L'hypocondrie en ces temps de coronavirus

Qu'est-ce que l'hypocondrie ? Comment ce trouble peut-il affecter les personnes qui en souffrent et leur famille en ce temps de pandémie ? Il est important de savoir quoi faire pour aider ces personnes et ainsi éviter que le confinement aggrave les symptômes de ce trouble.
L'hypocondrie en ces temps de coronavirus

Dernière mise à jour : 20 mai, 2020

Le coronavirus a mis le monde sens dessus dessous à cause de sa vitesse de propagation et de sa létalité. Une telle situation peut déclencher la peur, l’anxiété et l’incertitude au sein de toute la population générale. Mais un groupe de la population est particulièrement plus susceptible de ressentir une forte anxiété liée à la peur d’être contaminé : les personnes concernées par l’hypocondrie, ou le trouble hypocondriaque, un syndrome qui se caractérise par une peur excessive de la maladie.

Dans cet article, nous passons en revue les principaux symptômes de ce trouble et nous vous livrons quelques recommandations pour aider aussi bien les personnes qui souffrent d’hypocondrie que leur entourage à gérer la situation. Néanmoins, l’idéal est de consulter un professionnel.

Une femme anxieuse à cause de l'hypocondrie dont elle souffre

L’hypocondrie : qu’est-ce que c’est et quel lien ce trouble entretient-il avec le coronavirus ?

Les symptômes de l’hypocondrie ou trouble hypocondriaque sont essentiellement l’inquiétude et la peur quant à l’idée d’être malade. Une personne hypocondriaque est convaincue d’avoir une maladie grave non diagnostiquée, et ce, suite à une interprétation erronée de certaines sensations physiques.

Les caractéristiques du trouble de l’hypocondrie

Ce trouble présente les caractéristiques ci-dessous :

  • Une personne hypocondriaque a tendance à considérer certaines sensations physiologiques normales comme étant menaçantes. Ces sensations sont, en réalité, des réactions somatiques, conséquence d’un état émotionnel particulier ou d’une dysfonction bénigne. À titre d’exemple, un léger essoufflement après avoir monté des escaliers peut être interprété par une personne hypocondriaque comme un symptôme de la COVID-19
  • En plus des scénarios catastrophes liés à la présence de certains symptômes, il est fréquent qu’une personne hypocondriaque ait des images mentales liées à la maladie. Elle peut, par exemple, s’imaginer intubée en soins intensifs
  • Les personnes hypocondriaques consacrent beaucoup de leur temps à s’auto-examiner et à vérifier leurs fonctions corporelles. Elles sont extrêmement attentives au moindre signe pouvant indiquer une maladie. Elles peuvent, par exemple, vérifier leur température très souvent dans la journée ou encore vérifier leur capacité pulmonaire…
  • L’inquiétude quant à la maladie occupe une place centrale dans la vie des personnes qui souffrent d’hypocondrie. Elles évitent les activités normales par peur de tomber malades. Elles peuvent ainsi, par exemple, refuser de s’asseoir sur le même canapé que le reste de la famille. Aussi, toutes leurs conversations tendent à tourner autour de la maladie
  • Ce trouble est généralement associée au doctor shopping (recherche insistante d’une assistance médicale). Cette recherche peut se traduire par de nombreux appels vers les plateformes téléphoniques dédiées au nouveau coronavirus. Ce trouble est aussi associé à la cybercondrie. Ce terme désigne une recherche compulsive sur Internet des symptômes d’une maladie. Néanmoins, il est aussi important de préciser que certaines personnes hypocondriaques refusent de voir un médecin par peur que leur hypothèse soit confirmée
  • Les personnes hypocondriaques ont généralement un niveau d’anxiété élevé et peuvent présenter des symptômes somatiques

L’hypocondrie : qui est concerné par ce trouble et quelle est son évolution ?

L’hypocondrie affecte entre 1 et 5 % de la population générale. Ce pourcentage est légèrement plus élevé au sein de la population clinique, entre 2 et 7 %.

Ce trouble affecte de la même manière les hommes et les femmes. Il peut survenir à tout âge mais, généralement, il survient à l’âge adulte. Le pic de prévalence se situe entre 30 et 40 ans.

En ce qui concerne l’évolution du trouble, il est généralement chronique et il est très rare qu’il disparaisse complètement. Les symptômes ont tendance à fluctuer. Pendant certaines périodes, les symptômes sont minimes. Pendant d’autres périodes, notamment lorsque les circonstances sont mauvaises comme en ce temps de pandémie, le tableau clinique est plus grave.

Comment devient-on hypocondriaque ?

Il existe différentes explications au sujet de l’origine de ce trouble. Nous passons ici en revue les théories les plus actuelles.

