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La fibromyalgie, plus qu'une douleur physique

10 minutes
La fibromyalgie, plus qu'une douleur physique
Gema Sánchez Cuevas

Rédigé et vérifié par Psychologue Gema Sánchez Cuevas

Dernière mise à jour : 21 décembre, 2022

Est-ce qu’elle souffre de fibromyalgie ? Antonia est une femme de 52 ans. Elle a une vie sans trop de limitations : elle travaille dans une loge, nettoie l’immeuble et s’occupe de sa propre maison. C’est une personne agréable, elle parle avec ses ami-e-s et ses voisin-e-s, et toujours avec le sourire. Elle ne se plaint presque jamais parce qu’elle doit toujours aller de l’avant, à tout prix, et peu importe comment elle se sent.

Mais elle seule sait les sacrifices qu’elle doit faire au quotidien pour mener une vie apparemment normale. Elle a des douleurs dans le corps, à différents endroits, de manière diffuse. Elle a beaucoup de mal à s’activer le matin car elle ne se repose pas bien la nuit. Parfois, elle a tellement mal qu’elle ne peut pas finir la vaisselle ; elle laisse les plats pleins de produit vaisselle et les lave plus tard. D’autres fois, elle a l’impression d’avoir une épée en bois plantée dans le dos… Est-ce qu’elle souffre de fibromyalgie ?

Des personnes comme Antonia, qui ont constamment des sensations de douleur qui apparaissent sans raison apparente, peuvent souffrir de fibromyalgie. Normalement, le syndrome de fibromyalgie est difficile à comprendre car les symptômes ne sont pas perçus de manière externe. On peut même croire que ces personnes inventent ces douleurs ou qu’elles se plaignent sans raison, cherchant des excuses pour ne pas faire ce qu’elles doivent faire. Mais ce n’est pas le cas car leur douleur est réelle et elles en souffrent.

Qu’est-ce que la fibromyalgie ?

D’un côté, la fibromyalgie est généralement décrite comme une douleur chronique dans les muscles et le tissu fibreux (ligaments et tendons), c’est-à-dire dans le système musculaire et squelettique. D’un autre côté, on peut aussi la définir comme une hypersensibilité à la douleur. Face à des stimuli qui produisent de la douleur, la réponse cérébrale donne plus d’informations, comme s’il existait une douleur plus importante que celle qui existe en réalité. Quand le stimulus qui produit de la douleur disparaît, la douleur peut même continuer à persister.

Ainsi, au lieu de pencher pour une altération musculaire, la recherche pense qu’il s’agit d’une altération du processus central, au niveau médullaire et cérébral. Ceci pourrait être dû à une absence d’activité analgésique (moins d’opiacés endogènes) et à des changements dans les principaux neurotransmetteurs associés à la sensibilisation centrale (moins de sérotonine, de norépinéphrine et de dopamine).

En dehors de la douleur, les patient-e-s présentent aussi d’autres symptômes comme de la fatigue, des troubles du sommeil, des paresthésies dans les extrémités, un manque de concentration et, parfois, des symptômes affectifs comme la dépression ou l’anxiété.

Une pierre au-dessus du corps qui représente le poids de la fibromyalgie

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La fibromyalgie est un symptôme très difficile à décrire. Aucune cause spécifique, qu’elle soit biologique ou psychologique, n’a donné d’explication réelle à ces douleurs. De toute façon, et fort heureusement, elle a été reconnue par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en 1992.

Les critères pour diagnostiquer la fibromyalgie sont que le/la patient-e présente une douleur généralisée sur 11 (sur 13) points sensibles du corps (surtout dans les cervicales, le dos et les articulations comme les coudes et les genoux), pendant plus de 3 mois consécutifs. Et il ne faut pas qu’une autre pathologie explique cette douleur.

C’est de cette façon que cette douleur ignorée a fini par être reconnue, acquérant ainsi un peu plus de voix. Cette évaluation a représenté un premier pas et c’est très important pour que ces personnes se sentent plus accompagnées et puissent mieux affronter la maladie.

La fibromyalgie, est-ce une douleur chronique ?

