Trainspotting, ou les effets des addictions

Trainspotting, ou les effets des addictions
Leah Padalino

Rédigé et vérifié par critique de cinéma Leah Padalino.

Dernière mise à jour : 10 novembre, 2022

Trainspotting est un film écossais sorti en 1996, réalisé par Danny Boyle ; un grand classique du cinéma européen qui a même connu une suite 20 ans après, T2: Trainspotting. Ce qui est certain, c’est que malgré le temps qui a passé depuis la sortie de Trainspotting, il est difficile d’oublier ses personnages iconiques, leurs réflexions particulières sur la vie et le monde trouble dans lequel ils vivent. Trainspotting n’est pas un film pour tous publics – il ne cherche d’ailleurs pas à l’être -, ce n’est pas un film dramatique, et pas non plus une comédie…

Trainspotting, c’est autre chose, c’est un outsider, c’est le portrait d’une société qui est devenue addict aux drogues, et plus particulièrement à l’héroïne. C’est là que le film nous porte, face à de véritables philosophes du XXe siècle qui choisissent de vivre en marge de la société, et dont la seule aspiration dans le vie consiste à être “défoncés”. Tout cela peut sembler très violent, mais en voyant le film, on découvre tout un univers fascinant, un point de vue qui a rarement été traité avec autant de profondeur au cinéma.

Trainspotting est agressif, direct et sarcastique. Les personnages sont vraiment bien construits et les scènes sont très hétéroclites : on peut y voir les rues d’Édimbourg, les pires toilettes de toute l’Écosse, une overdose musicalement illustrée par Perfect Day, morceau mythique de Lou Reed, la perturbante scène du bébé, etc.

Indubitablement, il s’agit d’un film qui a traversé et continuera à traverser les époques, qui parle sans tabous. Il est empli de métaphores, et accompagné par une bande son des plus pertinentes ; une véritable oeuvre d’art du XXe siècle.

“Peu de temps après, Spud, Sick Boy et moi avons pris la décision saine, réfléchie et démocratique de nous remettre à l’héroïne le plus tôt possible.”

-Renton, Trainspotting-

La philosophie de Trainspotting

Le film est plus particulièrement centré sur 4 personnages, chacun d’eux ayant des motivations et des perspectives de la vie très différentes :

  • Renton : il est le protagoniste. C’est un jeune addict à l’héroïne qui un jour décide de se désintoxiquer.
  • Spud : ami de Renton, il est probablement le personnage le plus accro et le plus affecté par la consommation. Il est considéré comme le “défoncé” par excellence, un peu “nigaud” à cause des drogues. Cependant, Spud ne manifeste aucun type de méchanceté, et c’est le seul qui pourrait vraiment être considéré comme un ami.
  • Sick Boy : un autre des amis de Renton, même si sa loyauté est très douteuse : en comprenant que Renton compte arrêter les drogues, il décide de faire la même chose uniquement pour l’énerver. Il est caractérisé par sa passion pour le cinéma et sa totale immoralité.
  • Begbie : il est le plus âgé du groupe, mais aussi le plus conflictuel. Il n’est pas addict, mais il s’agit tout de même d’un personnage très violent. Il fuit la police, et les trois autres semblent avoir peur de lui, qui prend quelque peu la place du leader.

Pour eux, la “vie normale” est une sorte d’esclavagisme : elle consiste à travailler pour payer les factures, pour avoir une télévision géante, choisir un partenaire, des amis, une profession… Tout semble reposer sur des choix, mais ce sont des choix complètement conditionnés qui correspondent au moule social établi. Qu’arrive-t-il à ceux qui ne veulent pas choisir ? Ils décident de vivre totalement en marge de ce système.

“Prenez le meilleur orgasme que vous n’ayez jamais eu, multipliez-le par mille, et vous n’y serez même pas encore.”

-Renton, Trainspotting-

Pour Renton, choisir une vie rangée et suivre le modèle social est compliqué, ennuyeux et vide. C’est pourquoi il décide d’être addict, ainsi, sa seule préoccupation est de gagner de l’argent pour pouvoir consommer. Trainspotting nous rapproche d’une autre philosophie de vie, du point de vue de la personne addict. Renton lui-même nous explique que son choix est très simple, qu’il s’agit de plaisir pur, et de rien de plus ; il sait bien que les conséquences de son addiction ne seront pas bonnes, il a tout à fait conscience des risques qu’il encourt en entrant dans ce monde ; mais il décide d’y entrer malgré tout.

