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Fantasme, porno et féminisme

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Fantasme, porno et féminisme
Dernière mise à jour : 05 avril, 2018

Le fantasme est un élément indispensable dans nos vies. Depuis notre plus jeune âge, nous fantasmons sur comment sera notre vie, notre couple, notre travail ; en somme, le fantasme fait partir de nous et reflète nos désirs. La sexualité est un domaine de plus, dans lequel se manifestent nos désirs, le porno étant le lieu où nous voyons beaucoup de ces désirs mis en scène.

Les femmes en général, mais surtout les féministes, avons plusieurs problèmes avec le porno. Le principal est la partie qui concerne les droits sexuels, celui d’avoir un plaisir autonome qui nous situe comme sujet de notre propre sexualité, même si cela est compliqué dans une culture patriarcale.

C’est compliqué car la masculinité se construit sur la sexualité. C’est-à-dire que plus un homme a de relations sexuelles, avec un grand nombre de femmes, plus il sera perçu comme “homme”. En revanche, la femme qui maintient plus de relations avec différents hommes n’est pas la vision de “la femme” ; c’est désormais celle qui est le plus capable d’allumer le désir masculin.

On place toujours l’homme comme sujet, celui qui donne le plaisir, et la femme comme objet, celle qui fait monter l’excitation de l’homme. Le porno étant le plus grand représentant de ce point de vue. Mais malgré tout, nous les femmes, féministes ou non, consommons du porno et nous excitons avec. Comment est-ce possible ? Si nous ne voulons pas être traitées comme des objets, pourquoi consommons-nous un porno qui nous transforme en choses ?


Le porno est une représentation explicite du sexe, qui peut être filmée, écrite, dessinée ou théâtralisée et a pour but d’exciter sexuellement. S’il n’excite pas, alors on ne peut pas l’appeler porno. De même que la matière du porno n’est pas tant la réalité, mais plutôt le fantasme sexuel, parce qu’il s’agit d’exciter et non de représenter.”

-Beatriz Gimeno-


Le porno est un fantasme

Le porno est un fantasme sexuel, pas la réalité. Le fantasme est fait de désir et par conséquent, on ne peut pas le juger. On ne peut pas le juger parce que nous avons tou-te-s eu ce fantasme de notre chef-fe ayant un accident, pour pouvoir être libéré-e de lui/d’elle, ou de notre professeur-e qui tombait gravement malade, pour ne pas avoir à passer un examen. Mais cela ne voulait pas dire que dans la réalité, nous leur souhaitions du mal.

Le fantasme, par conséquent, n’a pas à être moral, ou amoral, ou éthique, ou féministe. Le fantasme est fait de désir, ce désir que vous utilisez pour vous exciter sexuellement et qui ne doit avoir aucune forme de conditionnement éthique.

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C’est pour cela que vous pouvez fantasmer sur le fait d’être violé-e, consommer du porno dans lequel ces pratiques sont menées, sans vouloir être violé-e dans la réalité. Vous pouvez aussi fantasmer sur le fait même de violer, que vous soyez un homme ou une femme, et cela ne signifie pas que vous allez le faire dans votre vie quotidienne. Vous vous excitez seulement avec une idée, quelque chose d’intangible, d’irréalisable mais qui pourtant vous donne du plaisir dans ce monde différent qu’est celui du fantasme.

Il ne faut pas culpabiliser ni se sentir coupables face à nos désirs, parce qu’ils sont seulement une manière d’atteindre l’excitation, et non pas la réalité sexuelle. Pour la même raison, le porno ne doit pas avoir de limites, de même que notre tête, mais uniquement un consentement et une légalité. Il n’y a pas de bons ou de mauvais désirs, seulement des désirs qui n’ont aucune raison de correspondre à la réalité.

