L'apprentissage lent : une variété d'apprentissage ou une anomalie ?

L'apprentissage lent : une variété d'apprentissage ou une anomalie ?
Gema Sánchez Cuevas

Rédigé et vérifié par Psychologue Gema Sánchez Cuevas.

Dernière mise à jour : 15 octobre, 2017

On ne peut pas parler d’apprentissage sans parler de système éducatif. Il s’agit là de deux réalités étroitement liées qui se conditionnement mutuellement. Un premier élément, certainement problématique, réside dans l’appellation “apprentissage lent” ; c’est problématique, car cette dénomination définit un paramètre de vitesse idéale en référence stricte à ce système d’éducation.

La plupart des systèmes éducatifs appliqués dans le monde sont rigidement standardisés. Autrement dit, ils définissent ce que chaque personne doit apprendre, comment et quand elle doit le faire. Ils définissent aussi les formes spécifiques permettant d’évaluer si oui ou non les objectifs sont atteints.

“Apprendre beaucoup de choses ne nourrit pas l’intelligence.”

-Héraclite d’Ephèse-

C’est à partir de ce système que l’on établit ce qui est lent et ce qui ne l’est pas. On part du principe que le système est correct et que, si l’individu répond à ce que ce système exige, il fonctionne correctement. S’il ne le fait pas, il présente un déficit ou un trait “à corriger”. C’est alors que sont posées les étiquettes comme “lent”, “rapide”, intelligent” ou non. Et le pire, c’est que c’est sur ces bases que s’édifie tout un chemin de réussite ou d’échec scolaire.

Apprentissage lent ou simplement différent ?

L’anecdote que nous allons vous raconter ici est vraie : c’est l’histoire d’un enfant de CM1 qui a des difficultés pour lire et pour écrire rapidement. Sa maîtresse lui répète souvent qu’il est le plus mauvais de la classe. Elle a l’habitude d’écrire un texte au tableau pour que les élèves le recopient. Or, l’enfant de cette histoire finit toujours après les autres.

petit garçon ayant un apprentissage lent

Puisque tout le monde ne peut pas l’attendre, la maîtresse efface le tableau et lui demande généralement de prendre plus tard le cahier d’un-e camarade pour rattraper. Un jour, après ce rituel, la maîtresse ne trouve plus la brosse pour effacer le tableau. Le garçon la lui a prise sans que personne ne s’en rende et l’a cachée. Il finit de faire la transcription, se lève et efface lui-même le tableau.

Peut-on dire que cet enfant n’est pas intelligent ? Si on considère que l’intelligence consiste en la capacité à mettre les informations dont on dispose à profit de la résolution des problèmes que l’on rencontre, on peut alors conclure que l’acte de ce garçon est brillant ; en effet, il implique un processus d’analyse incluant la définition d’un problèmes, l’évaluation de différentes alternatives, et la proposition d’une solution. Il s’agit de plus également d’un acte éthique, car à aucun moment ce garçon n’a cherché à cacher sa conduite, mais plutôt à faire remarquer et valoir son droit de disposer des mêmes opportunités que les autres.

Pourtant, ce dernier a été puni ; selon sa maîtresse, il a “retardé” toute la classe et est allé à l’encontre des consignes qui lui avaient été données. La seule chose qui intéresse la maîtresse en réalité, c’est que les enfants soient capables de recopier le texte dans les temps.

Les rythmes de l’apprentissage et les contextes

Tou-te-s les maître-sse-s ainsi que le système éducatif lui-même proclament que l’apprentissage est une réalité intégrale. Cela implique des processus cognoscitifs mais aussi émotionnels, relationnels, symboliques etc. Ils admettent au moins cela théoriquement. Cependant, combien de maître-sse-s prennent en compte le contexte de vie de l’enfant pour établir dans quelles conditions réelles il apprend ?

salle de classe

A Bogota, en Colombie, un test pilote d’apprentissage a été réalisé dans un collège public, en appliquant les méthodes pédagogiques de Jean Piaget. Pour ce pédagogue, ce n’est pas le contenu de l’apprentissage qui compte, mais le processus mental impliqué. C’est pourquoi dans ce collège pilote ont été éliminées les qualifications et les matières. Il y avait une liste de cours et chaque enfant choisissait ceux auxquels il voulait assister, sans qu’aucune note numérique ne lui soit jamais attribuée.

Les résultats ont été surprenants. Les enfants se sont montrés très motivés. Ils pouvaient assister à un même cours plusieurs fois s’ils en avaient besoin. Le rendement a significativement augmenté et l’apprentissage a été bien plus efficace. Comme ils n’étaient pas approuvés ou réprouvés, ils étaient plus spontanés au moment de poser des questions sur ce qu’ils ne comprenaient pas. Le collège étaient leur lieu favori. Quelque chose de similaire est arrivé avec ce que l’on appelle “l’Ecole Miracle” de Barcelone.

Ainsi, avant de pathologiser ou stigmatiser un enfant en indiquant qu’il a un apprentissage lent, un déficit d’attention, un retard intellectuel, etc, nous devrions aussi faire un diagnostic sur le système éducatif depuis lequel on le juge et l’étiquette.

Il est aussi préférableanalyser quel est son contexte. Arrive-t-il quelque chose dans sa vie familiale ou individuelle qui le rend anxieux ou déprimé ? Son environnement facilite-t-il l’apprentissage ? Au-delà des considérations neurologiques, il y a encore beaucoup de progrès à faire à ce sujet.

apprentissage lent

 

 


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