La favorite : une compétition pour le pouvoir

La Favorite (2018) n'est pas un film en costumes de plus, c'est un film qui s'appuie sur un fait historique pour le raconter sous un angle différent. En combinant Histoire et imagination, il nous plonge dans des intrigues de palais avec des personnages parfaitement construits et d'une profonde complexité.
La favorite : une compétition pour le pouvoir
Leah Padalino

Rédigé et vérifié par critique de cinéma Leah Padalino.

Dernière mise à jour : 01 mars, 2023

Le dernier film du cinéaste grec Yorgos Lanthimos, La Favorite (2018), est un film d’intrigues de palais, de pouvoir et de femmes. L’opulence et les excès de la royauté anglaise du XVIIIe siècle se combinent parfaitement avec un langage clairement ancré dans le XXIe siècle. Il s’agit donc d’un voyage dans le passé pour raconter l’histoire de manière très contemporaine.

A la différence des autres films d’époque au ton grave et ancien, ici Lanthimos ose faire un film différent. Il nous offre un film satirique et non exempt d’anachronismes au son du clavecin pour nous plonger dans le monde des palais.

Abigail (Emma Stone), Sarah (Rachel Weisz) et la reine Anne (Olivia Colman) forment le trio de protagonistes sur lequel repose l’intrigue. 3 personnages prenants parfaitement choisis et décrits qui sont incarnés par 3 brillantes actrices à la hauteur de leurs rôles.

Une intrigue passionnante

Historiquement, la Reine Anne avait en effet une amitié particulière avec Sarah Churchill, Duchesse de Marlborough. La duchesse est ainsi devenue le bras droit de la reine, qui lui a même donné une grande importance politique.

Cependant, la relation entre la reine et Sarah allait bien au-delà de l’amitié. Elles ont en effet été amantes. C’est alors qu’Abigail Masham, la cousine de Sarah, a perturbé tout cela par son arrivée. Dans une tentative désespérée de restaurer son statut social, elle a pris la place de Sarah comme amante de la Reine.

Basé sur des faits réels, Lanthimos construit La Favorite en imaginant ce qu’était la vie dans ce palais et la rivalité des 2 cousines qui se sont disputées le cœur – ou les faveurs – de la reine. Nous sommes témoins d’une parodie des valeurs anciennes, d’une satire épicée qui ose se nommer et laisse libre cours à l’imagination.

Le réalisateur de Canine (2009) nous a déjà montré qu’il aimait jouer avec l’étrange et même parfois mettre le spectateur mal à l’aise. Dans La Favorite, il n’y a pas de personnages attachants. En effet, il y a surtout de la passion, de l’envie, du mensonge et beaucoup d’ambition.

Une scène de La Favorite

 

La Favorite, une caricature de palais

Le sens de l’esthétique

Dans La Favorite, les images font parties intégrantes du récit. L’usage de l’objectif “fisheye” déforme, en partie, les espaces et, par conséquent, la réalité. Cela nous permet aussi d’avoir une vision plus large de ces salons fastueux et démesurés.

Les costumes et le maquillage jouent un autre rôle fondamental en terme de visuel. Les contrastes entre les vêtements des serviteurs et les salles de service d’une part et ceux de la royauté d’autre part montrent les inégalités de l’époque. On comprend alors mieux les motivations qui animent les protagonistes.

Abigail était une notable qui est tombée dans la pauvreté lorsque son père a connu la ruine. C’est alors qu’elle est allée au palais pour demander de l’aide de sa cousine Sarah. Cette dernière l’a fait embaucher comme servante au palais royal. Après avoir commencée au bas de l’échelle, Abigail finira par se rapprocher de la reine Anne.

L’esthétique du film est très recherchée. Tout fonctionne parfaitement.  Le jeu de lumières soutient idéalement l e scénario. La musique intensifie les moments forts et accompagne l’esthétique de l’image.

D’une certaine façon, ce plaisir esthétique nous rappelle beaucoup le style du mythique Stanley Kubrick. On pense alors à des films tels que Barry Lyndon (Kubrick, 1975). Tout est soigné dans les détails. De la photographie au maquillage, tous les éléments se mettent efficacement au service de la narration.

Des personnages forts

La Favorite n’est pas seulement un régal purement visuel. Ainsi, les personnages affichent une grande profondeur et leurs interprétations sont à la hauteur de leur complexité.

Même si les intrigues de pouvoir et d’ambition se développent dans un cadre de conflits politiques, La Favorite n’en est pas moins une comédie. Une comédie subtile, certes, mais percutante qui tire un portrait satirique de la royauté excessive et frivole du XVIIIe siècle.