Nous nous trouvons, par conséquent, face à une sorte d’hédonisme contemporain, en marge de ce qui est établi, où le bonheur et le but de la vie se résument en un seul mot : plaisir. D’autre part, cette recherche du bonheur absolu ne peut être atteinte qu’au travers de la consommation.

renton et sick boy

Malgré cette recherche effrénée de plaisir pur, Renton nous explique que tous, ou presque tous, à un moment donné, ont décidé de s’éloigner des drogues, de revenir au monde réel et de mener ce qui est considéré comme une vie normale. La scène des toilettes est cruciale pour comprendre cette décision, car il s’agit d’une sorte de portrait de la vie de Renton ; c’est une scène désagréable, mais très complexe. Les toilettes sont le reflet de sa vie, de sa relation avec l’héroïne.

Trainspotting met sous nos yeux une autre perspective de la vie, et nous explique l’origine de ce choix. Pour ces personnages, le monde réel est synonyme d’esclavagisme, de malheur ; c’est pourquoi ils décident d’échapper à cette réalité et de se submerger dans un nouvel état mental ; une autre forme de vie qui surgit, précisément, comme réaction au système.

“Lorsque vous êtes défoncé, vous n’avez qu’une seule préoccupation : prendre du plaisir ; et lorsque vous redescendez, soudain, vous devez vous préoccuper d’un million d’autres merdes.”

-Renton, Trainspotting-

Trainspotting et les addictions

Transpotting nous rapproche de la réalité des personnes dépendantes des drogues, de ce “monde parallèle” que nous ne voyons pas, mais qui existe. Trainspotting n’est pas une ode aux drogues, mais plutôt le portrait d’une génération et des répercussions qu’a eu l’abus de substances sur elle. A la fin du XXe siècle, l’héroïne a été une sorte d’épidémie : de nombreux jeunes y sont tombés et beaucoup y ont laissé leur vie, non seulement par abus, mais aussi car cela a favorisé la propagation de maladies telles que le VIH. Tout cela, en plus des réflexions philosophiques des personnages, apparaît dans Trainspotting.

Trainspotting, c’est le voyage de Renton, le voyage des addictions ; de l’extase et de l’euphorie initiale, on passe à la misère et à une chute dans le vie sans parachute. Au milieu de tout cela apparaît le personnage de Diane, une jeune adolescente avec laquelle Renton entretient une relation. Cette fille, malgré sa jeunesse, sera une sorte de conscience pour Renton, elle sera celle qui apportera un peu de réalité dans sa vie, celle qui le fera voir que le monde change, que la musique qu’il écoute n’est plus à la mode et qu’il y a bien d’autres chemins à emprunter que celui de la drogue.

renton

Le monde avance à une vitesse vertigineuse, tout change, des goûts aux professions. Mais dans le monde où vivent Renton et ses amis, il semble que le temps s’est arrêté : ils vivent en marge, et ne se rendent pas compte de ce qui se produit autour d’eux. Tous ces changements, bien sûr, s’observent aussi dans le domaine des drogues : si à la fin du XXe siècle, l’héroïne était la drogue star, aujourd’hui, d’autres drogues telles que la cocaïne ont gagné du terrain. Dina nous avertit déjà de ce changement dans le film, mais on le voit aussi bien reflété dans la suite, T2: Trainspotting.

Trainspotting nous rapproche également du difficile processus de désintoxication. Renton se prépare minutieusement à supporter le manque le mieux possible, il s’enferme dans une chambre et s’arme de tout un arsenal de produits “anti-manque”, dont le valium. Renton nous dit qu’il a réussi à décrocher grâce à sa mère, qui “est aussi, du fait de sa vie casanière et socialement acceptable, une drogue addict”, questionnant ainsi l’usage de certains médicaments.

Trainspotting approfondit la perspective de la personne dépendante des drogues d’une manière très audacieuse, traitant absolument tout : de la première prise de contact à la désintoxication et la rechute, en passant par l’addiction à l’état pur. D’une situation désagréable, Danny Boyle a réussi à faire un film fascinant qui nous permet de comprendre une réalité qui, souvent, nous est étrangère.

“Je n’ai pas choisi la vie, j’ai choisi autre chose. Les raisons ? Il n’y a pas de raison, qui a besoin de raison lorsqu’il a l’héroïne ?”

-Renton, Trainspotting-

 


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