Dumbo : une actualisation du passé

Le nouveau long-métrage de Dumbo a peut-être été une opportunité manquée de donner forme à une version beaucoup plus revendicative. Néanmoins, ce manque est quelque peu comblé par un message qui fait appel à notre conscience.
Dumbo : une actualisation du passé
Leah Padalino

Rédigé et vérifié par critique de cinéma Leah Padalino.

Dernière mise à jour : 27 décembre, 2022

Cela fait quelques années que Disney nous offre des adaptations de ses classiques les plus emblématiques. Et visiblement, cela ne va pas s’arrêter là. Ont-ils épuisé toutes leurs idées ? L’ancien fonctionne-t-il mieux que le neuf ? Ce qui est certain, c’est que 2019 a été l’année des reprises cinématographiques ou, plutôt, des réinventions. Aladdin, Le Roi Lion et Dumbo sont trois classiques qui ont été actualisés cette année.

Nous souhaitons ici nous centrer sur Dumbo, le petit éléphant aux oreilles géantes et au talent exceptionnel. En 1941, ce film a saisi d’effroi tout le monde pour sa dureté et pour son éloignement de la version plus infantile et plus innocente de Disney.

Lorsque le monde a su que Tim Burton allait diriger l’adaptation du petit éléphant, la nostalgie et la joie ont inondé le cœur de beaucoup d’entre nous. Qui de mieux qu’un cinéaste décalé pour raconter la vie d’un éléphant marginalisé ? Malheureusement, les temps ont changé et il semblerait que le Tim Burton du début, celui de Edward aux mains d’argent, Beetlejuice et Ed Wood s’est envolé.

Ce monde étant beaucoup plus critique que celui d’autrefois, nous nous attendions à une version revendicative, à un message d’amour envers les animaux, à un message de respect vis-à-vis de nos différences, à une nouvelle ode aux freaks… Il est vrai que, en partie, il y a un peu de cela dans la nouvelle version de Dumbo, mais certains éléments ont manqué. Comment le passage du temps a affecté l’une des histoires les plus sombres et les plus profondes de Disney ?

Dumbo, une actualisation des valeurs

Depuis la première de la version animée de 1941, il a beaucoup plu : les valeurs et la société ont tellement changé que l’on ne pouvait que s’attendre à une version plus crue et plus revendicative. Les questions qui concernent la maltraitance animale et l’esclavage dont souffrent certaines espèces à cause de notre égoïsme sont de plus en plus polémiques. Jour après jour, on comptabilise de plus en plus de cas de violence envers les animaux et la société. Et la société, d’une certaine façon, est beaucoup plus sensibilisée à cela, bien que le chemin soit encore long.

Le premier Dumbo, en réalité, n’était qu’une tentative de corriger les pertes économiques dont les studios de Disney avaient souffert après la sortie du film (et échec) Fantasia (1940). Ayant peu de budget, ils ont décidé de lancer un long-métrage plus bref (le film dure environ une heure) et, en même temps, l’un des plus larmoyants.

Au moment de la sortie de la nouvelle version, nous nous attendions tous à voir une version imprégnée des nouvelles influences, des nouveaux courants. Nous nous attendions à une actualisation des valeurs transmises par la première version. Ils l’ont fait en partie, mais cela n’a pas été suffisant pour toucher le public.

Peut-être que les attentes étaient trop hautes : nous sommes nombreux à avoir oublié que, derrière le nom de Tim Burton, se cachaient les studios de Disney. Ces studios prétendaient faire plaisir à un public plus large en faisant appel à la nostalgie.

Les différences

Il est vrai que les nouvelles technologies, notamment le CGI, nous offrent une image plus réaliste et plus émouvante que celle de la première version de Dumbo. Le tournage est, qui plus est, réaliste et n’a pas impliqué la participation d’animaux.

Néanmoins, il faut également souligner que l’essence du film manque parfois de profondeur : derrière l’aspect esthétique, certains points manquent de consistance. Les sentiments ne sont pas suffisamment approfondis et le film ne met pas le doigt sur la maltraitance animale, par exemple.

Cela étant, la nouvelle version de Dumbo nous offre un scénario plus égalitaire en faisant un parallèle entre la paternité et la maternité, démontrant qu’il n’y a pas que les mères qui souffrent et luttent pour le bonheur de leurs enfants, mais aussi les pères. Ce parallèle transcende les espèces : nous voyons une mère éléphant qui souffre et qui défend son enfant et, en même temps, un père humain capable d’affronter différentes menaces pour garantir le bien-être de ses enfants.

