Hypocondrie : quand la peur d'être malade devient réalité

Hypocondrie : quand la peur d'être malade devient réalité
Julia Marquez Arrico

Rédigé et vérifié par Psychologue Julia Marquez Arrico.

Dernière mise à jour : 27 janvier, 2023

L’hypocondrie ou anxiété pour la santé (comme l’appelle le DSM-5) est un des motifs de consultation les plus fréquents pour les psychologues qui réalisent des psychothérapies. Elle fait référence à des personnes qui vivent avec une peur intense et fréquente qui tourne toujours autour de la maladie.

Les maladies les plus redoutées par les personnes souffrant d’hypocondrie sont celles qui impliquent une détérioration progressive et durable dans le temps (par exemple, cancer, VIH, fibromyalgie), même si l’on voit aussi le cas de personnes qui ont peur d’avoir une maladie cardiaque ou respiratoire (qui implique une évolution plus rapide et aiguë).

En d’autres termes, tandis que la chose la plus caractéristique de l’hypocondrie est la peur de maladies qui détériorent peu à peu notre corps, la peur de maladies plus rapides comme une crise cardiaque ou un étouffement est typique des troubles de panique. Dans tous les cas, indépendamment du type de maladie que craint la personne souffrant d’hypocondrie, ce sont les actions qui cherchent le contrôle de son corps, ses sensations et la façon de gérer la peur qui finissent par “la rendre malade” (psychologiquement parlant).

Tandis que la chose la plus caractéristique de l’hypocondrie est la peur de maladies qui détériorent peu à peu notre corps, la peur de maladies plus rapides comme une crise cardiaque ou un étouffement est typique des troubles de panique.

femme qui a peur

Même si les composants centraux de l’hypocondrie sont la peur de la maladie et les comportements pour avoir un diagnostique (tests médicaux, recherche d’informations, etc.), il existe davantage de facteurs psychologiques qui influent sur le développement de cette maladie, sur l’intensité et sur la durée de cette dernière.

Nous allons donc vous expliquer, à travers cet article, comment la peur intense des personnes souffrant d’hypocondrie finit par devenir réelle, en raison d’une recherche de contrôle sur leur propre corps, d’une intolérance face à l’incertitude et d’une gestion inadéquate de la peur.

Comment la peur d’être malade attire-t-elle la maladie ?

Pour qu’une personne ayant peur de tomber malade finisse par développer une hypocondrie, plusieurs facteurs sont nécessaires. Parmi les facteurs psychologiques les plus caractéristiques qui finissent par transformer en réalité cette peur d’être malade, nous trouvons des attentes irréelles et des idées préconçues sur la façon dont notre corps doit fonctionner.

Le rôle des attentes irréelles, de l’auto-exigence et du besoin de contrôle dans le développement de l’hypocondrie

Quand une personne a des attentes irréelles et sans fondement sur la façon dont elle doit se sentir chaque jour, n’importe quelle sensation physique normale comme une contracture, une crampe ou une douleur peu spécifique deviennent des signaux d’alarme qui indiquent que quelque chose ne va pas. Ceci est en partie réel: si j’ai tout le temps mal à la tête et si j’ai une contracture dans le cou, il est certain que quelque chose ne va pas dans mon corps, la douleur et la gêne sont des signaux. En revanche, les personnes avec une peur intense de la maladie interprètent ces signaux comme des indicateurs manifestes d’une maladie sous-jacente.

La peur de la maladie devient plus grande si j’ai un schéma mental qui me dit que “quand je sens quelque chose dans mon corps, cela veut dire que quelque chose de grave m’arrive et que je suis malade”.  Avoir une idée préconçue de la façon dont mon corps doit fonctionner facilite donc le développement de l’hypocondrie. Ce type de raisonnement est assez fréquent chez les personnes qui présentent une faible tolérance aux sensations physiques gênantes. Ce sont des personnes qui croient que leur corps doit toujours être de la même façon (pas de nouvelles taches, pas de grains de beauté), sans douleurs (pas de contractures ou de crampes) et sans gênes (rien de “bizarre” ou “nouveau”).

Avoir une idée préconçue de la façon dont mon corps doit fonctionner facilite donc le développement de l’hypocondrie.

femme avec mal de tête

Par ailleurs, même si les gênes physiques sont normales et font partie du fait d’être en vie (notre corps est un organisme en constant changement), si nous leur prêtons attention, nous finissons par les amplifier. Ceci s’explique à travers la “théorie de la porte”, qui a démontré scientifiquement qu’en prêtant attention à une sensation de notre corps, nous ne faisons que l’amplifier, la rendre plus intense et durable dans le temps. Les techniques de distraction sont donc essentielles pour un bon traitement psychologique de l’hypocondrie.

