Est-il possible d'effacer des souvenirs douloureux ?

Avez-vous en mémoire un événement douloureux ou traumatisant ? Si c'est le cas, aimeriez-vous que ce souvenir soit complètement effacé de votre cerveau ? La science a découvert le mécanisme qui permet d'y parvenir, mais quelle est l'étape suivante ?
Est-il possible d'effacer des souvenirs douloureux ?
Valeria Sabater

Rédigé et vérifié par Psychologue Valeria Sabater.

Dernière mise à jour : 24 mars, 2023

Chacun de nous abrite dans son univers mental certaines images dont nous ne voulons pas nous souvenir. Ce sont des territoires minés pour la souffrance, pour cette douleur que nous ne voulons plus revivre. Les souvenirs traumatisants sont un élément commun dans l’atlas du cerveau humain et, aussi, à l’origine de nombreux troubles.

Plus d’une fois on se sera dit que ce serait fabuleux d’appuyer sur un bouton de suppression et d’éliminer ce qui dérange, ce qui nuit au bien-être. Car s’il est vrai qu’on nous dit souvent “qu’on peut aussi apprendre du mal” et que “les adversités nous rendent plus forts”, il y a des expériences qui ne sont que ça : de la douleur. Des faits que nous avons préféré éviter.

Ainsi, ce que nous savons du domaine de la psychologie et des neurosciences, c’est qu’il n’est pas toujours facile d’intégrer un souvenir traumatique. Nous les supprimons, nous les déplaçons, nous les cachons sous les tapis profonds de notre esprit. Et ces ressources ne sont pas très utiles, car les problèmes de santé mentale apparaissent à long terme.

Cela explique pourquoi l’un des objectifs de la science depuis des années est d’effacer ces souvenirs douloureux. En fait, nous savons déjà quels processus neuronaux seraient impliqués à cette fin.

Être capable d’oublier est le fondement de la santé mentale. Se souvenir sans cesse mène à l’obsession et à la folie.

-Jack London-

Esprit avec cerveau illuminé symbolisant la voie neuronale qui efface les souvenirs
L’hippocampe est la région chargée d’établir les souvenirs.

La voie neuronale qui efface les souvenirs

Le Laboratoire européen de biologie moléculaire (EMBL) en Italie a fait une découverte révélatrice qu’il a publiée dans la revue Nature. Jusqu’à présent, on savait que l’hippocampe est cette région clé du traitement de la mémoire. Ce qui n’était pas clair, c’est par quels mécanismes la mémoire est établie et certaines informations sont effacées.

Il est important de garder à l’esprit que, s’il y a une activité que le cerveau effectue constamment, c’est qu’il supprime des informations. Nous devons oublier de nous souvenir et cela maximise l’efficacité cognitive. Par exemple, lorsque nous acquérons des apprentissages et enregistrons de nouvelles informations, il est nécessaire de supprimer les précédentes pour maintenir des approches mentales à jour.

De même, pour gagner en agilité mentale, il est prioritaire de se débarrasser de tout cet enchevêtrement de données, de sensations, de faits et de conversations quotidiennes sans importance. Eh bien, l’un des objectifs de la science était de comprendre les mécanismes cellulaires qui sous-tendent cette tâche décisive qui est d’effacer ou d’oublier l’information.

Le récepteur Npy1 dans le gyrus denté de l’hippocampe pourrait être la clé pour favoriser l’effacement sélectif de la mémoire.

Le gyrus denté et ses cellules granulaires

L’exploration menée dans ce laboratoire italien a découvert quelque chose. L’hippocampe contient trois circuits neuronaux : le gyrus denté et les zones CA3 et CA1. Ces régions sont ce qui, par le biais de connexions synaptiques, rend une mémoire forte ou faible.

Les chercheurs ont mené diverses expériences de génie génétique sur de telles structures. Cela leur a permis d’inhiber plus facilement les cellules granulaires dans le gyrus denté chez les souris. Ce faisant, les animaux ont oublié un apprentissage établi de longue date. Les résultats ne pourraient pas être plus frappants.

