Comment la morale sociale peut-elle contribuer à normaliser la violence ?

Comment la morale sociale peut-elle contribuer à normaliser la violence ?
Gema Sánchez Cuevas

Rédigé et vérifié par Psychologue Gema Sánchez Cuevas.

Dernière mise à jour : 26 février, 2018

La morale sociale est le degré selon lequel les personnes se conforment aux préceptes de la morale établie socialement. La morale est l’ensemble de normes et de valeurs que les personnes doivent suivre. En d’autres termes, dans notre vie quotidienne, nous allons nous ajuster aux différentes règles que nous considérons adéquates pour cohabiter avec les autres.

En ce qui concerne la morale sociale par rapport à la violence, ces normes que la société comprend doivent être respectées pour éviter ladite violence. Si nous nous arrêtons un instant pour observer les éléments ou agents qui dirigent la culpabilisation à partir de laquelle ces actes violents naissent, nous obtiendrons une vision plus ou moins juste de ces considérations morales.

La théorie du monde juste

Cette théorie est un très bon indicateur du degré de morale sociale par rapport à la violence. Elle part de l’idée générique selon laquelle les personnes veulent vivre dans un monde juste. En d’autres termes, nous avons le besoin de croire que tout se passe pour une raison, pour notre tranquillité psychologique.

Si nous affirmons que les divers délits sont un produit du hasard ou de la malchance, cela signifie que nous assumons également que nous pourrions en être victimes. Ceci est une idée inquiétante qui nous génère du mal-être. Or, au contraire, si cette attribution dépend des autres (par exemple, il a été attaqué parce qu’il marchait dans une zone dangereuse), cela nous porte à croire que nous aurons moins de possibilités de souffrir d’un fait violent (par exemple, cela ne nous arrivera pas si nous ne nous promenons pas dans une zone dangereuse).

femme avec parapluie

Cette perception se base sur un biais cognitif. Elle suppose une ré-élaboration symbolique des cognitions sociales. Ses prémisses sont :

  • La victime a plein de défauts (maladroite ou peu soigneuse) : dévaluation et reconstruction négative de la personne. Nous réalisons des inférences à propos des aspects et des caractéristiques de cette personne, comme par exemple sa personnalité. C’est-à-dire que si la victime est d’une telle façon, il est normal qu’elle ait souffert de ce délit.
  • La victime se comporte mal : on attribue la culpabilité à la victime en raison de comportements ponctuels. Par exemple, si le portefeuille de quelqu’un est volé à Paris, il ne sera pas étrange d’entendre : “C’est Paris, il faut faire plus attention…”.

Techniques de justification

Comme nous le disions au début de l’article, il existe des valeurs acceptées ou bien vues dans la société. Cependant, il existe aussi d’autres types de valeurs “souterraines”. Pourquoi s’appellent-elles ainsi ? L’idée est simple : ce sont des valeurs que beaucoup de gens suivent mais qui ne s’extériorisent pas de la même façon car elles entrent en conflit avec celles qui sont majoritairement acceptées.

Cette idée a originairement été créée par Sykes et Matza dans leur théorie de la neutralisation. Normalement, ce sont les délinquants eux-mêmes qui emploient ces techniques pour pallier les conséquences de leurs actes. Malgré tout, certaines personnes emploient aussi certaines de ces techniques pour donner leur opinion sur les faits qui se sont déroulés, en légitimant ou justifiant de cette manière le coupable (celui qui a commis le fait délictueux).

Ces techniques sont :

  • Négation du délit : “ce n’était pas une grande quantité d’argent, on ne peut pas appeler cela un vol” ; “il n’y a personne sur la route à l’heure-là, ce n’est pas grave si je vais plus vite”.
  • Négation de l’existence des victimes“je ne fais de mal à personne”.
  • Condamnation de ceux qui condamnent : “les politiciens volent beaucoup plus que les citoyens”.
  • Recours à une cause supérieure : “je l’ai fait pour…”.
  • Nécessité du comportement : “je n’avais pas d’autre choix”.
  • Défense d’une valeur : “ce n’était pas une personne digne de confiance”.
  • Négation de la justice : “il y aura toujours quelqu’un de lésé”.
  • Tout le monde le fait.
  • Droit de le faire : “on m’a provoqué” ; “je l’ai tué parce qu’il m’appartenait”.
homme face à un miroir

Calcul de la morale sociale

Tout ce que nous avons expliqué se reflète dans de nombreux exemples réels au cours desquels on culpabilise et attribue la responsabilité à la personne qui a souffert du délit. Ainsi, nous trouvons des plans de prévention d’agressions sexuelles dans lesquels sont établies différentes normes que doivent suivre les victimes potentielles. Avec elles, on conditionne le style de vie de la personne et, de manière indirecte, on leur dit que leur forme de vie ou leurs choix ont provoqué ces agressions.

De la même façon, nous pouvons entendre des commentaires de personnes avec différentes professions qui attribuent la réalisation d’actes violents et antisociaux, par exemple, à la façon de s’habiller ou d’agir de la victime. La société considère comme délit, du moins à partir d’un point de vue moral, le propre comportement de la personne qui a souffert d’une agression. Si la façon d’agir de la victime est vue comme erronée, on normalisera le comportement de l’agresseur (on le verra comme une conséquence logique alors que, d’un point de vue moral, ce n’en est pas une).

La morale de la société se base sur le bon comportement des personnes : normes, règles et schémas de conduite qui doivent être suivis. S’ils ne sont pas considérés comme adéquats par rapport à ce qui est socialement établi, on les considère comme des causes de la violence générée. En définitive, ces actes violents sont parfois vus comme une conséquence inévitable.

 


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