"American Horror Story : Freak Show", ou la visibilité des différences

La série American Horror Story se compose de diverses saisons, tous différentes et n'ayant aucun lien entre elles. Bien que Freak Show, la quatrième saison, ait eu moins de succès que les autres, nous souhaitions vous en présenter une analyse.
"American Horror Story : Freak Show", ou la visibilité des différences
Leah Padalino

Rédigé et vérifié par critique de cinéma Leah Padalino.

Dernière mise à jour : 27 décembre, 2022

American Horror Story est une série anthologique américaine. Elle compte plusieurs saisons, et chacune d’entre elles est différente de la précédente, avec des personnages et des histoires différentes. Bien que toujours enveloppés dans une atmosphère de mystère et de terreur. La quatrième saison, Freak Show, est une des plus sous-estimées. Non pas parce qu’elle compte beaucoup de détracteurs, mais parce qu’elle fait partie de ces saisons qui ont laissé aux fans un goût amer. Elle n’est pas mauvaise, mais ce n’est pas la meilleure non plus.

Cependant, Freak Show mérite une analyse spéciale et différente. Probablement le public l’appréciera-t-il davantage – et à sa juste valeur – dans quelques temps. Trois saisons précèdent donc à celle-ci. Tout d’abord, Murder House, l’histoire d’horreur par excellence dans une maison hantée. Puis, Asylum, cette saison plébiscitée par le succès qui a lieu dans un hôpital psychiatrique dans les années 60. Et Coven, plus critiquée, qui nous raconte l’histoire d’un sabbat contemporain.

Ainsi, Freak Show ne nous parle pas de sorcières ni de fous. Freak Show nous parle de personnes que, il n’y a pas si longtemps encore, on considérait comme des “freaks (monstres, en français).

American Horror Story : Freak Show : réalité ou fiction ?

Les cirques de phénomènes ont commencé à apparaître au milieu du XVIIIe siècle. Ils ont connu leur apogée au XIXe siècle, et ont fini par disparaître au milieu du XXe. Dans ces cirques, les protagonistes étaient des personnes réelles qui souffraient de malformations ou d’anomalies, dont certaines auraient aujourd’hui pu être corrigées grâce à la chirurgie. Or, en ces temps-là, il semblait que ces personnes étaient condamnées à vivre une vie de marginalité absolue. Et les cirques de phénomènes, aussi peu éthiques puissent-ils nous paraître, supposaient une opportunité, une manière d’aller de l’avant. Même si, dans bien des cas, il s’agissait aussi d’une forme d’exploitation.

personnages freak show

Il existe une infinité de cas de siamois qui, à notre époque, auraient pu être séparés sans trop de complications grâce à la chirurgie et qui, cependant, étaient exploités et exhibés dans des cirques de phénomènes comme des bêtes de foire. A son tour, chaque personne qui présentait une malformation ou qui se démarquait physiquement de quelque façon que ce soit (son poids, sa taille, etc) était également susceptible de finir dans un cirque de ce type.

Le synopsis d’American Horror Story : Freak Show se base sur l’essence du film Freaks (ou La Monstrueuse Parade, en français), datant de 1932. Cette saison nous transporte donc dans un cirque de phénomènes de Jupiter, en Floride, où se produisent d’étranges événements. Assassinats, vengeance, trafics d’êtres humains, etc. La dirigeante du cirque, Elsa Mars, est une femme qui promet de sauver ces personnes et de leur donner accès à une vie plus digne en leur permettant de participer à son spectacle. Or, en réalité, elle aussi est une freak (elle a perdu ses jambes). Et elle cache ses insécurités derrière le rideau : ce qu’elle veut réellement, c’est triompher. C’est devenir une star. Et elle sera d’ailleurs prête à tout pour y arriver.

La complexité et la profondeur des personnages sont fascinantes. Tous méritent une analyse individuelle. Tous ont des peurs, des insécurités, des rêves…  Comme n’importe qui d’autre. Ils revendiqueront, plus d’une fois, leur droit d’être traités de la même manière que tout autre mortel. Leur droit de vivre dignement et d’être considérés comme ce qu’ils sont : des êtres humains. La plupart des personnages de la série sont inspirés de personnages de la vie réelle. Et la plupart souffrent eux-mêmes de ce que suppose le fait de vivre comme un freak aujourd’hui.

Parcourir l’histoire du freak

Souvent, American Horror Story fait quelques clins d’oeil à la réalité. Les histoires que l’on y raconte appartiennent donc généralement au folklore populaire et font référence à l’histoire la plus récente, et même au cinéma. Les similitudes avec le film Freaks ne sont pas dues au hasard. En effet, la série se nourrit clairement de cette influence.