La voie neuronale qui efface les souvenirs est celle du gyrus denté et, plus précisément, du récepteur cellulaire Npy1. Lorsque les scientifiques ont développé un peptide synthétique qui stimulait ce récepteur, une perte de mémoire induite s’est produite.

Quelle finalité thérapeutique auraient les informations sur la voie neuronale qui efface les souvenirs ?

Ces données nous paraissent aussi révélatrices qu’intéressantes. Cependant, la question que nous nous posons maintenant est la suivante : quelles applications thérapeutiques cette découverte peut-elle avoir ? Les responsables de ce travail stipulent une idée. Dans le futur, nous pourrions concevoir un médicament qui, en activant les récepteurs Npy1, supprimerait certains souvenirs traumatisants.

Les patients souffrant de trouble de stress post-traumatique prendraient ce médicament psychoactif. Plus tard, grâce à la réalité virtuelle, ils seraient exposés à l’événement indésirable pour effacer progressivement ledit souvenir ou empreinte émotionnelle indésirable. Ce serait le but.

Cependant, oui, nous sommes face à un mécanisme très complexe. Concevoir une substance synthétique capable de réaliser ce mécanisme dans des modèles humains est une étape délicate et difficile.

Cerveau d'un enfant éclairé pensant à la voie neuronale qui efface les souvenirs
Bien que la plupart d’entre nous aimeraient effacer des souvenirs douloureux, ces événements font partie de notre histoire et de ce que nous sommes.

À l’heure actuelle, il n’est pas encore possible d’effacer les souvenirs

Il est vrai que nous connaissons déjà une voie neuronale qui efface les souvenirs. Cependant, les tentatives menées à cet effet sont, pour le moment, infructueuses. En 2020, le Leuven Brain Institute (Belgique) a publié une étude sur le sujet. Leur objectif était de reproduire d’autres recherches (Schiller et al, 2010) qui semblent avoir été couronnées de succès.

Mais cela n’a pas pu être fait. Après quatre ans d’efforts, il s’est avéré impossible d’obtenir un effet d’effacement de la mémoire. La science est prudente à cet égard et sait que l’objectif sera très lent et méticuleux. Il n’y a aucune base solide pour qu’une telle stratégie soit jamais réalisée, mais il est clair que de nombreuses personnes sont engagées dans un voyage neurologique aussi ardu.

Les souvenirs douloureux doivent être traités en psychothérapie pour apprendre à vivre avec eux sans se blesser. Les supprimer, c’est éliminer une partie de notre histoire et de ce que nous sommes.

Réflexion finale : l’oubli permettrait-il de mieux vivre ?

Nous aimerions tous avoir une vie complètement à l’abri de la douleur et de l’adversité. Cependant, c’est une imagerie totalement impossible et, d’une certaine manière, chacun de nous devra vivre une expérience difficile à un moment donné. Nous le ferons du mieux que nous pourrons, avec les stratégies, les outils et les expériences que nous avons.

Les souvenirs douloureux constituent ce que nous appelons la mémoire épisodique. Ce sont aussi les briques qui construisent l’histoire personnelle et, à leur tour, une bonne partie de notre conscience. Bien que nous connaissions la voie neuronale qui efface les souvenirs, nous ne savons pas quels effets cela aurait. Éliminer ce trou noir de notre mémoire diluerait également une partie de qui nous sommes.

Les expériences d’hier qui nous ont blessées servent à nous remettre en question, à prendre de nouvelles décisions et de nouvelles voies. Au lieu de les effacer, le plus approprié dans tous les cas est de les affronter et de leur faire moins mal. Vous devez les transformer en cicatrices qui ne piquent plus au toucher, en plaies cicatrisées qui n’abritent pas de douleur à l’intérieur. Juste accepter, juste vouloir continuer à avancer.


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