Les théories intuitives face à ce qu'enseignent les écoles

Les théories intuitives face à ce qu'enseignent les écoles
Alejandro Sanfeliciano

Rédigé et vérifié par Psychologue Alejandro Sanfeliciano.

Dernière mise à jour : 27 décembre, 2022

Avant d’en parler plus en détails, essayons de préciser ce que sont les théories intuitives. Un enfant n’est pas un esprit vide avant d’entrer à l’école, avant de commencer à étudier l’enfant a déjà créé une série de théories qui expliquent sa réalité, il s’agit des théories intuitives.

Dès lors, à quoi correspondent les théories intuitives de l’enfant ? Ces théories ne reposent pas sur une analyse exhaustive de la réalité, au contraire. Les théories intuitives reposent sur un raisonnement rapide de la perception de sa réalité et représentent le sens commun de l’enfant. Un exemple de théorie intuitive peut être que l’enfant pense que la terre est plate.

Étant créés par le sens commun, ces théories sont incorrectes ou très imprécises. Si nous voulons que les enfants apprennent vraiment ce qu’est la réalité, nous devons pouvoir rompre avec ces théories intuitives et les remplacer par celles qui expliquent correctement les faits. Cela ressemble à un travail scolaire. Mais l’école s’occupe-t-elle de cela, remplit-elle vraiment cette fonction ?

Bien que nous ayons abordé les théories intuitives du point de vue de l’enfance, ces dernières se forment et existent tout au long de notre vie. Chaque fois qu’un événement se produit, qu’il soit physique, social, politique…qui échappe à nos connaissances, notre cerveau génère une théorie qui l’explique à travers notre sens commun. Un sens commun qui est souvent erroné ou imprécis pour démêler les grands phénomènes, ce qui n’en fait pas moins un allié essentiel de notre quotidien.

le petit prince

Les théories intuitives et l’école

Nous sommes ici confronté-e-s à un problème, notre système éducatif planifie les cours comme si les étudiant-e-s étaient des sujets passifs. Pour l’école, les élèves sont comme des verres vides qu’elle se doit de remplir de connaissances. Il n’en est rien toutefois : l’étudiant-e est comme une plante qu’il faut arroser pour qu’elle se développe librement.

Tout d’abord, parlons de la raison pour laquelle l’école considère les élèves comme des verres vides. Si nous nous référons à une classe typique, nous trouvons environ 20 ou 30 élèves assis-es devant un-e enseignant-e qui explique, à l’aide d’un tableau noir, une série de contenus que les élèves devront mémoriser pour ensuite les réutiliser lors d’un examen. Dans ce modèle didactique, il est clair que les élèves ne sont que des sujets passifs de l’apprentissage : leur rôle consiste uniquement à écouter le/la professeur-e et à faire ce qu’iel leur dit.

La situation passive des élèves fait que ces dernier-ère-s ne parviennent pas à une comprendre en profondeur les contenus, qu’iels mémorisent simplement ce que le/la professeur-e leur expose. Eu égard à cette situation, que se passerait-il si un-e élève disposait d’une théorie intuitive erronée et recevait la bonne information, laquelle l’aiderait à rompre avec la théorie intuitive, de manière passive ? La réponse est que l’élève continuerait de croire en sa théorie intuitive tout en conservant la bonne théorie dans un coin de sa tête, même si les deux sont contradictoires.

Deux théories contradictoires dans une même tête

Comment est-il possible que l’élève conserve deux théories contradictoires à la fois dans sa tête ? Ne comprenant pas en profondeur la bonne théorie, l’élève ignore les contradictions qui existent avec sa théorie intuitive. Lorsque l’élève sera à l’école et que l’enseignant-e l’interrogera, iel fera appel à sa mémoire et répondra avec la bonne théorie. En revanche, lorsqu’iel se trouvera face à un problème réel, iel fera appel à sa théorie intuitive, c’est-à-dire à celle en laquelle iel croit réellement.

Pour comprendre cela, nous pouvons mettre en pratique un petit d’exercice. Je souhaiterais que vous preniez un moment pour réfléchir à la question suivante : si nous sautons très haut alors que nous montons un escalier mécanique, sur quelle marche allons-nous atterrir : sur celle où nous étions, sur l’antérieure ou la suivante ?

L’intuition nous dit qu’en sautant, nous restons dans l’air alors que l’escalier mécanique continue de monter, de sorte que nous atterrissons sur la marche suivante ; mais cela est faux, la loi de Newton relative à l’inertie nous dit que tout corps en mouvement se maintien en mouvement lorsque aucune force ne vient interagir, de sorte que nous atterririons sur la même marche, car nous conserverions le mouvement – la vitesse sur l’axe correspondant – de l’escalier mécanique pendant le saut.

Si vous avez répondu correctement à la question, je vous félicite, si vous avez échoué, ne vous inquiétez pas, des problèmes de ce type ont été posés à des étudiant-e-s récemment diplômé-e-s en physique, lors d’une étude menée par le psychologue J. Clement, et 88% d’entre elleux ont donné une mauvaise réponse. Nous avons ici la preuve de la façon dont les étudiant-e-s, bien qu’iels puissent faire des exercices de physique compliqués en utilisant parfaitement les théories qu’iels ont appris pendant les cours, lorsqu’iels sont confronté-e-s à une question n’entrant pas dans le cadre académique, font appel à leurs théories intuitives.

Existe-t-il une solution à ce problème ?

La solution pour que triomphent les théories qui expliquent correctement la réalité est de parvenir à une compréhension approfondie des faits qui rendent fausses les théories intuitives pour un même phénomène. Malheureusement, le système éducatif actuel n’est pas capable de dispenser un apprentissage légitime des connaissances car il ne tient pas compte de l’élève en tant qu’agent actif de son propre apprentissage.

théories intuitives

Afin d’obtenir une compréhension profonde et de rejeter les théories erronées, la salle de classe doit être un lieu de débat où les élèves peuvent exposer leurs théories et, avec l’aide de l’enseignant, les ajuster afin de les rapprocher de la bonne théorie relative aux faits.

La question à laquelle nous devons répondre est : comment pouvons-nous transformer la salle de classe en espace de débat ?


 


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