Mémoire des témoins : la qualité de la mémoire

Mémoire des témoins : la qualité de la mémoire
Sara Clemente

Rédigé et vérifié par Psychologue et journaliste Sara Clemente.

Dernière mise à jour : 27 janvier, 2023

La mémoire nous trahit. Son contenu, ses souvenirs, sont loin d’être une fidèle reconstitution de la réalité. Quand nous racontons quelque chose, nous le faisons à chaque fois d’une manière légèrement différente. En fait, en psychologie légale, on demande aux témoins de ne parler à personne des faits, dans le but de ne pas contaminer les souvenirs. C’est curieux de voir comment fonctionne notre esprit, et tout particulièrement, la mémoire des témoins. Peut-on jamais se souvenir de quelque chose qui ne s’est pas produit ?

La mémoire des témoins est l’ensemble des connaissances et des recherches vouées à établir la qualité des témoignages fournis par les témoins oculaires. De nombreux auteurs ont contribué à ce domaine, si peu connu dans le domaine judiciaire et médico-légal.

Hypothèse reconstructive

Elizabeth Loftus, mathématicienne et psychologue spécialisée dans ce domaine, assure que la mémoire peut être manipulée et, par conséquent, il est possible «d’introduire» de faux souvenirs par suggestion. En particulier, il considère que la mémoire des témoins est reconstructive. Pourquoi ?

témoin tentant de rafraîchir sa mémoire

Quand quelqu’un est témoin d’un fait, il stocke deux types d’informations. D’une part, ce qui a été obtenu en témoignant de ce fait et, d’autre part, ce qui a été fourni par la suite. Les deux sont intégrés, donnant lieu au phénomène de la reconstruction. La personne peut en venir à se souvenir de détails de l’événement qu’il n’a pas vraiment vus, et vice versa, il peut en avoir oublié d’autres qu’il a perçus.

“Pourquoi avons-nous affaire à des souvenirs reconstruits ? Parce que le cerveau a horreur du vide.”

-Scott Fraser-

Principaux facteurs de l’exactitude de la mémoire d’un témoin

Lorsqu’une personne est témoin d’un délit ou d’un crime, il est nécessaire de prendre en compte une série de facteurs. De sa variabilité dépend qu’un souvenir soit considéré comme plus ou moins précis et, par conséquent, plus ou moins valide.

Témoignage suspect

En temps normal, une personne n’enregistre que 20% de ce qu’elle voit. Et, dans le cas des témoins d’un événement, ce pourcentage diminue encore plus. Parce qu’ils ne s’attendent pas à la survenue de cet événement et à sa brièveté.

En outre, dans ces moments-là, survient l’effet connu sous le nom «d’aveuglement au changement» : nous ne sommes alors pas en mesure d’apprécier les changements qui se produisent dans l’environnement d’une personne. Cela se produit parce que nous ne faisons pas attention à eux ; bien qu’il s’agisse de quelque chose de pertinent, nous ne faisons pas cas des détails, mais restons dans le général (vol à l’arrachée, attaque, arme …). Et nous commettons des erreurs d’appréciation qui dans la mémoire des témoins sont généralement la clé.

Les expectatives antérieures

De nombreuses études assurent que ce dont nous nous souvenons n’est pas seulement limité à ce que nous avons vécu directement, mais aussi à ce que nous mémorisons de nos attentes. C’est-à-dire, la connaissance et le contenu que nous avons acquis d’autres expériences antérieures liées à l’événement (Bransford et Franks, 1971).

Ce souvenir de ce que nous nous attendions à voir, Bartlett l’explique très bien avec sa mémoire reconstructive. Dans ses recherches, il a montré que les reproductions faites par les lecteurs de son célèbre récit La guerre des fantômes ont divergé de la version originale. Ces distorsions se référent à une simplification excessive, telle que l’omission des détails et au changement de ceux-ci par d’autres inhérents au sujet.

Questions captieuses

Les témoins peuvent modifier la nature de leurs souvenirs à cause de ce qui se passe après qu’ils aient observé le crime. En fait, les questions posées aux témoins influencent – et beaucoup – ce dont ils se souviennent. Comme une “consolation”, les études nous disent que normalement ces distorsions affectent les détails périphériques ou mineurs, donc elles n’influencent pas pour autant les conséquences du témoignage.

la police parle à un témoin

Différences individuelles

L’analyse de la mémoire des témoins a  prouvé que les enfants et les personnes âgées sont plus vulnérables aux distorsions. Les enfants sont moins précis, tandis que les anciens sont plus convaincus de LEUR vérité. Autrement dit, ils font davantage confiance à la véracité de leurs faux souvenirs.

De même, il y a un biais dans l’âge du témoin. Au moment d’identifier un coupable, plus la différence d’âge du présumé coupable et celui du témoin est faible, plus le témoignage est précis.

Témoin de confiance

En général, l’assurance dont fait montre un témoin dans l’identification du coupable n’est pas un bon indicateur de l’exactitude de ce que dit le témoin. Peu importe la quantité de détails, l’émotion dont il témoigne ou sa capacité de conviction ne sont généralement pas synonymes de véracité.

Facteurs de situation

En général, les niveaux moyens d’activation sont les plus appropriés pour se souvenir avec précision. Si le sujet a des pics d’anxiété ou de stress, réduisez la capacité de se souvenir.

De même, la mémoire des témoins confirme qu‘un événement violent se mémorise avec plus de force qu’un événement non violent. L’effet de focaliser l’arme est particulièrement curieux. Les témoins accordent tellement d’attention à l’arme de l’agresseur que leur champ d’attention se réduit à celle-ci, ignorant les autres détails. La violence fait que les témoins ont un meilleur souvenir de l’expérience centrale (pistolet) et moindre des périphériques.

Ainsi, en de nombreuses occasions, nous manifestons une foi aveugle dans notre capacité à percevoir tout ce qui se passe autour de nous. Cependant, nous pouvons nous montrer incapables de détecter tous les changements qui ont lieu dans notre environnement. Par conséquent, nos souvenirs sont fragiles et la mémoire des témoins en est témoin.

 


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