La mal de l'Homme : la troisième idée irrationnelle d'Ellis

Les idées irrationnelles d'Ellis et ses explications ont longtemps été utilisées en thérapie pour démanteler des types de pensée toxiques et contre-productifs. Dans cet article, nous nous concentrerons sur la troisième idée selon laquelle l'être humain est mauvais et a la punition qu'il mérite.
La mal de l'Homme : la troisième idée irrationnelle d'Ellis

Dernière mise à jour : 18 septembre, 2020

Certaines idées irrationnelles sont à la base du fonctionnement de la société, et donc de l’Homme. Albert Ellis les appelle les “aberrations”. En effet, beaucoup de ces idées irrationnelles constituent des pensées irrationnelles qui obscurcissent notre humeur, ralentissent nos comportements ou diminuent notre capacité à connaître et à apprendre. La troisième idée irrationnelle d’Ellis, dont nous parlerons dans cet article, joue également ce rôle.

Les idées irrationnelles soulevées par Ellis sont des acceptations déraisonnables de ce que devraient être le monde et les personnes qui y habitent.

Beaucoup de ces idées sont héritées du processus historique de chaque culture et, dans notre cas, beaucoup d’entre elles proviennent de la tradition et de la morale de la religion qui, jusqu’à récemment, imprégnait tous les coins de notre société.

Dans cet article, nous nous concentrons sur la troisième idée irrationnelle d’Ellis. Beaucoup d’entre nous basent leurs cognitions et leurs actions sur cette idée.

Le concept de la troisième idée irrationnelle vient d'Albert Ellis.

Y a-t-il de mauvaises personnes ?

La troisième idée irrationnelle soulevée par Ellis est la suivante :

“L’idée qu’une certaine classe de gens est vile, mauvaise et infâme et que ces gens doivent être sérieusement blâmés et punis pour leur mal.”

Beaucoup peuvent argumenter et être d’accord avec cette idée. Il existe une tendance à étiqueter les gens comme étant “bons” ou “mauvais” en fonction de leurs actions.

Si une personne choisit une option que nous estimons répréhensible, nous dispensons généralement la mauvaise étiquette. Nous considérons aussi que ces personnes mauvaises doivent aussi souffrir : elles doivent être punis.

Dans notre cadre contextuel et l’héritage sociodémographique, cette idée ne semble pas complètement folle, Ellis considère qu’il s’agit d’une pensée irrationnelle, non fondée sur des preuves et qui abuse des absolus. Il s’agi donc pour lui d’une façon de penser toxique qui ne nous fait pas de bien.

Mais pourquoi n’est-ce pas vrai ? N’y a-t-il donc pas de mauvaises personnes qui mènent de mauvaises actions ? Méritent-elles une punition ?

Le mal infaillible de l’Homme

Dans son ouvrage Reason and Emotion in Psychotherapy (1962), Ellis tente d’expliquer pourquoi le mal n’est pas un fait en tant que tel. Il soutient, entre autres, que l’idée que les gens sont bons ou mauvais fait partie de l’ancienne doctrine théologique du libre arbitre.

Beaucoup de philosophes (Descartes, Hume, même Kant…) ont parlé de libre arbitre et, surtout, d’éthique basée sur le libre arbitre. S’il y a de bonnes ou de mauvaises personnes et un libre arbitre, cela signifie que les gens sont libres de faire le “bien” ou le “mal”.

D’une certaine manière, cette prémisse peut également se référer à l’existence d’une vérité absolue, dictée par un “dieu” ou par une “loi naturelle” qui détermine ce qui est “bien” et ce qui est “mal”.

Cette doctrine n’a aucune base scientifique, et ses mots-clés (dieu, vérité absolue, libre arbitre…) ne peuvent être ni prouvés ni réfutés. Par conséquent, affirmer qu’il existe de mauvaises (ou de bonnes) personnes n’aurait aucun sens.

La troisième idée irrationnelle d'Ellis.

Une mauvaise action ne fait pas une mauvaise personne

Une mauvaise action ne définit pas la personne qui l’exécute comme “mauvaise”. Même si avons tendance à considérer que de telles impulsions sont nécessairement la conséquence d’une nature mauvaise, la plupart du temps, ces actions sont réalisées par ignorance, par simplicité ou liées à une condition psychologique.

