Descartes et la certitude de la conscience de soi

Dans quelle mesure pouvons-nous faire confiance aux informations qui proviennent de nos sens ? Où sont les limites de nos connaissances ? Pour répondre à ces questions, nous accompagnerons Descartes dans la recherche de la certitude.
Descartes et la certitude de la conscience de soi
Matias Rizzuto

Rédigé et vérifié par le philosophe Matias Rizzuto.

Dernière mise à jour : 30 janvier, 2023

René Descartes (1596-1650) était un éminent scientifique qui a également apporté d’importantes contributions à la philosophie. Pour lui, les méthodes philosophiques utilisées par ses contemporains étaient erronées. Sa vision s’opposait à celle de ceux qui soutenaient que la connaissance pouvait être obtenue par les sens. De cette façon, il a essayé de trouver une sorte de certitude qui l’aiderait à avancer sur le chemin de la connaissance.

Pour Descartes, toute connaissance doit être déduite par la raison. C’est pourquoi sa philosophie s’appelle « rationalisme ». Sa pensée tente de transférer la méthode des mathématiques à la philosophie. Ainsi, à partir de vérités simples mais sûres, il tente de construire des connaissances solides et incontestables.

Le doute comme fondement de la certitude

Pour remplir sa mission, Descartes décide de s’isoler du monde et de remettre systématiquement en question toutes les croyances, opinions et vérités qu’il avait prises pour vraies. Ainsi, le philosophe propose d’examiner à travers un “doute méthodique” tout ce que nous savions jusqu’à ce moment.

Descartes avertit que les informations que nous tenons pour acquises nous parviennent souvent par les sens. Cependant, il est facile pour nos sens de nous tromper. Par exemple, si nous introduisons un bâton dans l’eau, il semble se casser ; mais ce qui se passe, c’est que notre vue est trompée par l’effet causé par la lumière à travers l’eau. De la même manière, on peut voir une colonne au loin et penser qu’elle est ronde, mais dès qu’on se rapproche, on se rend compte qu’elle était en fait carrée.

homme pensant
Pour Descartes, la connaissance doit être déduite par la raison ; c’est pourquoi sa perspective est connue sous le nom de rationalisme.

Les sens nous trompent

Ces considérations amènent Descartes à penser que si les sens nous trompent, nous ne pourrons guère faire confiance aux informations qui nous parviennent par leur intermédiaire. Bien que l’on puisse aussi penser qu’il y a des choses sur lesquelles on ne peut guère se tromper. Par exemple, il me serait difficile de douter que je sois assis en ce moment même à écrire cet article.

Malgré cela, nous rêvons souvent de situations qui semblent si réelles que nous croyons les vivre, mais lorsque nous nous réveillons, nous réalisons qu’elles n’étaient que des imaginations. Par conséquent, Descartes conclut que nous ne pouvons pas faire confiance aux informations que nos sens nous fournissent.

“J’ai découvert que nos sens nous trompent de temps en temps et qu’il est sage de ne jamais faire confiance à ceux qui nous ont trompés une seule fois.”

-René Descartes-

Un mauvais génie nous trompe ?

Cependant, il y a des connaissances qui n’ont pas de sens de douter, par exemple, les mathématiques. Chaque fois que nous additionnons deux plus deux, nous obtenons quatre en conséquence. Descartes pousse le doute à l’extrême et se demande ce qui se passerait si au lieu d’un dieu il y avait un mauvais génie qui nous induirait en erreur chaque fois que nous additionnons deux plus deux.

Ce dernier argument peut sembler un peu tiré par les cheveux, mais il faut comprendre que compte tenu du contexte historique dans lequel il a vécu, il n’a pas voulu éveiller l’attention de l’Inquisition. Admettre que Dieu, censé être pure bonté, nous trompe intentionnellement aurait pu passer pour une hérésie.

La seule certitude est la conscience de soi

Par le doute méthodique, Descartes est responsable de la destruction de toute possibilité de connaissance. Dépouillé déjà des sens et des vérités mathématiques, où la certitude pourrait-elle trouver refuge ?

Alors notre intrépide philosophe se rend compte que s’il doute de tout, il y a encore des processus mentaux en jeu ; par conséquent, il ne peut pas douter qu’il pense. C’est ici qu’il donne forme à l’une de ses phrases les plus emblématiques : cogito ergo sum, c’est-à-dire « je pense, donc je suis ».

Nous pouvons douter de tout ce que nous voyons, même de ce que nous pensons, mais nous ne pouvons douter que nous pensons ; et si nous pensons, c’est parce que nous existons. Pour cette raison, notre seule certitude est la conscience de soi. Nous sommes conscients de nous-mêmes parce que notre intellect peut clairement et distinctement percevoir ce fait. « Nous sommes une chose pensante », déclare Descartes, a res cogitans.

Certains des attributs de cette chose ou substance pensante sont le sentiment, le désir, l’imagination et la connaissance. Pour avancer dans la connaissance, nous devons analyser ces contenus mentaux qui habitent la pensée.