Depuis la perspective cognitivo-perceptive, l’hypocondrie est une manifestation d’une altération au niveau cognitif ou perceptif. À partir de ce constat, plusieurs hypothèses ont été développées :

  • Barsky et Kleman expliquent que les personnes hypocondriaques ont un style attentionnel qui se caractérise par l’amplification des signaux corporels. En raison de cela, ces personnes sont très attentives à tous les signaux corporels désagréables ; elles sélectionnent les symptômes légers et ont tendance à considérer certaines sensations normales comme étant anormales
  • Pour sa part, Keller explique que, d’un côté, certaines expériences précoces prédisposent aux symptômes somatiques. De l’autre côté, certains facteurs agissent comme des déclencheurs. L’apprentissage précoce de comportements liés à la santé (auto-examen des grains de beauté, par exemple) peut favoriser l’hypocondrie
  • Warwick et Salkovskis ont élaboré un modèle qui explique que les expériences liées à la maladie provoquent la formation de croyances dysfonctionnelles en matière de santé. Ces croyances latentes se manifestent lorsqu’un événement critique se produit, provoquant alors l’apparition de pensées négatives automatiques et générant une plus grande anxiété qui incite la personne à être attentive au moindre symptôme

Par ailleurs, depuis la perspective psychosociale, l’hypocondrie est perçue comme un moyen de communication particulier. Cette perspective soutient que les personnes hypocondriaques ont des déficits communicationnels et s’expriment via les symptômes.

Que doit-on faire si l’on souffre d’hypocondrie ?

Le plus important est de solliciter l’aide d’un psychologue pour gérer l’anxiété, la peur et les pensées négatives. Les recommandations ci-dessous peuvent vous aider dans un premier temps.

  • Prenez conscience du problème : analysez votre expérience et les facteurs qui déclenchent les pensées hypocondriaques
  • Changez le centre de l’attention : apprenez, par exemple, des techniques de méditation pouvant vous aider à être dans le moment présent
  • Évitez de lire constamment des informations au sujet de la pandémie ou de rechercher sur Internet des informations sur les symptômes de la maladie.Faites en sorte que votre vie ne tourne pas autour du problème. Faites de vos pensées positives votre meilleure arme
  • Ne laissez pas les pensées négatives vous dominer
  • Cherchez des explications alternatives pouvant expliquer vos sensations
  • Évitez l’effet “ours blanc”. Tenter d’éviter de penser à un ours blanc renforcera les pensées sur cet ours. C’est la même chose avec les symptômes et les sensations corporelles
  • Ne vous sentez pas coupable
  • Évitez le dramatisme excessif : gardez à l’esprit que ce que vous ressentez sont des sensations somatiques, conséquence d’une émotion négative. Ces sensations dérangent, mais elles ne sont pas dangereuses et elles finiront pas disparaître.
  • Valorisez vos avancées : récompensez-vous
Une thérapie psychologique pour traiter l'hypocondrie

Comment peut-on aider quelqu’un qui souffre d’hypocondrie ?

Les points énumérés ci-dessous sont de bonnes recommandations à mettre en pratique :

  • Faites preuve d’empathie, soyez patient et ne portez pas de jugement : tentez de vous mettre à la place de l’autre et imaginez la peur que cette personne peut ressentir à l’idée qu’elle soufre d’une maladie (de la COVID-19, dans le contexte actuel)
  • Encouragez la personne à solliciter l’aide d’un psychologue
  • Ne renforcez pas ses préoccupations hypocondriaques
  • Évitez de surprotéger la personne
  • Si la personne a une consultation médicale à laquelle elle a peur de se rendre et que vous ne pouvez pas l’accompagner en raison de la quarantaine, aidez-là à rester calme
  • Ne cédez pas à son souhait de consulter un médecin juste pour s’assurer que tout va bien. Ou encore d’appeler de nombreuses fois les plateformes téléphoniques consacrées au coronavirus. Céder à ses envies ne fera qu’atténuer son anxiété à court terme, mais le problème se maintiendra à long terme
  • Aidez-la à se centrer sur les pensées positives
  • Encouragez-la à réaliser des activités divertissantes
  • Encouragez-la à être fière de ses petites avancées

En somme…

L’hypocondrie est difficile à gérer, car elle est étroitement liée à des troubles de l’anxiété. Le confinement nous met dans une situation à laquelle nous ne sommes pas du tout habitués et qui favorise l’apparition des symptômes de l’anxiété. Il n’est pas étonnant que la quarantaine et le contexte de pandémie aggravent ces symptômes chez les personnes qui souffrent d’hypocondrie.

Les recommandations citées précédemment peuvent être utiles, mais elles ne résoudront pas le problème. L’idéal est de suivre un traitement spécialisé ou de continuer le traitement déjà en cours une fois la quarantaine terminée.


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