Hikikomori, jeunes japonais-es isolé-e-s dans leur chambre
Rédigé et vérifié par le psychologue Sergio De Dios González
Les Hikikomori sont de jeunes japonais-es qui refusent l’idée de quitter leur chambre. Dans la culture japonaise, la solitude a toujours été une valeur traditionnelle caractérisant la recherche et la sagesse relative à soi-même, à la nature et aux relations sociales. Il s’agit en quelque sorte d’une vision féodale positive mais, dans la société japonaise actuelle, la solitude constructive s’est convertie en un isolement pathologique.
À la suite de la Seconde Guerre mondiale, la société japonaise a commencé à se développer économiquement de manière frénétique, générant un rythme de travail et d’étude toujours plus exigeant et compétitif. Les jeunes reçurent une éducation de plus en plus sévère qui dégénéra en un système éducatif mettant en œuvre une discipline de fer pour acquérir les connaissances, laissant de côté les problèmes communicatifs et psychologiques des étudiant-e-s.
Les familles des Hikikomori considèrent leurs enfants comme une honte, comme quelque chose qu’il est nécessaire de cacher aux voisins et aux proches par peur du scandale et de la stigmatisation.
Face à cette pression de leur famille et de la société, les jeunes japonais-es ont développé une forme d’isolement inconnue du monde occidental : iels se sont reclu-e-s dans leurs chambres pendant des mois ou des années sans intention de revenir au monde réel.
Hikikomori, un phénomène à définir
La première personne à utiliser le terme Hikikomori fut le psychiatre japonais Tamaki Saito, dans son livre Hikikomori, Rescue Manual en 2002. Dans son ouvrage, il décrit les jeunes japonais-es qui restent enfermé-e-s dans leurs chambres comme les victimes d’un système éducatif et d’un marché du travail de plus en plus asphyxiant et compétitif. Il souligne que le problème principal est la mauvaise communication entre les parents et les enfants dans certaines familles japonaises.
La société japonaise actuelle
La société japonaise se développe depuis quelques décennies à une vitesse vertigineuse, mais depuis quelques années est apparue une crise économique dans laquelle si un individu souhaite progresser au plan social, il doit démontrer une capacité et une discipline impeccable. Beaucoup de couples ayant connu cette croissance économique n’ont eu qu’un seul enfant. Ils ont placé en cet enfant tous leurs espoirs d’une future vie meilleure et ont peut-être projeté sur lui certains désirs frustrés de leur jeunesse.
Les familles réalisent un effort économique colossal pour que les enfants puissent réussir dans le monde du travail, les inscrivant dans les meilleures écoles, avec de nombreuses activités extrascolaires, avec également un programme scolaire à la maison qui laisse un espace minuscule ou nul pour les loisirs et les relations avec leurs pairs.
Les écoles au Japon
Au Japon, les écoles ont un niveau d’éducation et un cursus très exigeant et varié. Elles reposent sur une dynamique d’examens continus, de devoirs à la maison et une forte supervision de l’enseignant-e quant à l’activité de l’élève. Dans de nombreux cas, les jeunes japonais-es font des séances intensives après l’école, lesquelles impliquent de passer leurs après-midis et leurs week-ends à l’école.
Mais pas seulement cela, des camps intensifs sont parfois organisés dans les écoles où les écolier-ère-s dorment et mangent dans les salles de classe, et sont continuellement interrogé-e-s dans diverses matières jusqu’à ce qu’iels réussissent tous les tests. Beaucoup d’entre elleux ne dorment pas s’iels n’ont pu surmonter l’ensemble des tests auxquels iels sont soumis-es.
Cependant, beaucoup d’entre elleux ne s’adaptent jamais, soit parce qu’iels ont des besoins éducatifs spéciaux, soit parce que le stress est tellement élevé qu’il provoque divers troubles psychologiques. Malheureusement, le Japon dispose d’un réseau de soins déficients pour pouvoir aider ces jeunes qui sont de plus en plus perturbé-e-s par ce rythme.
La relation avec les pairs : la concurrence, le manque de communication et le harcèlement
Beaucoup de ces enfants et adolescent-e-s commencent à voir leurs pairs avec suspicion et méfiance, et beaucoup d’entre elleux souffrent de harcèlement du fait de leurs résultats médiocres par rapport au groupe ou à d’autres aspects personnels. Les jeunes ne sont assisté-e-s par aucun-e psychologue ou éducateur-trice social-e du centre, participant à l’augmentation permanente du problème.
Par ailleurs, iels perçoivent le marché du travail non pas comme un outil destiné à satisfaire leur indépendance personnelle et pour mener à bien leurs compétences, mais comme un terrain hostile qu’iels craignent du fait de ne pas être à la hauteur et de ne pas être capable de devenir productif-ve.
Beaucoup d’entre elleux se sentent seul-e-s, stressé-e-s, isolé-e-s, pressé-e-s par leur famille et avec un avenir professionnel qui semble trop compétitif pour leurs capacités. Si nous ajoutons à tout cela l’incroyable expansion technologique que connaît le Japon, nous disposons d’un cocktail explosif prévisible : beaucoup d’entre elleux seront plus attiré-e-s par l’isolement et se créeront “une vie virtuelle”. C’est une façon de dire non à la société et à leurs familles.
Quelle solution pour les Hikikomori ?
Les familles des Hikikomori considèrent leurs enfants comme une honte, comme quelque chose qu’il est nécessaire de cacher aux voisins et aux proches par peur du scandale et de la stigmatisation. Elles pensent également que cela peut n’être qu’un problème temporaire.
Cependant, si un-e jeune reste enfermé-e dans sa chambre pendant des semaines et qu’il n’existe aucune réponse claire pour les parents, le problème a tendance à devenir chronique. Les jeunes abandonnent l’école et s’enferment dans leur chambre dans un isolement total. Iels mangent, dorment et disposent de leurs loisirs virtuels entre ces 4 murs.
Le monde leur semble mieux interagir avec les individus par le biais d’un ordinateur, en regardant des films, en lisant des magazines de manga, en jouant à des jeux vidéo, en écoutant de la musique et en dormant. Iels ont une hygiène très limitée et si, par exemple, iels doivent se couper les cheveux, iels le font elleux-mêmes. Il en est ainsi depuis des années, faisant de ce phénomène une véritable épidémie au Japon, lequel compte environ deux millions de Hikikomori dans le pays.
Les jeunes japonais-es sont victimes d’un système éducatif et d’un marché du travail de plus en plus concurrentiel.
Les autorités japonaises ont déjà mis en œuvre un plan d’intervention car il s’agit d’une grande perte générationnelle, et des recherches sont en cours pour trouver les moyens d’aider ces jeunes. Beaucoup de psychologues soulignent que la meilleure intervention est l’intervention systémique familiale, de sorte que la famille parvienne progressivement à communiquer avec le/la jeune malade et à parvenir à le/la sortir de son isolement.
L’intégration à la société doit être progressive et, dans de nombreux cas, les Hikikomori qui se sont rétabli-e-s sont celleux qui orientent et soutiennent les jeunes pour qu’iels quittent leur confinement volontaire. Le problème n’est pas celui d’une phobie sociale, d’une agoraphobie ou d’une timidité extrême, problèmes qui existent dans d’autres pays du monde ; leur approche doit donc être différente.
La solution devrait revêtir un caractère plus préventif, étant donné que la société japonaise devrait prendre note de ce problème pour abaisser le niveau d’exigence et l’isolement social que favorisent leurs écoles.
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