La dignité est le langage de l'estime de soi, pas de l'orgueil
Rédigé et vérifié par Psychologue Valeria Sabater
La dignité n’est pas une question d’orgueil. Il s’agit d’un bien précieux que nous ne pouvons pas mettre dans les poches d’autrui ou perdre à la légère. La dignité est synonyme d’estime de soi, de respect envers soi-même et de santé. C’est également la force qui nous tire du sol quand nos ailes sont brisées, dans l’espoir d’arriver à un point lointain où rien ne ferait de mal, où nous nous autoriserions à regarder le monde avec la tête haute.
Nous pourrions dire presque sans nous tromper que peu de mots ont autant d’importance, actuellement, que ceux qui constituent le titre de notre article. Ernesto Sábato a dit, il n’y a pas si longtemps qu’apparemment, la dignité de l’être humain n’était pas prévue dans ce monde. Nous le voyons tou-te-s au quotidien, notre société s’articule de plus en plus autour d’une structure dans laquelle nous perdons peu à peu plus de droits, plus d’opportunités, et même plus de libertés.
“Au-delà de la douleur et de la joie, on retrouve la dignité d’être.”
-Marguerite Yourcenar-
Cependant, et il est intéressant de bien le garder à l’esprit, beaucoup de philosophes, sociologues, psychologues et écrivain-e-s essayent de nous offrir des stratégies pour donner vie à ce qu’iels appellent “l’ère de la dignité”. Iels considèrent que le moment est venu de se définir, d’avoir une voix et de travailler sur nos forces personnelles pour trouver une plus grande satisfaction dans nos environnements les plus proches et ainsi créer un changement pertinent dans cette société de moins en moins égalitaire.
Des personnalités comme Robert W. Fuller, physicien, diplomate et éducateur, ont créé un terme que nous allons sans doute commencer à écouter plus fréquemment. Il s’agit du “rankism”. Ce terme comprend toutes les conduites qui, au quotidien, rongent notre dignité : être intimidé-e-s par de tierces personnes (conjoints, chef-fe-s, collègues), être victimes de harcèlement, de sexisme et, surtout, de la hiérarchie sociale.
Nous avons tou-te-s ressenti, à un moment de notre vie, cette sensation d’être en train de perdre notre dignité. Que ce soit à cause d’une relation abusive ou d’un travail difficile et mal payé. Ces situations ont un grand coût personnel. Exiger un changement, prendre position en notre faveur et lutter pour nos droits ne sera jamais un acte d’orgueil mais plutôt de courage.
La dignité dans l’oeuvre de Kazuo Ishiguro
Il y a peu de temps, nous nous sommes réveillé-e-s avec une bonne nouvelle : l’écrivain britannique d’origine japonais Kazuo Ishiguro allait recevoir le prix Nobel de littérature cette année. Le grand public le connaît surtout pour l’un de ses romans, Les vestiges du jour, une oeuvre qui fut portée au cinéma de manière exceptionnelle. Le plus curieux dans tout cela étant que tout le monde ne comprend pas quel est le thème central de ce livre si méticuleux, parfois désespérant mais toujours magnifique.
Nous pourrions penser que Les vestiges du jour nous parle d’une histoire d’amour. D’un amour lâche et de murailles, de ceux qui ne laissent jamais les amant-e-s se toucher et qui fait que leurs pupilles se perdent au loin mais jamais dans les yeux de la personne qu’iels aiment. Nous pouvons aussi déduire que ce livre est l’histoire d’une maison et de ses habitant-e-s, des maître-se-s et des servante-s, et de la façon dont un noble, Lord Darlington, rechercha l’amitié des nazis devant la passivité de son majordome qui voyait son maître trahir sa patrie.
Nous pourrions dire ceci, oui, et beaucoup d’autres choses, car c’est là que réside la magie des livres. Cependant, Les vestiges du jour parle de la dignité. De la dignité du personnage qui sert de narrateur et également de personnage principal de l’histoire, monsieur Stevens, majordome de Darlington Hall.
Tout le roman est un pur mécanisme de défense, un essai de justification continue. Nous nous trouvons face à une personne qui se sent digne et honorée du travail qu’elle effectue, mais un tel travail n’est rien d’autre que le reflet de la servitude la plus cruelle et absolue, là où il n’y a aucune place pour la réflexion, le doute, la reconnaissance des émotions et encore moins pour l’amour.
Cependant, il arrive un moment où l’image du “grand majordome” se brise. Lors d’un dîner, l’un des hôtes de Lord Darlington pose une série de questions à monsieur Stevens pour prouver l’ignorance totale des classes populaires. Une attaque directe à son “moi” qui fait s’écarter le majordome pour laisser place à l’homme blessé qui n’a jamais ressenti de dignité et qui vivait sous une carapace. L’homme qui a laissé s’échapper le véritable amour pour servir les autres.
Récupérer et renforcer notre dignité
Il est sans doute curieux de voir à quel point l’observateur-trice externe et même le/la lecteur-trice qui lit, page après page, des livres comme Les vestiges du jour, sait immédiatement que telle personne est manipulée et qu’elle tisse un mensonge laborieux pour justifier chaque acte qui serait, à nos yeux, inexplicable. Cependant, nous-mêmes pouvons être en train de tisser des choses semblables à celles du majordome de Darlington Hall.
“La dignité ne consiste pas en des honneurs. Elle consiste à reconnaître que nous méritons ce que nous avons.”
-Aristote-
Il se peut que vous soyez en train de tout donner pour cet amour, pour cette relation douloureuse, toxique et même usante. Parfois, nous aimons les yeux fermés et le cœur ouvert, sans percevoir que toute notre estime de nous-même disparaît petit à petit avec ce lien. Il se peut aussi que nous continuions depuis longtemps ce travail mal payé, ce travail pour lequel nous ne recevons pas de considération, qui nous prend notre vie et notre dignité… mais que peut-on y faire, les temps sont ainsi et il vaudra toujours mieux supporter une mauvaise situation qu’avoir un compte en banque vide.
Nous devons nous réveiller. Nous le disions au début, ce doit être “l’ère de la dignité”, celle où nous devons tou-te-s nous souvenir de notre valeur, de notre force, de notre droit à avoir une vie meilleure. Nous devons nous rappeler que nous méritons ce que nous souhaitons et ce dont nous avons besoin. Le dire à voix haute, fixer des limites, fermer des portes pour en ouvrir d’autres et nous définir face aux autres n’est pas un acte d’orgueil ou d’égoïsme.
Évitons de perdre notre individualité, cessons de justifier ce qui est injustifiable et évitons de rentrer dans cet engrenage qui éteint, jour après jour, nos vertus et nos merveilleuses personnalités. Apprenons par conséquent à cesser d’être les sujets du malheur pour créer notre vie de nos propres mains, avec notre propre volonté.
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