Antonia, comme tant d’autres personnes, face au doute à propos de la raison qui lui fait ressentir ces douleurs depuis longtemps, a consulté beaucoup de médecins pour en trouver la cause et soulager sa souffrance. Durant un long moment, le désespoir l’a envahie, jusqu’à ce qu’on lui diagnostique une fibromyalgie. Mais ce n’était pas tout : elle a eu beaucoup de mal à accepter que cette douleur serait chronique et qu’elle l’accompagnerait tout au long de sa vie.

Malheureusement, il n’existe pas de traitement spécifique pour calmer les douleurs de la fibromyalgie. Les anti-inflammatoires, utilisés habituellement, ne sont pas efficaces car ils n’éliminent pas la douleur ou ne font que l’atténuer. Celle-ci réapparaît toujours. Il est important de préciser que la fibromyalgie n’est pas une maladie dégénérative, elle ne détruit pas les articulations et n’occasionne pas de lésions irréversibles ou de difformités. Il est par conséquent nécessaire de démystifier la fausse croyance selon laquelle souffrir de cette maladie peut engendrer de graves problèmes de mobilité ou impliquer d’avoir recours à l’aide d’un fauteuil roulant.

Même si l’on ne trouve aucune cause ou aucun médicament spécifique pour le syndrome de la fibromyalgie, on peut réussir à avoir une meilleure qualité de vie. La personne peut apprendre à prendre soin d’elle afin que la douleur n’augmente pas ; elle peut, au minimum, la réduire, ou même réussir à la réduire. Le changement est possible.

Est-il prudent de continuer de pratiquer des activités ou vaut-il mieux se reposer?

Normalement, les personnes souffrant de fibromyalgie ressentent le besoin de pratiquer beaucoup d’activités et ne se reposent pas beaucoup. À tel point qu’elles finissent par totalement s’épuiser. Elles ont alors besoin de se reposer pendant des heures et parfois même des jours, car la douleur qu’elles ressentent est si intense qu’elle ne leur permet pas de bouger.

Ainsi, il ne s’agit pas d’enchaîner des activités ou de toujours se reposer. Il est indispensable de trouver un point intermédiaire, qui changerait selon la personne. Il est très important que les personnes qui souffrent de fibromyalgie apprennent à réguler leur rythme d’activité et de repos.

Pour réguler leur rythme d’activité et de repos, la première chose à faire est d’observer et d’écouter leur corps pour éviter d’atteindre le niveau maximal de douleur (le 10, sur une échelle de 0 à 10). Elles doivent apprendre à prendre conscience du moment où elles se trouvent au niveau 5 et à s’autoriser un moment de repos. De cette manière, elles éviteront le point critique de douleur et de fatigue, celui qui leur fera sentir qu’elles n’en peuvent plus et qu’elles doivent complètement s’arrêter.

Il faut souligner que même si l’on consacre plus de temps au repos, il convient aussi de réaliser un minimum d’activité physique au quotidien, avec une intensité modérée, pour éviter qu’une altération de l’appareil locomoteur se produise par non-utilisation. Ne réaliser aucune activité physique pourrait aggraver la douleur, la fatigue, la rigidité, et pas seulement au niveau physique mais aussi au niveau psychologique.

“L’art du repos est une partie de l’art de travailler.”

-John Steinbeck-

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L’importance de dédier plus de temps au repos pour ne pas atteindre la sensation maximale de douleur implique de réduire ses attentesCela veut dire ne pas chercher à réaliser une quantité excessive de travail dans la même journée, établir des objectifs plus accessibles ou diviser les grandes tâches en tâches plus petites et plus maniables.

Il est aussi bénéfique que ces personnes apprennent à être plus flexibles et moins exigeantes avec elles-mêmes. Par exemple, quand un jour elles ne peuvent pas faire tout ce qu’elles avaient prévu parce qu’elles ont encore plus mal, il faut qu’elles évitent de se tourmenter et de se punir car cela ne fera qu’augmenter leur mal-être.

Le traitement psychologique peut-il soulager la douleur ?

