La très contradictoire intention paradoxale

L'intention paradoxale est une stratégie qui peut se révéler très utile face à certains troubles, comme les troubles anxieux. Dans cet article, nous allons vous expliquer son fonctionnement en prenant différents modèles pour base. Nous vous parlerons aussi de l'importance des détails pour obtenir les effets souhaités.
La très contradictoire intention paradoxale

Dernière mise à jour : 23 mars, 2020

Les techniques paradoxales recherchent précisément ce que leur nom indique : la discordance, l’absurde. L’objectif est que la personne mette en place des comportements qu’elle cherche normalement à éviter et qui sont le nœud du mal-être et de l’angoisse du sujet qui les perpétue. Dans ces cas, la très contradictoire intention paradoxale peut être d’une grande utilité.

À partir du chapitre Arrêt de la pensée et intention paradoxale de Salgado, Gómez et Yela, inclus dans le manuel Techniques de Modification du Comportement de Labrador (2007), nous essayerons de comprendre les mécanismes qui se mettent en place pour que l’intention paradoxale, plus qu’une incohérence, soit une technique précieuse pour atteindre un changement en thérapie. 

Cette technique essaye de faire en sorte que la personne souffrant d’un trouble anxieux ressente de l’anxiété à ce moment précis ; que la personne avec des compulsions et des rituels les suive ; ou que celle avec des problèmes de sommeil essaye, par tous les moyens, de ne pas dormir quand elle va se coucher.

Une femme avec une intention paradoxale

Les objectifs de l’intention paradoxale

Dans de nombreux troubles psychologiques, et plus particulièrement les troubles anxieux et les TOCles tentatives pour éviter les pensées obsessives, les rituels ou les sentiments d’angoisse ne sont pas seulement infructueuses : généralement, elles ne font que maintenir le problème.

Une personne avec un TOC aux rituels cachés, par exemple, peut essayer de ne pas réaliser ses vérifications et de contrôler ses pensées. Lorsqu’il s’agit de contrôler cette impulsion, et étant donné que celle-ci apparaît généralement de façon spontanée, la majeure partie du temps, il est très difficile d’y parvenir.

Ainsi, selon Salgado et al., à travers l’intention paradoxale, on essaye de faire en sorte que :

  • L’individu renonce à avoir le contrôle sur les réponses autonomiques ou spontanées (à ne pas ressentir d’anxiété, à ne pas suivre ses compulsions…)
  • Le sujet essaye de faire apparaître le symptôme dans des situations différentes de celles de d’habitude et, à partir de ce symptôme, de développer les pires conséquences. Par exemple, on peut demander à une personne souffrant du trouble anxieux généralisé d’essayer, dans une même session, d’avoir une crise d’anxiété très intense, avec des pleurs très marqués et une perte totale de contrôle

Comment s’explique le changement dans l’intention paradoxale?

Plusieurs modèles théoriques essayent d’expliquer les mécanismes qui permettent à la très contradictoire intention paradoxale de fonctionner. Voici quelques-unes de ces théories :

  • La théorie du double lien : lorsque deux messages simultanément exclusifs se présentent, ou lorsque l’on répond à l’un ou à l’autre. C’est pour cela que l’on demande à une personne souffrant d’anxiété de faire apparaître une émotion qui se présente normalement de façon spontanée. Deux options sont donc possibles : l’anxiété peut apparaître (le patient va essayer de la renforcer, au lieu de suivre son habitude consistant à la contrôler ou la réduire – automatisme) ou elle n’apparaîtra pas
  • La théorie de la décontextualisation du symptôme : lorsque l’on demande à la personne de mettre en marche son comportement problématique, on lui demande de le provoquer dans un contexte totalement différent de celui où il apparaît généralement. Le symptôme perd son sens car il répond aux demandes du milieu. Par exemple, si une personne avec des compulsions de répétition les suit sans qu’elles répondent à des états anxiogènes ou à la volonté d’éloigner des pensées obsessionnelles, le rituel perd de son sens car il a été décontextualisé.
  • La théorie de l’anxiété récurrente : selon Salgado et al., provoquer un comportement et en même temps le craindre est incompatible. Ainsi, l’intention paradoxale est utile, par exemple, quand une personne anticipe son symptôme. Parfois, chez des personnes souffrant de troubles du sommeil, c’est la peur de ne pas dormir ou l’anxiété anticipatoire qui l’empêchent de trouver le sommeil. La volonté de rester éveillé (intention paradoxale) élimine donc la peur anticipée de ne pas pouvoir dormir et aide donc la personne à trouver le sommeil

