Evgeny Morozov et le « cyberutopisme »
Relu et approuvé par le psychologue Sergio De Dios González
Le « cyberutopisme » peut se définir comme cette tendance à voir Internet comme un espace de défense de la liberté et de lutte contre l’autoritarisme. Evgeny Morozov est un philosophe biélorusse qui s’oppose radicalement à cette idée. Son travail vise à mettre en garde contre le côté obscur du réseau et ses implications.
Morozov a étudié en détail les effets politiques, sociaux, économiques et culturels de la technologie. Il a fait des critiques acerbes dans ses ouvrages The Net Delusion et La folie du solutionnisme technologique. Aujourd’hui, c’est l’une des voix les plus critiques sur le sujet.
Depuis plus de 10 ans, le philosophe alerte sur le coût qu’aura la société numérique : atteinte à la vie privée, élections truquées, fuites de données, fake news, propagande choquante et tendancieuse, par exemple. Cependant, il est convaincu que ce n’est que le début d’un contrôle beaucoup plus grand.
«La grande technologie absorbe nos données, construit des produits basés sur celles-ci et les vend au Pentagone ou à des banques d’investissement sans que nous voyions un seul euro. C’est la vraie affaire : un modèle économique parasitaire. »
-Evgeny Morozov-
Evgeny Morozov, l’« hérétique d’Internet »
Malgré le fait qu’il soit un tweeter consacré, Morozov est connu comme l’« hérétique d’Internet » pour ses opinions critiques sur le réseau. Il fait partie des philosophes qui ont mis en avant le concept de « cyberutopisme » ou « techno-utopisme », pour avertir du fait qu’il y a beaucoup de naïveté au sein de la population quant à la véritable portée du monde virtuel.
Morozov souligne que « l’ultra-connexion » colonise peu à peu nos vies. Il indique que les géants de la technologie, comme Google, Facebook ou Twitter, ne vivent pas de la publicité comme beaucoup le pensent. Selon lui, leur business consiste à absorber des données et, à partir de celles-ci, à créer des produits qui seront ensuite proposés aux mêmes utilisateurs. En fin de compte, ces utilisateurs travaillent pour eux.
Ce penseur assure que le triomphalisme technologique est un sous-produit de la fin de la Guerre froide. Il prétend que cela nous fait croire que c’est la seule approche par laquelle nous pouvons observer le monde, comme s’il n’y avait pas de société ou de culture alternative valable, alors qu’il n’en est rien. En termes simples, la Silicon Valley est le moteur du comportement dans le monde occidental.
« Cyberutopisme » et dictatures
Evgeny Morozov n’a pas toujours vu le monde d’Internet et des nouvelles technologies de cette manière. En fait, il s’est intéressé au sujet en menant un cyberactivisme acharné, dans le but de changer le monde. Il s’est inspiré du fameux « printemps arabe » et des processus politiques en Géorgie et en Ukraine. Il a vu dans les réseaux une opportunité libertaire.
Au fil du temps, il a été déçu par le pouvoir du monde virtuel pour obtenir plus de justice et de liberté. Il s’est rendu compte que, tout comme cet espace permettait de promouvoir de nouvelles idées et propositions, c’était aussi un champ de mines dans lequel la propagande autoritaire et le mensonge se frayaient un chemin. De « dernier bastion de la liberté d’expression », Internet a fini par devenir un outil efficace pour les tyrannies, du moins dans de nombreux endroits.
La raison en est, dans une large mesure, que la plupart des gens ne comprennent pas comment fonctionne le monde virtuel. Ils utilisent quotidiennement Internet et participent aux réseaux sociaux, mais ignorent leurs conséquences et leurs implications. Les pouvoirs pensent ces technologies et les citoyens ordinaires les utilisent, sans s’en rendre compte, au profit de ces pouvoirs.
Tout peut être pire
Il est clair qu’Evgeny Morozov ne fait pas partie du groupe des philosophes optimistes. Bien au contraire. Selon lui, il y aura de plus en plus de contrôle depuis Internet et le monde finira par se diviser entre une élite cognitive minoritaire, qui connaît, crée et recrée le monde numérique, et une grande majorité de parias numériques. Ce sont ces derniers qui en paieront le prix.
Pour expliquer cette idée, il donne un exemple simple et quotidien. Une montre intelligente mesure les fonctions vitales d’une personne et accumule de nombreuses données sur son mode de vie. Cette information, entre les mains d’une compagnie d’assurance, empêchera de nombreuses personnes d’acheter l’un de ces produits ou les rendra très coûteux.
Ce n’est qu’un exemple, mais ces choses arrivent et continueront de se produire de plus en plus dans tous les domaines de la vie.
Evgeny Morozov assure que nous nous rapprochons d’un fait : de nombreux services Internet ne seront bientôt plus gratuits. Les gens paieront-ils pour utiliser les réseaux sociaux ? Bien sûr. Beaucoup les ont intégrés comme indispensables dans leur vie. C’est là qu’est l’alarme centrale : les nouvelles technologies sont un business et, comme tout business, leur principal intérêt est d’obtenir du rendement.
Toutes les sources citées ont été examinées en profondeur par notre équipe pour garantir leur qualité, leur fiabilité, leur actualité et leur validité. La bibliographie de cet article a été considérée comme fiable et précise sur le plan académique ou scientifique
- Rodríguez, I. S., & Morozov, E. (2014). Un paseo por el lado oscuro de la red: entrevista con Evgeny Morozov. Minerva: Revista del Círculo de Bellas Artes, (22), 66-71. https://dialnet.unirioja.es/servlet/articulo?codigo=4718142
- Salomon, G. (1992). The different effects of technology in the development of the mind. Journal for the Study of Education and Development, 15(58), 143-159, DOI: 10.1080/02103702.1992.10822337
- Silva Robles, C., Jiménez-Marín, G., Elías Zambrano, R. (2012). De la sociedad de la información a la sociedad digital. Web 2.0 y redes sociales en el panorama mediático actual. Revista F@ro, 15, pp. 14. https://idus.us.es/handle/11441/29116
Ce texte est fourni à des fins d'information uniquement et ne remplace pas la consultation d'un professionnel. En cas de doute, consultez votre spécialiste.