Pourquoi nous trompons-nous lorsque nous utilisons l'expression "amour platonique"?

Pourquoi nous trompons-nous lorsque nous utilisons l'expression "amour platonique"?
Gema Sánchez Cuevas

Rédigé et vérifié par Psychologue Gema Sánchez Cuevas.

Dernière mise à jour : 02 septembre, 2020

Nous avons tous entendu ou utilisé l’expression “amour platonique”. Pour parler d’une personne inatteignable. Envers laquelle nous ressentons des sentiments romantiques. Un sentiment d’amour non-partagé que l’on idéalise. Mais quel est réellement le lien entre ce type d’amour et Platon ? Platon parlait-il de cet “amour platonique” que nous utilisons aujourd’hui ?

La réponse est non. Platon n’a jamais dit que son concept d’amour faisait référence à une personne inatteignable. Nous avons nous-mêmes créé une variation du concept d’amour platonique. L’évolution du terme est compréhensible. Or, il est important de savoir différencier l’amour platonique moderne de l’amour dont parlait Platon. Approfondissons ce point.

Le concept d’amour dans Le Banquet de Platon

Dans Le Banquet, l’un de ses dialogues les plus appréciés pour son contenu philosophique et littéraire, le philosophe grec parle du thème de l’amour -dans la bouche de Socrate, comme toujours-. Cette oeuvre met en scène un banquet où chacun des invités réalise un discours sur l’amour. Ces discours vont du plus superficiel au plus profond -celui de Socrate-. Il est le véritable représentant de la pensée de Platon.

Platon et amour platonique

Phèdre, le premier à parler, signale qu’Éros -dieu grec de l’amour- est le dieu le plus ancien. Il représente une force inspiratrice pour réaliser de grandes actions. En effet, il affirme que l’amour est ce qui nous donne le courage d’être de meilleures personnes.

Pausanias, plus profond, parle de deux types d’amour. L’amour charnel et l’amour céleste. L’un est plus physique et superficiel. L’autre davantage relié à la perfection morale.

Aristophane a une conception mythologique de l’homme. Il raconte qu’au début, il y avait trois types d’êtres: les hommes, les femmes et les androgynes. Ces derniers ont fini par conspirer contre les dieux et, pour les punir, Zeus les a divisés en deux. À partir de cet instant, les êtres humains se sont mis à chercher leur autre moitié -c’est de là qu’est né le mythe de l’âme sœur-, certains penchant pour l’homosexualité et d’autres pour l’hétérosexualité, en fonction de leur état primitif. Tous sont partis en quête de cette moitié dont ils ont été séparés.

Enfin, Socrate parle de l’amour comme étant la force pour contempler la plus pure et la plus idéale des beautés.

L’amour pour Platon

Comme nous l’avons mentionné plus tôt, le personnage de Socrate représente la pensée de PlatonNous savons donc que l’apport de Socrate dans Le Banquet représente la conception de l’amour de Platon.

Platon, comme dans toute sa philosophie, différencie le monde des idées et le monde sensoriel. La connaissance la plus pure se trouve dans le monde des idées. En revanche, la connaissance du monde sensoriel est une connaissance imparfaite, qui imite le monde parfait des idées.

La même chose se passe avec l’amour. L’amour platonique est éloigné du monde physique. Il part en quête de la beauté. L’amour de la beauté en soi est compris comme le concept suprême de l’amour. Nous le retrouverions dans le monde des idées. Connaître la beauté dans toute sa splendeur est le but de l’amour. Par conséquent, la beauté comme concept pur et abstrait est le sens que Platon donne à l’amour. Un amour de contemplation et d’admiration.

L’amour platonique

Platon parlait de l’amour de la sagesse comme le concept le plus pur et parfait qui soit. L’amour platonique ne correspond donc pas à l’idéalisation d’une personne: il cherche à atteindre la sagesse, un type de beauté spirituelle.

coeurs

On peut donc comprendre pourquoi, avec le temps, le concept d’amour platonique a pu dériver vers cette définition. Définition d’idéal et d’inatteignable. Pour Platon, le chemin qui doit être parcouru pour atteindre cette beauté et pouvoir parler de l’amour dans toute sa splendeur est un chemin ardu à travers la connaissance.

Ce chemin part de l’amour de la beauté corporelle comme idéal esthétique, passe par la beauté des âmes jusqu’à l’amour des connaissances et arrive enfin à la connaissance de la beauté en soi. Platon dit:

“Beauté éternelle, qui ne naît ni ne meurt, qui ne souffre aucune augmentation ni diminution, beauté qui n’est point belle d’un point de vue et laide d’un autre, belle en un temps laide en un autre, belle sous un rapport laide sous un autre, belle quelque part laide ailleurs, belle pour les uns laide pour les autres ; beauté qui ne se présentera pas à ses yeux comme un visage, des mains ou une forme corporelle, mais pas non plus comme une démonstration, une connaissance, pas comme quelque chose qui existe en autrui, par exemple dans un animal, la terre, le ciel ou autre chose ; beauté qui au contraire existe en elle-même et par elle-même, simple et éternelle”

Enfin, aussi curieux que cela puisse paraître, l’expression “amour platonique” a été utilisée pour la première fois au XVème siècle par Marsile Ficin. En effet ,ce dernier a fait référence à l’amour pour l’intelligence et la beauté du caractère d’une personne. Elle s’est popularisée plus tard après la publication de l’oeuvre Platonic Lovers du poète et dramaturge anglais William Davenant, qui partageait la conception de l’amour de Platon.


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