L'étude de Tuskegee et les bases de la bioéthique
Relu et approuvé par Psychologue Gema Sánchez Cuevas
L’étude de Tuskegee est l’une de ces histoires vraies où les méchants semblent tout droit tirés d’une imagination malsaine. Cette histoire a aussi son propre héros, Peter Buxtun, qui a démontré une vérité inspirante : il suffit parfois qu’un seul homme décide d’agir correctement pour que tout change.
Pour beaucoup, l’étude de Tuskegee est la plus longue et la plus infâme de toute l’histoire des Etats-Unis. Il s’agit d’une expérience avec des humains, qui a duré 40 ans. Elle a commencé en 1932 et s’est achevée en 1972. Entre autres choses, cette étude prouve que les nazis n’ont pas été les seuls ou les premiers à prendre les êtres humains pour objets d’étude dans des laboratoires.
L’étude de Tuskegee a marqué un tournant dans la bioéthique. Avant de la découvrir, tout un cadre légal avait déjà été créé pour protéger les personnes qui faisaient l’objet d’une étude scientifique. Cependant, quand le scandale de cette expérience a éclaté, ces normes se sont durcies et les mesures de précaution ont augmenté.
L’étude de Tuskegee
L’étude de Tuskegee a commencé en 1932 et prétendait initialement étudier les effets de la syphilis sur les personnes infectées par cette maladie. On en savait alors très peu sur cette infection et les traitements disponibles n’étaient que peu nombreux et peu efficaces.
Le docteur Taliaferro Clark, membre de la section des maladies vénériennes du Service de Santé Publique des Etats-Unis à Tuskegee (Alabama), a donc décidé d’observer l’évolution de la maladie sur des individus infectés et non traités. Le groupe d’individus qu’il allait observer, pendant six ou huit mois, se composait de paysans noirs, pauvres et majoritairement analphabètes.
D’autres médecins prestigieux de l’époque sont venus se greffer à l’étude de Clark. Au début, 399 hommes infectés et 240 sains ont été recrutés ; ces derniers allaient servir de groupe de contrôle dans cette expérience avec des personnes.
Tout a commencé à fonctionner comme prévu mais, un an après, le docteur Clark s’est retiré de l’équipe de recherche car il n’était pas d’accord avec la forme que prenait cette étude.
Les failles de l’expérience
Dès le début de l’étude de Tuskegee, il y a eu des procédés douteux sur le plan éthique. Pour commencer, les sujets étudiés ne connaissaient pas les détails de la recherche : cela veut dire qu’ils n’étaient pas informés de ce qu’on allait étudier chez eux, ni à travers quelle méthode. En d’autres termes, il n’y avait pas de consentement informé.
Ces personnes n’ont pas non plus reçu de diagnostic ; on leur a simplement dit qu’elles avaient du “mauvais sang”, une expression générique laissant la voie libre à diverses interprétations. On les a motivées à participer à cette étude en leur promettant un traitement médical gratuit, un transport sans coût vers la clinique, de la nourriture et une prise en charge des frais d’obsèques en cas de décès.
Dans la pratique, on a seulement laissé la maladie évoluer et observé ses effets sur l’organisme. Au final, 600 personnes ont été étudiées. L’un des points les plus contestables a été le fait que, dans les années 40, la science a trouvé que la pénicilline était efficace contre la syphilis, mais les chercheurs ont refusé de donner ce médicament aux malades.
Par ailleurs, on a invité les “volontaires” à tester un procédé avec le message suivant : “Dernière opportunité pour un traitement spécial et gratuit”. Il s’agissait en réalité de ponctions lombaires, c’est-à-dire une prise d’échantillons au lieu d’un traitement. L’un des responsables a félicité son collègue pour ce message et a loué sa capacité à mentir.
Un héros et la fin d’une tragédie
Le docteur Peter Buxtun était arrivé aux Etats-Unis alors qu’il n’était qu’un bébé. Sa famille avait fui la Tchécoslovaquie par peur des nazis. En 1966, il était déjà chercheur dans le domaine des maladies vénériennes à San Francisco. Cette même année, il a envoyé un courrier aux responsables de l’étude de Tuskegee en faisant part de ses sérieuses préoccupations quant à la morale de cette étude.
Buxtun n’a pas obtenu de réponse mais a continué à poursuivre sa lutte solitaire au cours des huit années qui ont suivi. Voyant qu’il ne parvenait à aucun résultat, il a décidé de faire appel à la presse. La nouvelle est d’abord sortie dans le Washington Star puis a fait la une du New York Times le lendemain. Les dénonciations étaient si graves qu’il a suffi d’une journée pour mettre fin à l’étude de Tuskegee.
Le jour où elle s’est terminée, 28 “volontaires” avaient succombé à la maladie ; cent autres avaient une faible qualité de vie à cause des complications apparues. Le plus grave est que 40 épouses avaient été contaminées et que 19 enfants étaient nés avec une syphilis congénitale.
En 1997, le président Bill Clinton a publiquement demandé pardon aux personnes touchées. Cette expérience a miné la confiance de nombreux Américains dans les services de santé publique.
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Cañizo Fernández-Roldán, A. D. El experimento Tuskegee/Miss Ever’s Boys (1997). Estudio de la evolución de la sífilis en pacientes negros no tratados.
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