«Je suis une chose qui pense, c’est-à-dire un esprit, une âme, un intellect, ou une raison […] Je suis, par conséquent, une certaine chose et une certaine science existante».

-René Descartes-

L'esprit avec un homme à l'intérieur
Notre seule certitude est la conscience de soi

Les idées chez Descartes

Descartes différencie les connaissances issues de notre intellect de celles qui proviennent de nos sens. De plus, il appelle les contenus qui apparaissent dans notre esprit des idées, en distinguant au moins trois types principaux :

  • Les idées adventices : sont celles qui viennent de l’étranger.
  • Idées factices : sont celles produites par moi.
  • Les idées innées : sont celles qui ne viennent pas de l’étranger ou qui sont produites par moi.

Alors que les idées adventices sont les impressions sensibles des objets du monde extérieur, les idées factices sont celles que nous construisons avec notre imagination à partir d’autres idées, par exemple l’idée d’un centaure. Cependant, il y a des idées dans notre esprit qui ne semblent pas venir de l’extérieur ou qui ont été créées par nous. Par exemple, notez que les idées d’infini et de perfection existent en nous.

Sommes-nous seuls au monde ?

Or, étant des êtres limités et finis, comment aurions-nous pu créer nous-mêmes les idées de perfection et d’infinité ? Si nous étions des êtres parfaits, nous n’aurions aucun doute parce que nous ne manquerions de rien, nous saurions tout. Nous ne pouvons pas non plus avoir de telles idées par les sens, puisqu’il n’y a rien dans le monde parfait et infini. Mais d’où viennent ces idées ?

Ici, Descartes utilisera un argument pour prouver l’existence de Dieu, qui a été critiqué par de nombreux philosophes ultérieurs. Descartes soutient que ces idées doivent nous avoir été introduites par une sorte d’être parfait et infini-illimité. Puisque la bonté fait partie de la perfection, un être avec de telles caractéristiques ne peut pas nous tromper. Avec cela, l’hypothèse du mauvais génie tombe, maintenant il y a une certitude pour les vérités mathématiques.

La certitude du monde sensible

Si nous acceptons la preuve de Descartes, Dieu n’aurait pas pu nous créer de telle manière que nous échouons toujours dans la tentative de connaître la vérité. Ainsi, la chose logique serait que nous puissions connaître dans une certaine mesure le monde corporel. Descartes appellera cette réalité res extensa, c’est-à-dire tout ce qui a une extension, qui peut être observé, mesuré ou pesé.

Si c’est le cas, pourquoi sommes-nous parfois trompés par nos sens, pourquoi ne connaissons-nous pas la vérité ? Descartes soutient que lorsque notre volonté de savoir est supérieure à notre compréhension, nous tombons dans l’erreur. Lorsque nous voulons savoir quelque chose, mais que nous n’avons pas assez de clarté et de distinction à ce sujet, nous sommes enclins à être induits en erreur par de fausses conclusions.

L’argument de Descartes est-il infaillible ?

Bien que certains concepts de Descartes aident à la réflexion, il existe des faiblesses autour de certains de ses arguments. Il est vrai qu’on ne peut pas en douter quand on pense exister, mais est-ce suffisant pour affirmer qu’il y a une substance pensante ? Certains philosophes comme Hume soutiennent que l’idée de soi est une illusion et que notre existence est un flux d’événements qui ne se conforment à aucune unité.

En revanche, la démonstration de l’existence de Dieu a été fortement critiquée. Le fait que les idées d’infinité et de perfection soient possédées en soi ne prouve pas nécessairement l’existence d’un être parfait et infini. Beaucoup soutiennent qu’il n’y a pas assez de clarté et de distinction pour considérer que ces idées sont innées. De plus, on pourrait facilement les déduire par négation, en les opposant aux notions de finitude et d’imperfection.

Mais au-delà des critiques de la pensée de Descartes, il est impossible de nier que ses idées ont eu un grand impact sur la philosophie ultérieure. Le doute méthodique peut être un outil qui nous aide à remettre en question nos croyances et nos perspectives, afin d’élargir notre connaissance et notre compréhension du monde. Et vous, qu’en pensez-vous ? L’argument de Descartes vous convainc-il ?


Toutes les sources citées ont été examinées en profondeur par notre équipe pour garantir leur qualité, leur fiabilité, leur actualité et leur validité. La bibliographie de cet article a été considérée comme fiable et précise sur le plan académique ou scientifique


  • Descartes, R. (1999). Meditaciones metafísicas – Las pasiones del alma, Ediciones Folio, Villatuerta.
  • Pereira Gandarillas, F. (2014). Hume y la ficcion de la identidad personal. Ideas y valores  63 (154), 191-213.

Ce texte est fourni à des fins d'information uniquement et ne remplace pas la consultation d'un professionnel. En cas de doute, consultez votre spécialiste.