Le recours à la psychologie contre le terrorisme : l'affaire Guantanamo

Dans toutes les guerres, y compris celles qui ont eu lieu pendant l'Antiquité, l'homme a eu recours à la psychologie pour combattre les ennemis. L'affaire Guantanamo a représenté un véritable retour en arrière : avec la permission des autorités, les interrogateurs/psychologues ont eu davantage recours à la brutalité qu'aux connaissances psychologiques.
Le recours à la psychologie contre le terrorisme : l'affaire Guantanamo
Gema Sánchez Cuevas

Rédigé et vérifié par Psychologue Gema Sánchez Cuevas.

Dernière mise à jour : 21 avril, 2020

Le psychologue James E. Mitchell a été interrogé dans le cadre du jugement militaire de l’affaire Guantanamo. Et nombreuses étaient les personnes consternées par ses déclarations. Interrogé sur le recours à la psychologie contre le terrorisme, Mitchell a non seulement reconnu qu’il a utilisé ses connaissances pour torturer les prisonniers, mais il a affirmé, qui plus est, qu’il le referait.

Gardons à l’esprit que le concept de lutte contre le terrorisme s’est popularisé suite aux attentats du 11 septembre aux États-Unis. Ce pays a ensuite, d’une certaine façon, déclaré la guerre aux groupes armés irréguliers du Moyen-Orient.

L’invasion en Afghanistan est l’un des événements qui a suivi la déclaration de guerre. La persécution des membres de ces groupes armés irréguliers a débouché sur l’arrestation d’un bon nombre d’entre eux et ensuite sur leur confinement au sein de la base militaire de Guantanamo. D’abord à travers Wikileaks et ensuite à travers d’autres médias, le monde a eu connaissance des tortures que subissaient les prisonniers de Guantanamo via l’aide de psychologues.

“Ils peuvent torturer mon corps, briser mes os et même me tuer. Ils auront alors mon cadavre, mais ils ne gagneront jamais mon obéissance.”

-Gandhi-

La manipulation dans l'affaire Guantanamo

 

Deux psychologues concernés dans l’affaire Guantanamo

Tout a commencé lorsque le fameux “Manuel de Manchester” a été trouvé.  Il s’agissait d’un guide appartenant au groupe Al Qaeda dédié à leurs adeptes. Ce guide indiquait, entre autres, comment ces derniers pouvaient mentir pendant un interrogatoire. Les psychologues James E. Mitchell et Bruce Jessen ont fait une analyse de ce document qu’ils ont ensuite fait parvenir aux autorités américaines.

Grâce à cette analyse, ils ont réussi à attirer l’attention sur leur capacité à affronter les méthodes d’Al Qaeda lors d’interrogatoires. À ce moment-là, les deux hommes travaillaient en tant que psychologues et instructeurs au sein de l’École américaine SERE (Survival, Evasion, Resistance and Escape).

Leur travail consistait à entraîner les soldats américains à résister aux différentes pressions auxquelles ils pouvaient être soumis s’ils étaient capturés suite à une confrontation armée. Suite à l’analyse du Manuel de Manchester, le travail de ces deux psychologues a pris une tournure contraire : ils devaient utiliser leurs connaissances pour interroger les prisonniers.

Le recours indécent à la psychologie au sein de la base militaire de Guantanamo

Mitchell et Jessen sont les spécialistes en psychologie cachés derrière les tortures auxquelles les prisonniers étaient soumis à Guantanamo. Si l’on regarde de plus près, on peut dire qu’ils ont justifié le recours à des méthodes barbares qui existent depuis des milliers d’années en créant une théorie psychologique.

Selon ces “spécialistes”, ils n’ont fait que mettre en pratique la théorie de l’impuissance apprise. Nous vous rappelons que cette théorie a été formalisée par le psychologue Martin Seligman en 1967. Cette théorie nous dit la chose suivante : une personne apprend à se comporter de manière passive face à un agresseur, partant de la prémisse inculquée selon laquelle il n’a pas la capacité de répondre aux attaques.

Mitchell et Jessen ont grossièrement interprété cette théorie et ont créé ce qu’ils ont appelé la “technique d’interrogatoire renforcée”. Cette technique consiste, en réalité, en des abus physiques systématiques dont l’isolement, la privation de nourriture et de sommeil, et ce, en vue de faire craquer les détenus. Cette technique ne présente aucune valeur ajoutée, il s’agit tout simplement de sadisme.

Un prisonnier de Guantanamo

Le danger derrière cette affaire

Ces deux psychologues ne parlaient même pas la langue des prisonniers. Pourtant, ils ont personnellement été impliqués dans les cas de torture. Eux-mêmes ont appliqué certains procédés douteux comme les coups sur la tête pendant des heures ou encore les étouffements. Le plus déconcertant dans cette affaire est qu’il y a de nombreux indices qui révèlent qu’ils ne sont même pas parvenus à leurs fins : nombreux sont les prisonniers ayant résisté et n’ayant pas fourni les informations qu’attendaient les interrogateurs.

Lors du jugement contre cinq prisonniers dans le cadre de l’affaire Guantanamo, on a appelé Mitchell, non accusé, à témoigner. Avec son collègue Jenssen, ils ont gagné 81 millions de dollars pour leur travail. Les deux hommes sont protégés par une clause qui comprend cinq millions de dollars contre des éventuels jugements contre eux. Néanmoins, ces jugements n’auront jamais lieu, car l’affaire Guantanamo se caractérise par une totale impunité.

Il est grave que l’une des plus grandes puissances du monde soutienne et stimule des pratiques aussi cruelles. Il est également grave que le terme psychologie, et non la psychologie, soit utilisé pour justifier des actes barbares.

 


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  • Pérez Gónzalez, M., & Rodríguez-Villasante y Prieto, J. L. (2002). El caso de los detenidos de Guantánamo ante el derecho internacional humanitario y de los derechos humanos. Revista Española de Derecho Internacional, 11-40.


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