Les « fantômes psychologiques » : une promenade dans le sous-sol de notre esprit

La plupart d'entre nous hébergent dans leur esprit des problèmes non résolus, des entités qu'ils ne veulent pas accepter et des nœuds émotionnels qu'ils évitent, comme s'il s'agissait de spectres psychologiques. Alors, dites-nous... cachez-vous l'une de ces entités douloureuses ?
Les « fantômes psychologiques » : une promenade dans le sous-sol de notre esprit
Valeria Sabater

Rédigé et vérifié par Psychologue Valeria Sabater.

Dernière mise à jour : 11 mars, 2023

Les monstres existent, tout comme les fantômes psychologiques. Ce sont des présences qui, loin d’habiter sous nos lits ou d’ensorceler les espaces solitaires des maisons, se faufilent dans nos esprits. Beaucoup d’entre nous font des efforts pour vivre leur vie en essayant de cacher certaines présences mentales qui leur causent de la peur, de l’angoisse et du mal-être. Il peut s’agir de traumatismes, de problèmes non résolus, d’émotions difficiles…

Ce que nous n’aimons pas ou qui nous cause une grande douleur émotionnelle, nous le gardons au sous-sol de notre univers psychologique. Cependant, ces entités, au lieu de rester confinées à jamais, émergent des manières les plus diverses. Souvent sous forme d’anxiété, de phobies, de peurs paralysantes. Elles le font aussi en s’incarnant en nous sous forme de colère ou de comportements inadaptés.

Nous sommes tous terrifiés à l’idée d’affronter ces spectres qui occupent des espaces infinis dans le cerveau. Cependant, si nous ne le faisons pas, le malheur et les troubles mentaux associés ne feront que prendre plus de pouvoir sur nos vies. Ils vont nous transformer en personnes que nous n’aimons pas, du genre à faire peur même aux autres…

Que faire dans ces cas ? Hébergez-vous des « fantômes » internes ?

« Maintenant je sais ce qu’est un fantôme. Des affaires inachevées, voilà ce qu’ils sont. »

-Salman Rushdie-

Homme souffrant d'anxiété due à des images fantômes psychologiques
Peurs, sentiments de culpabilité, problèmes d’attachement… la plupart d’entre nous portons plus d’un fantôme mental contre lequel nous ne savons pas lutter.

Les « fantômes psychologiques » avec lesquels nous vivons habituellement

En 1975, Selma Fraiberg, une psychanalyste pour enfants, a introduit un terme qu’elle a ensuite formulé dans un article de recherche bien connu. Elle a défini en tant que « fantômes dans la chambre d’enfants » ces traumatismes qui s’héritent de génération en génération et qui, parfois, façonnent la manière dont on élève les enfants. Ainsi, la mère ou le père qui a été physiquement maltraité peut reproduire cet acte avec ses propres enfants.

Si nos parents ont été élevés froidement et sans attachement, ils peuvent répéter le même schéma en nous. Ils négligeront nos besoins émotionnels, en étant des soignants présents mais absents. Ces traumatismes passés peuvent contribuer à un cycle d’abus et de souffrances continus qui peut s’étendre sur plusieurs générations.

Une autre idée découle également de cette approche formulée par le Dr Fraiberg. Les « fantômes psychologiques » sont ces problèmes que nous ne soignons pas, que nous n’abordons pas et qui contribuent à notre mal-être  et, par conséquent, celui de notre entourage.

Nous ne nous trompons pas si nous affirmons que c’est une réalité bien présente dans notre société. La plupart d’entre nous traînent avec eux plus d’un spectre dans les couloirs de leur esprit. Voyons maintenant quelles sont, en moyenne, ces entités qui peuvent se glisser dans l’univers psychologique de n’importe quelle personne.

Les traumatismes non résolus sont à l’origine de bon nombre de nos fantômes mentaux, ceux qui limitent notre capacité à mener une vie comblée.

1. Le deuil congelé, les pertes qui ne guérissent pas

Le deuil congelé ou trouble de deuil complexe persistant définit les cas dans lesquels une personne est incapable de faire face au décès d’un être cher. Des recherches de l’Université de Columbia soulignent que 5 % de la population peut vivre cette réalité à un moment donné dans sa vie.

Il est important de noter que, bien que chaque personne gère et traverse le deuil d’une manière différente, cela peut parfois conduire à des situations problématiques. Nier ce qui s’est passé, tomber dans des états dépressifs, ne pas faire de plans à long terme et cesser d’avoir une vie sociale sont des symptômes évidents qui nécessitent une aide spécialisée. C’est l’un de ces « fantômes psychologiques » les plus fréquents.