Les monarques sont dépeints comme absolument inutiles et ennuyeux. Leur seul divertissement semble être de suivre des courses de canards ou de jeter des fruits sur un homme nu ! Contrairement à d’autres films en costumes, les hommes sont relégués au second plan. Ils sont même présentés comme des êtres inutiles vivant sur les apparences.

Les artifices de l’époque sont démesurés. En effet, les vêtements et le maquillage semblent tout à fait ridicules. Les décors sont absolument excessifs. Et, tout cela uniquement au service du monarque. A l’époque, la vie de palais attirait alors nombre d’artistes de toutes sortes.

Musiciens, peintres, ou dramaturges composaient en effet des œuvres dans le seul but de plaire au roi ou à la reine. L’art était alors confiné au palais. La Favorite se rit de tout cela et a recours au sarcasme pour ridiculiser la monarchie.

La Favorite ou la lutte pour le pouvoir

Le triangle amoureux qui donne vie au film est aussi une lutte ardue et vile pour le pouvoir. Un pouvoir qui tombe entre les mains de femmes qui ne sont pas satisfaites du rôle qui leur a été confié. Une histoire sur la moralité et la corruption dans laquelle Lanthimos construit puis détruit l’image que nous avons des personnages. On ne s’attache à aucun d’entre eux. Cependant, on ne les déteste pas non plus.

La reine Anne peut sembler être l’incarnation du despotisme. Néanmoins, au cours du film, nous découvrons qu’elle souffre d’une profonde dépression. En effet, la puissance et le luxe n’ont pas su rendre Anne heureuse. Nous voyons une femme malade dont la santé mentale s’effondre également. Elle est terriblement enfantine et son estime d’elle même est inexistante.

La tragédie a en effet trop souvent frappé la vie d’Anne. D’une certaine manière, on arrive à comprendre son attitude, même si cette dernière est d’une moralité plus que douteuse.

Sarah, quant à elle, se présente comme la parfaite antagoniste du film. Elle incarne ce type de personnage que nous devrions détester dès le départ. Intéressée, vile et absolument manipulatrice. Cependant, peu à peu le spectateur va ressentir de la pitié pour cette femme et va même commencer à la plaindre.

C’est le contraire qui se produit avec la jeune Abigail. Après avoir tout perdu, elle se retrouve au plus bas de l’échelle sociale. Nous ressentons de la peine pour elle et nous souhaitons même qu’elle réalise ses projets. Nous sympathisons parfois avec l’injustice de sa situation jusqu’à ce que nous découvrions la véritable nature de ses projets.

Dans son film, Lanthimos pousse même ses personnages à l’extrême. Il les amène à des limites inattendues. Le spectateur a toutes les cartes en main. Il apprend à connaître les tenants et aboutissants du palais et découvre toute l’hypocrisie qui caractérise les salons de l’époque.

 

Ce qu’il faut retenir de La Favorite

Le pouvoir corrompt-il ? Jusqu’où l’être humain est-il capable d’aller pour atteindre ses objectifs ? La Favorite ne nous permet pas de prendre position. En effet, lorsque nous nous prenons d’affection pour un personnage, il nous montre alors un côté plus sombre de sa personnalité.

En fin de compte, dans un monde d’inégalités, tout le monde veut être au sommet. Et pour cela, peu importe que vous soyez un homme ou une femme. La seule chose qui semble compter, c’est le pouvoir et le contrôle.

Les métaphores vont bon train et tout est parfaitement mesuré et calculé. Finalement, la fin du film est marquée par une scène puissante qui nous rappelle qu’il y aura toujours quelqu’un au-dessus de nous. Ainsi, dans le monde de la lutte pour le pouvoir, il n’y a pas de place pour la morale et il y aura toujours quelqu’un sur qui marcher.

Conclusion

Alors qu’une guerre se prépare au-delà des frontières du royaume, à l’intérieur des murs du palais, c’est une véritable lutte qui se déroule. Celle pour le pouvoir. C’est une guerre de passions et de mensonges. La Favorite a remporté le dernier Festival de Venise. De plus, avec 10 nominations aux Oscars, ce film s’est déjà imposé comme l’un des films phare de l’année 2018.

Finalement, sans cependant oublier les excellentes performances masculines de La Favorite, Olivia Colman, Rachel Weisz et Emma Stone sont magnifiques dans cette compétition pour le pouvoir et les faveurs de la reine. Ce film nous montre ce que l’humanité a de pire, de l’ostentation à la manipulation, et s’en moque à travers la satire pour le pur plaisir du spectateur.

 


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