Par ailleurs, le rôle des femmes est de vitale importance dans la nouvelle version, aussi bien celui des petites filles, des femmes adultes que des femelles éléphants. Tim Burton octroie une place à la femme décidée qui s’éloigne des canons de 1941. Car, oui, dans le premier Dumbo, il semblerait que la maternité soit la seule fonction de la femme. Les femmes y apparaissent soumises, obéissantes et “commères”. La paternité y est à peine visible (et encore moins en solitaire). Tim Burton a, d’une certaine façon, réussi à actualiser ces valeurs.

Le dessin animé Dumbo

Une intention différente

Cette nouvelle version ne représentait pas une bonne opportunité de revendiquer certaines choses ? Une opportunité de montrer le côté sombre des cirques qui exploitent les animaux et de la société ? Cela l’était sans doute. Néanmoins, après analyse du film, nous nous rendons bien compte que l’intention du cinéaste n’était visiblement pas de se rapprocher du freak mais de “scier la branche sur laquelle il était assis”.

Pourquoi disons-nous cela ? Parce que le nouveau Dumbo est édulcoré : il manque de dureté et la critique finit par être déviée vers un endroit inattendu. De nombreux personnages sont plats et certains clins d’œil féministes ou animalistes semblent forcés. Nous sommes bien loin du naturel auquel nous nous attendions. Le long-métrage animé de 1941 se caractérisait pour sa dureté, pour sa sa violence et pour son rejet des différences, des caractéristiques qui semblent s’être envolées dans la version de 2019.

Dumbo, une vérité que nous connaissons tous

Tim Burton semble avoir profité de l’occasion pour glisser une critique entre les lignes, pour établir un parallèle entre les studios de Disney et le grand cirque auquel Dumbo est envoyé. Loin de nous parler de la marginalisation, Tim Burton a préféré peindre une critique de l’industrie cinématographique et du capitalisme.

Nous pouvons voir dans le parc Dreamland, l’endroit où Dumbo est censé devenir une star, une représentation des studios de Disney avec ses parcs thématiques. C’est la représentation d’un faux bonheur, d’une fausse illusion qu’il est possible d’acheter avec de l’argent.

L’ennemi n’est pas le propriétaire du petit cirque ; c’est le partenaire avare et riche qui réduit aussi bien les travailleurs humains que les travailleurs animaux en esclavage. Cet homme en costard-cravate qui, grâce à son argent, peut obtenir ce qu’il veut sans trop se soucier de la vie des personnes qu’il a à sa charge.

La vengeance de Tim Burton

Tim Burton décide ainsi de scier la branche sur laquelle il était assis ; il critique ces studios avec lesquels il entretient une relation amour-haine. L’incompris se venge de ceux qui l’ont soutenu économiquement. Mais qui lui ont aussi coupé les ailes en le privant de sa liberté artistique. Et, comme Dumbo, la seule chose à faire, c’est de lutter pour sa liberté.

La dureté ne se manifeste pas sous la forme de maltraitance animale. Elle se manifeste sous la forme d’un parc thématique, un endroit dédié au divertissement pour ceux qui peuvent se le permettre, et où un magnat des affaires s’enrichit assis sur son fauteuil en cuir. Nous pouvons donc affirmer que les valeurs ont changé, que le point de vue est différent et que, en plein 2019, être une star n’est plus synonyme de succès mais d’exploitation.

Tim Burton semble avoir écouté les avertissements de l’association PETA (Pour une Éthique dans le Traitement des Animaux). Il n’a pas utilisé de vrais animaux dans son film. Et il a offert une deuxième opportunité à Dumbo loin de la célébrité, des projecteurs et du cirque.

En somme…

La fin heureuse du film de 1941 mettait en avant un Dumbo célèbre que tout le monde admirait. En 2019, le bonheur n’a rien à voir avec la célébrité mais avec son entourage et son environnement naturel. Cela montre, encore une fois, que les cirques avec des animaux appartiennent au passé. Le futur plaide en faveur du respect des animaux et de l’éthique envers ceux avec qui nous partageons la planète.

La version de 1941 nous chamboule certainement plus pour sa dureté et son réalisme, même s’il s’agit d’une animation. On y voit un animal qui souffre et qui est injustement séparé de sa mère. Certains aspects n’ont pas été suffisamment approfondis. Pour autant, le nouveau Dumbo doit être lu entre les lignes et interprété en fonction de notre présent.

Tim Burton s’appuie sur ses acteurs préférés comme Danny de Vito ou Eva Green pour construire une histoire qui, au-delà de la dénonciation de l’exploitation animale dans les cirques, constitue une critique de notre propre style de vie.

 


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