Indépendamment du fait que ces personnes soient responsables du préjudice causé à des tiers par leur mauvaise action, cela ne signifie pas qu’elles méritent une punition dégradante et mortelle. À de nombreuses reprises, lorsque des sanctions sont infligées à des personnes qui ont commis une mauvaise action, elles ne visent qu’à pénaliser un mal allégué.

Est-il sensé de punir l’ignorance, la simplicité ou une condition psychologique ? D’un autre côté, serait-il plus logique de s’assurer que cela ne se reproduise pas en octroyant une punition ? L’idée de l’Homme se retrouve dans de nombreux sermons de différentes églises. De nombreuses religions sont considérées comme les gardiens de la moralité.

Cependant, la réalité s’est avérée plus complexe. Une personne peut donner de l’argent à un sans-abri et rentrer le soir chez elle et maltraiter son enfant. Une personne peut ne pas laisser un vieil homme s’asseoir dans le métro et travailler quatorze heures par jour pour payer les soins médicaux à son père.

Une “mauvaise” action ne détermine rien, et tant que la définition de “mauvais” est subjective, certains trouveront le bon dans le mauvais et le mauvais dans le bon.

La faillibilité fait partie de notre nature

Dans ses travaux, Ellis soutient qu’il est irréaliste de penser que nous ferons tout correctement. La faillibilité fait partie de la nature de l’être humain. Les essais et les erreurs constituent une grande part de notre apprentissage.

Par conséquent, dire qu’une personne “devrait” ou “aurait” dû faire quelque chose est erroné. L’utilisation de l’absolu est à la base de toute pensée irrationnelle. L’homme est faillible et peut faire des erreurs.

La troisième idée irrationnelle.

La troisième idée irrationnelle : l’utilité de punir le mal et les mauvaises personnes

La punition, à de nombreuses reprises, a des effets très défavorables sur le processus d’apprentissage. Si une personne commet une erreur ou une “mauvaise” action, la blâmer de manière vindicative et avec colère peut être contre-productif.

Lorsqu’une personne fait une erreur par simplicité ou par ignorance, la punition apportée par ses actions ne la rendra pas moins ignorante. Par conséquent, si après une punition nous nous attendons à ce que la personne agisse autrement, cela n’a pas beaucoup de sens. Ellis résume ce problème avec un exemple :

“Je m’attendais à ce qu’il soit un ange au lieu d’un être humain et qu’il ne fasse pas d’erreurs. Maintenant qu’il s’est révélé être un être faillible, j’exige de manière moins réaliste [après une punition] qu’il soit un parfait ange à l’avenir.”

De plus, si une personne commet une erreur à cause d’une condition psychologique, la blâmer peut même “nourrir” cette condition. La culpabilité, la colère et l’hostilité sont à l’origine de nombreux troubles psychologiques.

Puisqu’il existe une philosophie de la culpabilité dans laquelle les enfants sont immergés dès leur plus jeune âge, le blâme est à son tour préconisé pour les erreurs passées, présentes et futures. Sans ce blâme, les sentiments d’anxiété, de culpabilité ou de dépression seraient moins présents.

S’instruire sur la troisième idée irrationnelle d’Ellis

Ainsi, beaucoup d’entre nous ont été éduqués dans les prémisses qui soutiennent la troisième idée irrationnelle d’Ellis. Cela a fait de nous des êtres qui se sentent coupables et qui ont peur de faire des erreurs. Nous avons peur des punitions et nous avons une vague idée de ce qui est mauvais ou bon. Tout cela détermine notre humeur, notre façon d’être et nos comportements.

Dans ce contexte, avant de porter un jugement sur les mauvaises actions d’une personne, il faudrait y réfléchir à deux fois. Gardons à l’esprit la troisième idée irrationnelle d’Ellis afin de déterminer décider si notre culpabilité est fondée ou non.


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  • Ellis, A. (2009). Razón y Emoción en Psicoterapia. Ed: Desclée de Brouwer.

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