Il a été prouvé qu’une meilleure régulation des niveaux émotionnels et relationnels aide à soulager la douleur physique. Ainsi, la psychothérapie permet à ces personnes d’obtenir une meilleure qualité de vie et de s’améliorer sur de nombreux points comme :

  • Accepter la douleur et vivre avec
  • Rétablir l’équilibre émotionnel
  • Augmenter la qualité du sommeil
  • Améliorer les relations avec les autres, surtout avec la famille (qui vit de plus près la souffrance et les effets de la douleur du syndrome de la fibromyalgie)

Les personnes qui souffrent de fibromyalgie ont, en général (pas toutes, parce qu’on n’a pas défini de personnalité concrète), tendance à plus prendre soin et aider les autres. Elles doivent apprendre à dire “non”. Bien évidemment, aider les autres est positif mais jusqu’à un certain point ; cela ne doit pas impliquer de se négliger soi-même.

De cette manière, le traitement psychologique vise, entre autres, à ce que les personnes apprennent à prendre soin d’elles et à se respecter. Cet objectif implique d’être capable de dire “non” lors de certaines circonstances et de se lier aux autres de façon plus assertive.

Comme c’est souvent le cas, il est toujours plus facile de le dire que de le faire. Ces personnes peuvent savoir, par exemple, que se reposer les aiderait à se sentir mieux. Le problème est que, normalement, les personnes souffrant de fibromyalgie ne sont pas habituées à se reposer et, quand elles le font, ressentent un grand sentiment de culpabilité : elles sentent le besoin de respecter “leurs obligations”. Elles doivent donc apprendre à passer du temps avec elles-mêmes, sans se sentir mal.

Même si se reposer semble être un but simple, pour beaucoup de personnes, ce repos remet en cause leur identité et leur enlève, d’une certaine manière, de la valeur. À partir d’études basées sur la “théorie des construits personnels” de Kelly, on a trouvé divers “construits” (adjectifs) qui sont liés aux “dilemmes” (obstacles) que rencontrent ces personnes pour atteindre les changements dont elles ont besoin, comme par exemple les “construits” généreux versus égoïstes.

Normalement, les personnes atteintes de fibromyalgie sont considérées comme des personnes travailleuses et généreuses et, de manière inconsciente, si elles relèguent leurs activités et “obligations”, sentent qu’elles ne sont plus comme cela et se transforment en des personnes faibles et égoïstes. C’est pour cette raison que l’un des objectifs de la psychothérapie est de les faire se rendre compte que se reposer ou demander de l’aide à d’autres personnes n’implique pas de cesser d’être soi-même.

Il est important que les changements soient cohérents avec leur identité pour qu’ils puissent réellement être significatifs.

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Que peuvent-elles faire de plus pour prendre soin d’elles ?

Il semblerait que la douleur de la fibromyalgie soit incontrôlable, qu’on ne puisse pas prévoir à quel moment elle s’intensifiera. Rien ne peut la réduire. Cependant, selon la “Gate Control Theory“, on peut réussir à identifier certaines situations qui “ouvrent” la barrière de la douleur ou la “ferment”.

Par exemple, on a observé que beaucoup de personnes souffrant de fibromyalgie sont d’accord pour dire qu’elles ressentent moins de sensations de douleur quand elles sont plus tranquilles et distraites, en présence d’ami-e-s ou de proches. Par ailleurs, les aspects qui augmentent la douleur sont : se sentir tendu-e, stressé-e, angoissé-e ou préoccupé-e, par exemple après avoir travaillé, après avoir fait trop d’exercice ou après s’être disputé-e avec quelqu’un.

Une fois que ces personnes seront conscientes du fait que ces situations influent sur la perception de la douleur, il faudra diminuer ces aspects qui intensifient la douleur et augmenter ceux qui la réduisent, comme les activités gratifiantes. C’est facile à dire, bien sûr, mais difficile à réaliser pour des personnes qui ont passé toute leur vie à assumer un sacrifice qui les torture souvent plus que leur propre maladie.

“Si la douleur est excessive et qu’une personne l’affronte toute seule, c’est destructeur. Si la personne est connectée à d’autres et met des mots sur son problème, il s’agit d’une expérience de croissance. Partager et accepter la douleur en tant qu’opportunité pour grandir.”

-Luigi Cancrini-

 

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