L'illusion de transparence : je vais mal et vous ne vous en apercevez pas
Rédigé et vérifié par Psychologue Valeria Sabater
De nombreuses personnes souffrent de l’illusion de transparence. Elles pensent que toutes leurs tristesses, leurs émotions et leur désespoir sont visibles à l’œil nu et que les autres ne peuvent que les deviner, se rendant compte en une seconde de leurs besoins. Nous ne sommes toutefois pas toujours un livre ouvert et, par conséquent, si nous avons réellement besoin de quelque chose, nous n’avons pas d’autre choix que d’être assertif.
Il se peut que nous connaissions largement ce phénomène. En réalité, la plupart d’entre nous l’avons expérimenté personnellement de manières multiples et variées. Par exemple, lorsque nous parlons en public, il est habituel de se dire à soi-même que “tout le monde voit à quel point je suis nerveux”, alors qu’en réalité, le public n’a perçu que notre solidité dans l’art oratoire et notre assurance.
“L’illusion de transparence nous dit qu’il existe des personnes capables de croire que leurs états internes sont évidents pour les autres, qu’ils sont des miroirs qui montrent parfaitement ce qu’elles ressentent …”
Nous ne sommes pas tous aussi transparents que nous le croyons, plus encore, nos univers internes ne sont pas toujours des écrans de télévision ou des miroirs qui reflètent le chaos émotionnel qui nous saisit parfois. Cela ne devrait néanmoins pas nous désespérer ou nous mettre en colère. Les autres n’ont pas l’obligation de scruter quotidiennement nos visages pour “deviner” si nous allons biens ou mal.
L’idéal et salutaire est que nous soyons en mesure de commenter naturellement le fait que “nous avons eu une mauvaise journée aujourd’hui”. Cependant, certaines personnes en arrivent à se mettre en colère, à se sentir rabaissées si les autres ne sont pas capables de lire en eux ce qui se passe…
L’illusion de transparence : regarde comme je souffre !
Carlos et Eva vont fêter leur anniversaire ce soir, cela fait deux ans qu’ils sont en couple, et ont réservé une table dans un bon restaurant. Cependant, au moment où ils sont sur le point de s’y rendre, Eva se rend compte que Carlos est dans la salle de bain depuis longtemps. Inquiète, elle frappe à la porte et lui demande si il va bien. Quelques secondes plus tard, il sort et lui dit qu’il ne veut pas aller dîner, qu’il n’en a pas envie.
Eve, inquiète, lui demande ce qui se passe. Après beaucoup d’hésitations et de réticences, son conjoint lui indique qu’il ne se sent pas bien, qu’il n’a pas le courage de célébrer l’anniversaire car il ne croit pas que la relation se passe bien dans la mesure où elle ne se rend jamais compte de ce qui lui arrive. Eva, déconcertée, presque angoissée, lui demande alors ce qui lui arrive. “Les choses ne vont pas bien au travail. Et il est possible que je sois licencié, je vis une situation angoissante depuis deux jours et tu ne l’as même pas remarqué”.
La réponse d’Eva après avoir écouté cela est simple : “Mais, pourquoi ne m’as-tu rien dit ?”. Cette situation, aussi frappante soit-elle, est plus commune que nous pourrions l’imaginer. Il se trouve ici non seulement un problème évident de communication, il existe un biais cognitif dangereux qui nous incite à croire que les autres peuvent discerner nos états émotionnels simplement en nous regardant, comme si nous disposions d’un radar, d’un détecteur de problèmes infaillible.
Continuons avec l’exemple de Carlos, une personne ayant traîné ses préoccupations dans la solitude pendant plusieurs jours avec une évidente illusion de transparence. Son angoisse émotionnelle était si présente en lui qu’il supposait que son conjoint la discernerait également, et cela, pour autant que nous nous y efforçons, n’arrive pas toujours.
“Toutes les personnes ne donnent pas d’indices clairs sur ce qui leur arrive. Plus encore, il existe des personnes qui accumulent encore plus de tension et d’angoisse lorsqu’elles perçoivent que les autres ne se rendent pas compte à quel point elles se sentent mal, ne parviennent pas à lire sur leurs visages l’origine de leurs malheurs.”
Nous ne sommes pas un miroir, si nous voulons ou avons besoin de quelque chose apprenons à le dire
Nous savons que l’empathie, le langage non verbal ou ce lien que nous avons avec les personnes que nous aimons nous permet de remarquer chez les autres des besoins ou réalités internes qui ne sont pas nécessaires d’être exprimés avec des mots. Cela peut néanmoins échouer parfois et ce pour des raisons très différentes.
Nous pouvons lire une émotion, mais non un problème sous-jacent. Nous pouvons demander “qu’est-ce qui t’arrive” et recevoir en réponse un “rien”. A l’illusion de transparence s’ajoute, dans de nombreux cas, le manque d’efficacité communicative et l’immaturité émotionnelle. Il s’agit là de chevaux de Troie qui sont souvent installés dans des relations affectives et que nous devons apprendre à gérer, à gouverner avec solidité et maturité.
Comment travailler notre illusion de transparence
Il est important de souligner que tout le monde, dans une plus ou moins grande mesure, peut appliquer l’illusion de transparence dans son quotidien et de manière très variée. Lorsqu’il s’agit des relations de couple cela correspond à une dynamique commune dans la mesure où d’une certaine manière “nous avons besoin que l’autre personne devine” ce qui nous arrive, ce qui nous manque, ce dont nous avons besoin.
Nous voulons une union si intime que nous oublions que l’amour ne donne pas de pouvoirs psychiques, ni mentaux ni surnaturels. Nous ne pouvons pas deviner tout ce que l’autre pense et ressent. Par conséquent, nous devrions prendre en compte ces considérations.
- Nous ne devrions pas supposer que l’autre personne a “l’obligation” de savoir ce qui nous arrive à chaque instant.
- Une relation affective de qualité est basée sur l’affirmation de soi, sur la capacité d’exprimer ouvertement ce que nous ressentons, ce dont nous avons besoin, ce qui nous dérange ou ce qui nous blesse.
- Nous ne sommes pas aussi transparentes que nous le pensons, et nos conjoints ne sont pas toujours à même de deviner nos états émotionnels. Parfois, la routine et le travail font que nous ne sommes pas aussi rendent pas si “attentif” mais cela ne signifie pas que nous ne sommes pas intéressés ou que nous aimons moins.
- Toute préoccupation doit être exprimée et communiquée au moment présent. Ce que nous gardons pour nous aujourd’hui amplifiera à l’avenir et deviendra plus problématique.
En conclusion, dans la mesure où il est fort possible que ces situations nous soient familières, n’hésitons pas à travailler sur ces aspects et à réduire autant que possible les biais cognitifs communs tels que l’illusion de transparence.
Ce texte est fourni à des fins d'information uniquement et ne remplace pas la consultation d'un professionnel. En cas de doute, consultez votre spécialiste.