Autobiographie numérique : quand votre téléphone sait tout de vous

Il vous observe. Il analyse ce que vous dites et comment vous réagissez. Il sait où vous êtes, quel est l'état de votre santé et les photos que vous prenez. Les téléphones portables compilent toute une autobiographie de nous, qu'ils revendent ensuite à de grandes entreprises pour en tirer un profit financier...
Autobiographie numérique : quand votre téléphone sait tout de vous
Valeria Sabater

Rédigé et vérifié par Psychologue Valeria Sabater.

Dernière mise à jour : 15 novembre, 2021

Il y a quelqu’un qui vous connaît aussi bien que vous vous connaissez vous-même. Il s’agit évidemment de votre téléphone portable. Chaque jour, à chaque rencontre, à chaque like, photo ou conversation, il crée une véritable autobiographie numérique de votre personne. Il forme ainsi une sorte de boîte noire sur votre vie.

Vous ne le réalisez peut être pas, mais cet appareil qui est souvent une extension de votre propre personne pourrait vous dire des choses sur vous qui vous feraient certainement rougir. Lorsque nous téléchargeons une application, notre réalité change et nous n’en sommes pas toujours conscients.

Tout ce que nous sommes et ce que nous faisons sera enregistré par des algorithmes finement réglés. Ces programmes n’ont qu’un seul but : monétiser et faire du profit.

Notre vie quotidienne est enregistrée et traitée de manière très sophistiquée. Nous sommes en permanence lus, observés et analysés et des conclusions sont ainsi tirées sur qui nous sommes. Ce n’est pas là l’intrigue d’un film d’horreur, c’est bien une réalité qui se déroule à chaque seconde.

Un téléphone sur une main.

L’autobiographie numérique et la façon dont nos téléphones portables obtiennent des informations sur nous

Dès que nous achetons un téléphone portable et que nous nous connectons à Google, une dimension parallèle et invisible s’ouvre alors devant nous. Nous ne le remarquons cependant pas. Nous ne nous en apercevons pas.

Or, à partir de ce moment-là, toute une “armée d’espions” commence à enregistrer tout ce que nous faisons. Le pire c’est que nous leur donnons la permission de le faire. En effet, en échange de l’utilisation de toutes ces applications gratuites, nous leur vendons nos données en acceptant leur surveillance camouflée et le traitement de nos données privées.

Des travaux de recherche, tels que ceux menés dans le département d’informatique de l’université de Southampton, au Royaume-Uni, nous mettent sur la piste d’un élément important. Les lignes directrices et les approches existantes en matière de protection de la vie privée dans ces contrats sont souvent inadéquates et incomplètes.

Il existe en effet des aspects dont nous ne sommes pas informés. Ce qui est compliqué, c’est qu’il y a de plus en plus d’applis qui cherchent à capter nos données. De plus, on a de plus en plus de mal de se passer de ces applis qui nous permettent de gérer notre quotidien.

Le life logging ou le mécanisme de recueil des données vitales

On appelle ça le “life logging“. Il s’agit d’enregistrer des données personnelles sur nos activités vitales quotidiennes. Et ce, grâce à nos appareils connectés.

On parle ici d’un processus méthodique, continu et très sophistiqué qui consiste à enregistrer tout ce que l’on fait. Et même ce que l’on ne fait pas. Ces espions numériques obtiennent des données par le biais de chaque application. De plus, ils le font 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

Comme nous l’avons souligné il y a un instant, ce type d’applications connaît un essor considérable. Ce sont elles qui dessinent les grandes lignes de notre autobiographie numérique. Mais comment le font-elles ?

  • Pensons par exemple à une smartwatch qui enregistre nos mouvements et notre mode de vie. Elle sait combien d’heures nous dormons, quelles sont nos habitudes alimentaires. Elle connaît notre rythme cardiaque, l’état de notre cœur et même les messages que nous envoyons.
  • Nous avons également des applications qui aident les femmes à enregistrer leurs périodes menstruelles ou à connaître leurs jours de fertilité pour les aider à tomber enceinte.
  • Il existe aussi des applications qui suivent nos humeurs et nous donnent des conseils pour nous sentir mieux.
  • Il existe également des applications qui servent d’agenda personnel, qui nous aident à faire notre liste de courses ou qui nous rappellent nos rendez-vous médicaux.
  • N’oublions pas non plus le suivi GPS de nos mobiles et l’enregistrement de nos localisations.
  • Google stocke également nos photos. La plupart des téléphones portables sont dotés de programmes d’usine que nous ne pouvons pas supprimer et qui enregistrent automatiquement nos photos personnelles dans ce nuage virtuel.

Les réseaux sociaux et notre autobiographie numérique

Les applications mobiles sont les capteurs les plus voraces de nos données personnelles quotidiennes de ce life logging. Cependant, nous ne pouvons pas ignorer les champions toutes catégories de ce marketing des données. Il s’agit évidemment des réseaux sociaux.

Par exemple, la plupart d’entre nous ont remarqué la manière dont Facebook nous rappelle régulièrement certains moments du passé. Toutes nos expériences, interactions, informations partagées ou pensées publiées sont enregistrées par ces grandes entreprises. Il en va de même chez Instagram, Twitter ou tout autre réseau social.

Chaque photo téléchargée ou donnée publiée est capturée, enregistrée en quelques millisecondes. Elle est ensuite stockée dans de grands data centers, cachés dans les endroits les plus inattendus de notre planète.

Il y a un autre fait qui est pour le moins intéressant. Notre autobiographie numérique demeure au-delà même de la mort. Des entreprises comme Microsoft, par exemple, ont créé un chatbot capable de recréer la vie d’une personne décédée à partir de ses publications sur les réseaux sociaux…

Une femme sur son téléphone.

Les risques liés au stockage de toutes nos données personnelles

Il est vrai que, dans de nombreux cas, ces rappels sur Facebook à propos de ce que nous avons vécu il y a quelques années éveillent une émotion positive en nous. Il est également vrai que nous ne pouvons plus concevoir notre vie quotidienne sans ces outils complémentaires.

Notre téléphone portable est devenu une véritable extension de notre corps qui nous rend la vie plus facile, plus productive et même plus agréable. Cependant, tous ces bénéfices ont un prix et même un revers.

Une partie de cette autobiographie numérique n’est jamais vraiment la nôtre. Nous ne sommes que des produits de consommation. Il existe derrière nous une intelligence artificielle qui nous étudie et tente même de prédire notre comportement. Et tout cela est orienté à des fins économiques.

Enfin, n’oublions pas que ces données privées sont également exposées. Le vol de données privées existe afin de faire chanter leurs victimes. Il y a aussi un risque de politiques de dénigrement.

Nous sommes sans doute confrontés à une réalité très complexe qui, pour l’instant, n’est ni légiférée ni réglementée. Pendant ce temps, nous continuons à faire partie de cette “matrice” parce que nous ne pouvons tout simplement pas concevoir un autre mode de vie.


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  • Ferdous, Md. Sadek & Chowdhury, Soumyadeb & Jose, Joemon. (2017). Analysing Privacy in Visual Lifelogging. Pervasive and Mobile Computing. 40. 10.1016/j.pmcj.2017.03.003.

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