En outre, l’auto-exigence est un facteur clé dans le développement de l’hypocondrie car un haut niveau d’auto-exigence face à son corps et face à la disparition des gênes doit avoir lieu. En d’autres termes, il ne suffit pas d’avoir peur de la maladie et de ne pas supporter des gênes physiques normales, il faut aussi qu’un haut degré d’auto-exigence et de recherche de contrôle apparaisse pour que l’hypocondrie ait lieu. La personne doit penser que la gêne ou la sensation gênante doit passer et fixe une date arbitraire pour que ce soit le cas.

En évitant d’être malade physiquement, on finit par être psychologiquement malade

L’intolérance aux sensations physiques gênantes mais normales, en plus du fait de demander au corps qu’il cesse d’avoir le contrôle sur ce qui se produit dans l’organisme font que les personnes “tombent malades” sur le plan psychologique. Etant donné que l’on ne peut pas prêter attention à deux choses en même temps, si quelqu’un surveille ce qui lui fait plus de mal ou ce qui lui provoque moins de douleur, à quel endroit il a mal, à quel point il souffre, cette personne perdra une grande partie de son temps à vouloir contrôler l’incontrôlable : le fonctionnement normal de l’organisme.

Une fois que les sensations physiques se sont amplifiées à travers l’attention que la personne leur prête, cette dernière prend peur et commence à faire des recherches sur Internet ou à prendre rendez-vous avec des médecins pour savoir pourquoi elle ressent ce qu’elle ressent ou pourquoi elle a mal quelque part. Le processus de recherche d’informations sur Internet est très dangereux car il fournit à la personne une énorme quantité d’informations qu’elle pourra utiliser pour continuer à prêter attention aux gênes dans son corps et commenter ce qui est connue sous le nom de prophétie autoréalisatrice.

Par ailleurs, aller chez le médecin et recevoir un diagnostique de non-maladie (car si c’est de l’hypocondrie, il n’y a pas de maladie) ne fait que calmer temporairement le sujet et le rend esclave de l’opinion d’un professionnel. En outre, cela le place dans la position du malade car lorsqu’il réalise des tests et des scanners, l’hypocondriaque se considère lui-même comme un malade alors qu’il ne l’est pas.

Comment pouvons-nous gérer convenablement la peur de la maladie ?

Rechercher la sécurité de l’absence de maladie à travers différentes sources, sans être convaincus par ce que nous disent les professionnels et en continuant à croire “je sais que j’ai quelque chose même si on me dit le contraire” n’est pas la manière adéquate. Notre esprit est très capricieux et, très souvent, il “décide” de prendre le mauvais chemin et nous fait nous sentir très sûrs de cela. Dans le cas de l’hypocondrie, la personne doit savoir qu’à travers les stratégies de recherche d’information et les tests médicaux, elle ne fait que se laisser porter par la peur. Elle doit reconnaître qu’elle se trompe et que, même si elle croit que quelque chose lui arrive, ce n’est pas le cas.

psychologue

La peur de tomber malade est normale et adaptative, nous avons besoin d’une certaine peur pour avoir des comportements sains et protecteurs. Mais chercher des informations qui m’indiquent que je ne suis pas malade est une façon incorrecte de gérer cette peur. Dans un premier temps, on doit laisser tomber la recherche de contrôle des sensations physiques et abandonner les tests médicaux pour ne plus se retrouver dans le rôle du malade.

Dans un second temps, on doit comprendre que le problème n’est pas la peur en soi mais l’intolérance face à cette peur, qui devient de plus en plus grande chaque fois que l’on fait quelque chose pour ne pas la ressentir ou pour la calmer. Il est très important de savoir que le problème n’est pas la peur mais la façon de gérer cette peur. C’est ce qui développe l’hypocondrie.

Ainsi, en prenant tout cela en compte, une façon correcte de gérer la peur de tomber malade est de l’étudier, de comprendre pourquoi elle se produit, ce qu’elle nous apporte, ce que l’on peut faire avec et, surtout, de l’accepter. Vous pouvez travailler avec un psychologue pour apprendre à gérer n’importe quelle peur, même la peur de tomber malade. Car si vous ne la gérez pas correctement, la peur de la maladie finira par dériver sur une maladie psychologique.

La façon de gérer cette peur est ce qui génère l’hypocondrie.

 


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