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Persepolis, l'autre vérité

7 minutes
Persepolis, l'autre vérité
Gema Sánchez Cuevas

Rédigé et vérifié par Psychologue Gema Sánchez Cuevas

Écrit par Leah Padalino
Dernière mise à jour : 27 décembre, 2022

Que savons-nous, en Occident, du reste du monde ? Il n’est pas nécessaire de faire une analyse profonde pour identifier une tendance très marquée à ignorer ce qu’il se produit loin du monde occidental. Ainsi, nous pourrions dire qu’il existe une ignorance presque totale de la réalité d’autres pays, ce qui donnerait lieu à un bon nombre de préjugés. L’Occident, pour la majorité d’entre nous, est l’exemple à suivre. Marjane Satrapi a donc reproduit cette réalité si méconnue dans son oeuvre autobiographique Persepolis.

Nous parlons d’un roman graphique où elle narre les changements qu’elle-même et son propre pays, l’Iran, ont vécus depuis la fin des années 70. Persepolis a été adapté au cinéma en 2007. Cette adaptation a reçu les applaudissements des critiques au Festival de Cannes. Marjane était encore une enfant lorsque la Révolution islamique de 1979 a commencé. Elle faisait partie d’une famille aisée à l’idéologie progressiste. Elle a étudié au Lycée Français de Téhéran puis a poursuivi ses études à Vienne.

En Europe, l’eurocentrisme règne depuis des siècles. Nous sommes le centre du monde, l’origine de l’histoire et de la culture. Les pays occidentaux ne correspondent plus seulement à une position purement géographique: nous dénommons “occidental” tout pays qui, à cause de la colonisation, a adopté une culture majoritairement européenne.

L’histoire, narrée du point de vue de Marjane, suppose la découverte d’une situation que nous méconnaissons totalement en Occident. Elle nous montre comment la société iranienne a évolué, comment elle a acquis le caractère islamiste que nous lui connaissons aujourd’hui, les conséquences de la guerre et remet en question le regard occidental.

Même si le film commence avec l’histoire d’une petite fille, la gravité de la situation devient évidente à travers l’absence de couleur: il s’agit en effet d’un roman graphique en noir et blanc. Au fur et à mesure que Marjane grandit et que la révolution avance, Persepolis acquiert un ton plus dramatique, plus tragique. Marjane prend conscience de ce qui se produit dans son pays. Nous-mêmes, en tant que spectateurs ou lecteurs, nous rendons compte du peu que nous savons et de tout ce qu’il nous reste à apprendre.

À partir de l’innocence d’une enfant, vous voyons la cruauté de l’humanité, la dangerosité des idées, la douleur de la répression, les hauts et les bas d’une révolution. Persepolis nous montre la vérité derrière l’histoire, l’histoire vécue par le peuple et pas par les leaders politiques ou de guerre. Une vérité qui n’est pas universelle car elle ne s’éloigne pas de la subjectivité. En fin de compte, il s’agit d’un point de vue, d’une réalité individuelle: celle de Marjane.

Persepolis, à la découverte d’une autre réalité

L’Iran des années 70 que nous présente Marjane est très différent de ce que nous pourrions imaginer car il ressemble à n’importe quel pays européen. La famille de Marjane est progressiste, elle croit en la révolution et en la chute du Shah. Aucune femme de son entourage ne porte le voile et toutes se rendent dans des fêtes.

Même si Marjane a toujours été en contact avec la religion, elle se rend dans une école laïque où les garçons et les filles sont dans les mêmes classes. Sa famille est une famille aisée: la réalité qu’elle nous dessine ne correspond donc probablement pas à celle de la majorité de la population.

Marjane, au début, ne comprend pas la révolution. À l’école, on lui a appris que le Shah a été choisi par Dieu. Elle ne comprend donc pas pourquoi sa famille ne le soutient pas. Elle commence donc à s’intéresser un peu plus à l’histoire de ses ancêtres. La révolution était une promesse de liberté. Il s’agissait de mettre fin à une ère de successions héréditaires et, à la fin, la république devait triompher. Cependant, le résultat ne fut pas celui escompté et finit par prendre une direction bien différente.