La réalisation du fantasme dans un couple

Dans la vie de couple, on peut faire un pas en avant et commencer à faire de ces fantasmes sexuels une réalité. Mais il s’agit d’une réalité feinte, c’est-à-dire que les situations sexuelles ne cessent de s’interpréter. On feint un viol ou une domination parce qu’il s’agit en réalité d’un jeu, d’un viol consenti avec ses limites au cours duquel les membres du couple interprètent un rôle en suivant leurs désirs. Ils s’excitent avec ce jeu et se respectent puisqu’ils ont fixé des limites.

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Dans une thérapie sexuelle, on considère que tout ce que les membres du couple veulent réaliser d’un commun accord, c’est-à-dire avec un consentement, est bon pour la vie sexuelle du couple. Tant qu’il n’y a pas de sentiments de culpabilité chez l’un des membres qui participe à la relation et que les limites sont respectées, la sexualité sera saine.

Le fait de vivre dans une société patriarcale dans laquelle un homme est une figure de pouvoir en lui-même, il est normal que cela l’affecte et soit reflété dans les désirs. Cela rend commun le fait que, dans nos désirs, nous retrouvions les rôles de pouvoir et que, dans la majorité des cas, ce pouvoir soit exercé par l’homme sur la femme. Normaliser les situations et les expliquer par rapport à notre environnement culturel, que nous soyons féministes ou non, ferait que le fantasme, le désir et la sexualité soient vécus d’une manière moins stigmatisante et plus naturelle.

L’éducation dans le porno

Les garçons, filles et adolescent-e-s sont éduqué-e-s par le porno en ligne, c’est-à-dire le porno gratuit que l’on trouve facilement sur Internet ; telle est l’éducation sexuelle qu’ils reçoivent. Il est ridicule de ne pas parler d’éducation sexuelle et de porno à ses enfants lorsque l’on sait à quel point il est accessible. Et qu’il se transformerait en son unique source d’éducation sexuelle.


Il faut traiter la sexualité comme quelque chose de naturel, sans la stigmatiser. Moi, j’avais honte de voir des scènes de sexe quand j’étais petite parce que je voyais que cela rendait ma mère nerveuse et qu’elle changeait de chaîne, cela se ressent et vous conditionne. Ce serait mieux de nous expliquer sur le moment ce qu’il se passe à l’écran.

-Amarna Miller-


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 Ce type de porno est indubitablement machiste, il reflète uniquement les fantasmes masculins et ne laisse pas voir la réalité des femmes en tant que sujet. Et cela, les garçons et les filles le voient. Les deux. Le problème pourrait se résoudre avec des contrepoids éducatifs, en étant capable d’expliquer avec un esprit critique que ce n’est pas la réalité, que ce ne sont que des fantasmes sexuels, que le fantasme n’est pas une réalité en lui-même.

Le porno est du cinéma ; lorsque nous voyons Superman voler, nous savons qu’il s’agit de fiction. C’est pareil pour le porno. Il se passe la même chose quand, dans Narnia, les personnages entrent dans l’armoire et se retrouvent dans un autre monde, et que nous expliquons à nos enfants que cela n’arrivera pas avec notre armoire ; il serait utile de leur expliquer que leur vie sexuelle ne va pas être identique à celle des films porno.

Leur expliquer que vouloir réaliser un fantasme n’implique pas de forcer quelqu’un à réaliser ces actes sexuels qu’ils ne veulent pas réaliser, parce que cela ne les excite pas. Leur expliquer que non veut dire non, quand bien même les films montrent le contraire. Et que dans le porno, quand un non veut dire oui, cela signifie que c’est une interprétation, que ce sont des acteur-trice-s qui suivent un scénario fictif.

Au final, il ne s’agit pas seulement d’éduquer les enfants à une sexualité sûre, mais aussi à une sexualité responsableUne sexualité où l’on comprend que les fantasmes, quels qu’ils soient, sont sains. Mais toujours en gardant une condition à l’esprit : ils ne sont réalisables que si l’autre personne impliquée (ou les autres) dans la relation sexuelle sont d’accord.

Et vous, qu’en pensez-vous?

Ce texte est fourni à des fins d'information uniquement et ne remplace pas la consultation d'un professionnel. En cas de doute, consultez votre spécialiste.