L’exposition cachée dans le paradoxe

L’intention paradoxale permet aussi l’exposition à certains comportements que les personnes craignent et qui continuent de se maintenir à cause des tentatives d’évitement. Ceci se produit dans la grande majorité des troubles anxieux car ce sont les comportements de sécurité et d’évitement qui poussent l’anxiété à se maintenir.

L’intention paradoxale est particulièrement utile pour les personnes qui ont peur de ressentir de l’anxiété. Elles anticipent, par exemple, qu’elles vont perdre le contrôle si elles montent dans un avion, si elles vont au cinéma ou si elles se rendent au centre-ville à Noël.

Même si, dans ces situations, la personne n’a peut-être jamais ressenti d’anxiété, sa propre anticipation peut mener cette même personne à éviter ces lieux.

Dans des contextes contrôlés, il sera difficile, pour cette personne, d’avoir une crise d’anxiété quand nous le lui demanderons. Cependant, au fur et à mesure que la thérapie avancera, nous pourrons lui demander d’essayer de ressentir de l’anxiété dans un supermarché ; d’essayer d’augmenter son rythme cardiaque et d’accélérer sa respiration.

Cette personne pourra donc bien évidemment ressentir de l’anxiété mais celle-ci n’apparaîtra pas dans une situation de perte de contrôle. L’individu choisit le moment où elle apparaît, pas la circonstance.

L’intention paradoxale est donc aussi utile pour que la personne s’expose à sa propre anxiété. Les craintes qui lui mettaient la pression ou la forçaient à éviter de faire des choses, par peur de ressentir de l’anxiété, peuvent ainsi disparaître. Si l’anxiété anticipatoire disparaît, les comportements de sécurité le feront également. Le problème anxiogène ne se maintiendra donc plus.

Une femme envahie par l'anxiété

Conclusions : tous les paradoxes ne sont pas valables

L’intention paradoxale ne consiste pas à dire à une personne qu’elle «provoque son anxiété», avec ces termes. Avec un tel énoncé, elle ne saura probablement pas comment y arriver. L’instruction est trop générique pour obtenir de bons résultats.

Le thérapeute en question doit être très spécifique au moment de prescrire une tâche au client. Le comportement doit donc être topologiquement spécifié : que veut-on exactement, pendant combien de temps et à quel endroit ?

Ainsi, comme le spécifient Salgado et al, il vaut mieux donner des normes concrètes que des indications vagues :

  • Au lieu de dire « demandez à votre fille de faire une colère », il vaut mieux dire « demandez à votre fille de crier aussi fort qu’elle le peut et de donner des coups de pied avant d’éteindre la télévision »
  • Au lieu de dire « provoquez-vous une crise d’anxiété », préférez « essayez de faire en sorte que votre cœur batte plus vite, de sentir vos palpitations et de faire augmenter votre température corporelle ». Des stratégies peuvent être fournies pour atteindre un tel résultat
  • Au lieu de dire « faites quelque chose que vous ne faites normalement pas avant de manger énormément », il vaut mieux dire « mettez-vous du rouge à lèvres avant de manger énormément »

La spécification et le bon entendement des comportements peuvent marquer la différence entre l’efficacité et l’échec de l’intention paradoxale dans un contexte thérapeutique.

Tout cela nous rappelle que cette technique est très puissante mais aussi très dangereuse au niveau de son application : si elle n’est pas appliquée de manière structurée et dirigée, les résultats peuvent être contraires à ceux que nous recherchons.

 


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  • Labrador, F. (2007). Técnicas de Modificación de Conducta. Ed: Pirámide, Madrid

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