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Malgré son jeune âge, Marjane commence à soutenir la révolution, elle se documente et lit une infinité de livres, écoute les histoires de sa famille, etc. Mais une chose la pousse réellement à soutenir les révolutionnaires: la différence de classesUn fait que même sa famille ne semble pas prendre en considération.

La famille Satrapi vit avec une domestique, une jeune analphabète d’origine humble qui a dû s’occuper très tôt de Marjane. Toutes deux ont grandi en étant très unies et Marjane s’est toujours sentie triste de ne pas la voir manger avec sa famille. Pour Marjane, la révolution suppose la fin des classes sociales, l’égalité entre toutes les personnes. Etant donné qu’il s’agit d’une enfant, elle n’a pas de préjugés et sa vision est plus ouverte que celle de ses parents. Elle se sent honteuse de rouler dans la Cadillac de son père alors que d’autres enfants sont obligés de travailler.

La révolution a pris une direction inattendue et s’est transformée en révolution islamique. La peur a commencé à s’emparer d’une grande partie de la population et Marjane a du se séparer de certains amis et proches qui ont émigré à l’étranger. Les écoles ont rapidement cessé d’être laïques et mixtes. Les petites filles ont été obligées de porter le voile.

Tous ces changements, unis à la guerre Iran-Irak, ont fait perdre toute son innocence d’enfant à Marjane. Elle a du, très rapidement, partir en Europe pour pouvoir continuer ses études. Son rang social privilégié et ses années d’études dans un lycée français ont facilité son transfert dans une école française de Vienne.

L’arrivée en Europe

L’arrivée en Europe n’a pas été simple. Marjane ne connaissait pas la langue et échappait tout juste d’une guerre. Les plus progressistes semblaient montrer une certaine fascination pour son histoire. Or, il s’agissait d’une fascination égoïste, centrée sur les apparences et dont le but était de satisfaire une curiosité, sans s’éloigner du confort européen. En même temps, la jeune fille a du faire face aux regards critiques des plus conservateurs et de ceux qui rejetaient les autres cultures. Elle a même du mentir sur sa nationalité.

Marjane ne se sentait pas à sa place en Europe. Elle est donc retournée dans son pays d’origine, mais elle ne s’y sentait pas non plus à l’aise. Elle n’avait pas vécu les pires moments de la guerre, elle n’avait pas vécu la souffrance de ses proches et amis. Ses problèmes s’étaient “occidentalisés”. Elle a obtenu son diplôme d’arts et a de nouveau essayé de vivre à Téhéran, sans trop de succès, mais a fini par déménager à Paris. Dans Persepolis, elle reflète sa propre vision de la révolution, de la guerre, de l’émigration et de son adaptation dans un pays qui n’est pas le sien, avec une culture et des personnes qui ne lui ont pas non plus facilité la tâche.

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En Europe, elle essayera de chercher des personnes qui partagent ses idéaux. Cependant, elle fera face à une réalité différente de celle qu’elle connaissait et découvrira que ces idées sont défendues d’une façon très distincte, beaucoup plus superficielle.

La vision de Satrapi dans Persepolis n’est pas objective. Il s’agit d’une oeuvre autobiographique mais elle propose tout de même une réflexion: il existe, en Occident, une totale ignorance vis-à-vis du reste du monde, des préjugés bien ancrés et une tendance à critiquer sans savoir les choses.

Ce fait n’est pas si différent du monde dont vient Marjane. Ses parents, malgré leurs idées progressistes, ont soutenu ceux qui ont mis un terme à leurs libertés et étaient en faveur de l’égalité alors qu’ils avaient une servante et une infinité de privilèges.

Satrapi nous remet tous en cause à partir du regard attentif d’une petite fille. Persepolis représente ce Bildungsroman (roman d’apprentissage) dont nous pouvons tous tirer une leçon, une évolution. Tout comme Marjane elle-même, qui se bâtit une opinion au fur et à mesure qu’elle grandit et comprend le monde: de l’utopie d’un enfant jusqu’à la dure réalité. Le monde serait peut-être plus simples si nous conservions tous un peu de cette innocence infantile que nous avons perdue peu à peu.

“Nous rêvions tellement de liberté que nous avons oublié que nous n’étions pas libres”.

Persepolis

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