2. Les traumatismes de l’enfance

Abus, maltraitance, perte, manque d’affection, être témoin d’événements indésirables… Un traumatisme infantile conditionne à l’infini le développement psychosocial de la personne. Les expériences stressantes de l’enfance deviennent des spectres persistants dans l’esprit, capables de moduler la personnalité et le comportement.

Les blessures non traitées sont des nœuds non résolus qui n’affectent pas seulement notre santé physique et psychologique : ils causent aussi des problèmes dans nos relations, limitent notre potentiel et interfèrent avec une multitude d’activités quotidiennes. Un traumatisme reste un spectre menaçant qui déforme tout.

3. Problèmes d’attachement

Notre lien émotionnel avec des figures d’attachement solides et fiables façonne notre meilleur moteur social, émotionnel et cognitif pour le développement. À tel point que lorsque ce lien ou cette empreinte ne se construit pas correctement, des lacunes, de l’anxiété et des besoins insatisfaits surgissent.

L’un des « fantômes psychologiques » les plus persistants chez l’être humain est tracé par nos problèmes d’attachement. Ne pas se sentir en sécurité dans nos relations sociales et affectives altère complètement notre capacité à être heureux.

4. Le poids de la culpabilité

Sénèque disait que la culpabilité est capable de transformer quelqu’un en son pire ennemi. C’est vrai : l’ombre persistante de cette émotion peut être autodestructrice et ronger une bonne partie de nos fondements mentaux. Le remords pour ce qui a été fait dans le passé, pour ce qui n’a pas été fait, dit ou non dit, nous enlève notre bien-être, nous enferme dans le passé et nous remplit d’insécurités.

Comme si cela ne suffisait pas, le spectre mental de la culpabilité affecte également la qualité de nos liens. Il est difficile de donner le meilleur de nous-mêmes lorsque la culpabilité obscurcit tout. À tel point que nous pouvons la décharger sur les autres, nous méfier, projeter ce qui nous pèse sur ceux en face de nous.

5. L’ombre des peurs

Il est impossible de désinfecter complètement les peurs de notre cerveau. Après tout, c’est grâce à elles que nous avons survécu en tant qu’espèce en nous permettant de nous défendre contre les menaces. Or, parmi nos « fantômes psychologiques » les plus tenaces figurent les peurs irrationnelles qui enchaînent notre développement, qui alimentent les phobies et les états anxieux.

Beaucoup de ces angoisses qui nous coincent dans la vie quotidienne se déroulent dans le cerveau souterrain. Au lieu de les affronter, nous leur permettons de grandir, d’acquérir une plus grande taille jusqu’à devenir ces monstres qui nous font trembler dans les situations les plus ordinaires.

Lorsque nous prenons conscience de nos fantômes, nous nous efforçons de les désactiver, de « nettoyer » leur présence grâce aux outils appropriés qui nous permettent de reprendre le contrôle de notre vie.

Esprit avec labyrinthe à l'intérieur avec des fantômes psychologiques
Dans le labyrinthe de notre esprit, il y a des espaces sombres sur lesquels nous devons mettre de la lumière pour guérir et pour gagner en bien-être.

Comment bannir nos « fantômes psychologiques »

Il y a des gens qui sont très conscients que certains « fantômes psychologiques » ont toujours habité leur famille, par exemple. Q uelqu’un qui a grandi dans un environnement dysfonctionnel le sait et empêche ces dynamiques de l’accompagner dans sa vie d’adulte. Parce que les erreurs des parents ne doivent pas se transmettre aux enfants et pour cette raison, nous essayons de nous guérir.

Si les spectres mentaux gagnent en puissance, c’est parce que nous avons peur de les affronter. Si les monstres en nous deviennent forts, c’est que nous avons peur de les démasquer, de les regarder en face. Pourtant, c’est en cela que consiste le processus thérapeutique : à laisser de la place à ce qui nous fait trembler et entrave notre capacité à être heureux.

La psychothérapie reste un mécanisme pour exorciser ce qui nous terrifie et se cache sous nos blessures. Se mettre entre les mains de professionnels, c’est faire confiance à la science pour bannir ce qui nous fait peur et éclairer les espaces sombres en nous.

Traumatismes, émotions difficiles, problèmes d’attachement… N’hésitons pas à demander une aide spécialisée : ce n’est qu’à ce moment que ces entités de cendre partiront à jamais.


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