American Horror Story : Freak Show s’inspire alors d’histoires réelles, et rend hommage à des personnes comme Edward Mordrake (l’homme qui avait un visage supplémentaire à l’arrière de sa tête). D’autre part, pour avoir l’air plus vraisemblable encore, cet environnement circadien se nourrit des histoires personnelles des acteurs qui incarnent les rôles des personnages de la saison. Or, l’idée du freak n’a pas toujours été la même. Elle ne correspond donc pas uniquement à ces personnes ayant certaines caractéristiques physiques. Est un freak tout personne qui s’écarte de la norme. Ou du moins de ce qui est établi comme tel.

Par ailleurs, la musique joue elle aussi un rôle important dans cette saison. Parmi tous les morceaux que l’on peut entendre dans American Horror Story : Freak Show, se démarque l’hommage à David Bowie, un freak de la tête aux pieds. Un personnage des plus particuliers aussi bien physiquement que musicalement. La musique de Bowie illustre le massacre le plus sanglant de la série. Son esthétique et son essence s’emparent du personnage d’Elsa qui, d’une manière ou d’une autre, reconnaît être elle aussi une freak. La chanson Life on Mars?, au-delà de la forte charge de critique sociale, frôle le surréalisme et suppose une ode au freak, à la différence.

A son tour, la chanson Heroes se joue dans un des moments clés de la série pour nous rappeler que nous pouvons tous briller. Que nous pouvons tous être des héros. Même le temps d’une journée. Et de la même manière, le personnage d’Evan Peters fait sienne le mythique Come as your are de Nirvana. Un groupe qui est lui aussi sorti de la norme. Qui a brisé les barrières. Et qui, avec cette chanson, nous invite à être tels que nous sommes, à nous accepter.

scène freak show

American Horror Story : Freak Show : nous pouvons tous briller

L’inclusion est la clé de cette saison. De même que l’acceptation et la considération des différences. Ryan Murphy, créateur de la série, a redonné vie à des actrices que, du fait de leur âge ou de leur physique, Hollywood ne considère aujourd’hui plus comme rentables. Nous vous parlons là de Jessica Lange. Ou encore de Kathy Bates. Toutes deux incarnent des personnages qui, en dépit de leur âge, vont au-delà de la classique personne âgée représentée au cinéma . Des personnages complexes et dignes d’être explorés.

Murphy les a donc contactées pour FEUD : Betty and Joan, mais a aussi ramené sur le devant de la scène d’autres actrices telles que Susan Sarandon. Il démontre ainsi que l’âge n’est pas un frein dans le monde du spectacle. Et que le talent va au-delà de la beauté. En plus de donner une deuxième chance à ces actrices, il fait aussi une place dans son casting à une actrice touchée par le syndrome de Down, Jamie Bewer, qu’il avait déjà contactée pour les saisons précédents. Il lui confie un rôle qui n’a rien à voir avec le syndrome de Down.

Il a aussi donné sa chance à une actrice transsexuelle, Erika Ervin, et pas dans le rôle d’une femme transsexuelle, mais dans celui d’une femme des plus normales. De même, Murphy compte aussi dans ses rangs la femme la plus petite du monde, Jyoti Ange. Mat Freser, un acteur qui est né avec une étrange maladie touchant ses extrémités supérieures, que l’on connaît populairement sous le nom de “mains palmées”. Chrissy Metz, une actrice obèse. Rose Siggins, une femme sans extrémités inférieures en raison d’une maladie. Et Ben Woolf, le défunt acteur qui souffrait de nanisme pituaire.

Il faut souligner que la plupart de ces personnages n’incarnent pas la méchanceté. Chacun est différent. Et habité par des inquiétudes diverses. Cependant, le personnage le plus terrifiant de la saison est des plus normaux. Il s’agit de Dandy Mott, un jeu tellement riche qui décide, ennuyé de tout avoir, d’entreprendre un voyage vers la terreur et l’assassinat.

American Horror Story est un témoignage montrant que nous pouvons tous briller. Que nous méritons tous la reconnaissance. Qu’il n’y a pas d’âge pour le talent. Et que nos différences ont une valeur relative. En dépit de l’aspect macabre du scénario ainsi que de l’histoire obscure et énigmatique qu’elle nous raconte, la saison Freak Show met un peu de lumière dans nos vies. Elle nous démontre que, comme le dit Bowie dans sa chanson, nous pouvons tous être des héros. Même le temps d’une journée.

“We can be heroes just for one day.”

-David Bowie-

 


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