce dernier ou de recomposer la structure totale du visage. Elle ne peut pas transformer les éléments faciaux en un unique modèle de traits et ne parvient pas à associer la physionomie avec l’identité d’une personne.
Cela se produit parce que les visages sont traités de façon “holistique” : en d’autres termes, nous n’identifions pas une personne par ses yeux ou sa bouche. C’est précisément parce que nous sommes capables d’obtenir toutes ces informations que nous pouvons les intégrer simultanément afin de créer le modèle général d’un visage.
Les clés contextuelles sont la solution
Malgré tout, même si l’incapacité à reconnaître des visages est la particularité la plus notoire de la prosopagnosie, il se peut que les personnes en souffrant puisse percevoir les visages de certains proches : ils en sont capables si un trait déterminé se détache. Ainsi, elles utilisent différentes clés contextuelles et certaines stratégies pour éviter de possibles situations embarrassantes et déduire, à partir de ce détail caractéristique, qui est la personne qui se trouve en face d’elles. Par exemple, elles se concentrent sur sa couleur de cheveux, ses lunettes, sa démarche, son ton de peau, une cicatrice particulière, un grain de beauté ou la chaleur de sa voix.
Plus la caractéristique de la personne est “spéciale”, plus il sera simple pour celui souffrant de prosopagnosie de savoir qui elle est ; des sourcils très fournis, des oreilles décollées, des lunettes vertes fluo, un parfum entêtant peuvent l’aider à identifier une personne de son entourage.
Naît-on avec la prosopagnosie ?
Cette maladie peut avoir une origine congénitale, être héréditaire et se transmettre de génération en génération, même si ce n’est pas ce qui se produit en général. Dans la majorité des cas, il s’agit d’un trouble que l’on acquiert ; sa cause principale est une lésion cérébrale dans les deux hémisphères, provoquée par un accident cérébrovasculaire, une tumeur cérébrale, un traumatisme cranio-encéphalique ou des infections qui affectent le système nerveux central, comme l’encéphalite.
La perception des visages implique une série de processus cognitifs qui sont liés à différentes aires et structures cérébrales. Malgré tout, il existe une région de notre cerveau qui se charge spécifiquement de la reconnaissance des aspects fixes des visages : l’aire faciale fusiforme (FFA). Elle est située dans le lobe temporal, dans la circonvolution fusiforme.
Quel est le traitement ?
Actuellement, la prosopagnosie n’a pas de traitement efficace. Cependant, les patients peuvent apprendre à se servir de ces clés contextuelles et on recommande aux personnes de leur entourage de faciliter le plus possible leur quotidien. En leur disant par exemple le nom des personnes qui sont présentes, en évitant de grandes réunions ou regroupement sociaux ou en ne regardant pas de films dans lesquels trop de personnages apparaîtraient.
Que pensez-vous de cette maladie qui, même si elle n’est pas très connue, affecte un grand nombre de personnes et les transforme en “aveugles faciaux” ?
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