Le ministère de la Solitude au sein du gouvernement du Japon

Il n'a jamais été aussi facile de communiquer avec l'autre côté de la planète, et il n'a jamais été aussi difficile de communiquer avec ceux que nous avons à nos côtés. Aujourd'hui, nous parlons d'un problème contre lequel la société japonaise se bat depuis longtemps.
Le ministère de la Solitude au sein du gouvernement du Japon
Cristina Roda Rivera

Rédigé et vérifié par Psychologue Cristina Roda Rivera.

Dernière mise à jour : 27 décembre, 2022

Pour tenter de résoudre les problèmes de santé mentale au Japon, le gouvernement a créé le ministère de la Solitude. À cette fin, il a récemment nommé Tetsushi Sakamoto au poste de ministre responsable.

Le ministère de la Solitude doit pallier les très graves problèmes d’isolement dans la société japonaise. L’initiative a été prise après que le Japon a connu une augmentation des taux de suicide pour la première fois en 11 ans.

Le Japon a salué la création de ce ministère de la Solitude qui a pour but de changer la situation de nombreuses personnes isolées. Un phénomène qui s’est encore plus répandu pendant la période où la pandémie a contraint au maintien des distances de sécurité. C’est une réponse aux chiffres inquiétants du suicide et du retrait social.

De nombreux professionnels de la santé ont salué cette décision, car le Japon constate une détérioration de la santé mentale chez les personnes âgées, les femmes qui travaillent, les travailleurs à temps partiel et les chômeurs.

Sakamoto a déclaré que la première tâche consiste à identifier qui est déjà isolé ou seul, ainsi que qui risque d’être isolé de la société.

Le ministère de la solitude au Japon.

Le ministère de la Solitude : une réponse à la hausse des suicides

La pandémie a intensifié le phénomène. La société japonaise subit depuis des années les conséquences de l’absence de liens entre les membres de sa société. À la suite de la pandémie, des milliers de personnes ont été retirées de leur environnement de travail normal. Les contacts sociaux japonais ont encore été dréduits.

Les élèves ont peur et sont angoissés. Beaucoup ont perdu leur emploi à temps partiel et sont incapables de payer leurs études dans une société hautement compétitive. Les travailleurs des industries du divertissement et de l’hôtellerie souffrent également de la baisse des revenus, ainsi que les femmes, qui ont tendance à occuper des emplois moins bien rémunérés dans le secteur des services.

Les femmes ont été particulièrement touchées par la situation actuelle

Il est particulièrement préoccupant de voir le nombre de suicides augmenter chez les femmes. Beaucoup d’entre elles ont été retirées de leurs environnements d’interaction et ont souvent une charge de travail plus importante à la maison, ou bien elles doivent s’occuper de parents âgés. Les mères célibataires sont encore plus touchées, car la disponibilité des grands-parents pour s’occuper de leurs petits-enfants a été considérablement réduite.

La solitude, un problème depuis des années

En 2010, le Japon a signalé 31 600 suicides, un nombre qui était tombé à 20 169 en 2019. L’augmentation alarmante des suicides, en particulier chez les femmes, a été attribuée à la situation actuelle.

Le nombre de cas de suicide au Japon a augmenté de 3,7 % entre 2019 et 2020 pour un total de 20 919 décès.

La prévalence des problèmes de santé mentale était déjà très élevée avant la pandémie, mais les pertes d’emplois, les protocoles de distanciation sociale et autres restrictions pratiquement incompatibles avec les interactions sociales ont rendu encore plus difficile la lutte contre le désespoir.

Le Royaume-Uni a été le premier pays à nommer un ministre de la solitude en 2018. Cela a eu lieu après qu’un rapport de 2017 a révélé que plus de neuf millions de personnes se sentaient souvent ou toujours seules. Le Royaume-Uni a déjà connu trois ministres de la solitude en trois ans.

Pourquoi y a t-il tant de problèmes de santé mentale au Japon ?

Le Japon est une société collectiviste. L’importance du service qu’un Japonais rend à son pays se conjugue avec une grande compétitivité individuelle. Pour les Japonais, se former, prospérer et lutter pour une société avancée est un idéal commun.

D’où des valeurs civiques incroyables telles que le respect des quarts de travail, la persécution de la corruption, la propreté des espaces publics, le soin extrême des plantes et des jardins, etc. Tout cet idéal serait positif si le travail n’occupait pas une place aussi centrale.

Les conséquences de la pression

La responsabilité et la pression ont marqué la santé mentale de nombreux jeunes. Ils ont retardé la formation d’une famille ou mis fin à des relations. La plupart des jeunes préfèrent choisir leur carrière professionnelle et se privent de tout ce qui pourrait les “distraire”.

En revanche, d’autres jeunes, épuisés et dépassés par la pression sociale, “se sont retirés de la compétition”, et ce faisant, ils se sont également retirés de leur propre vie. Ils ont également fermé le reste des domaines de leur vie. Ils choisissent de vivre dans la maison de leurs parents pour toujours, isolés dans leur chambre, qu’ils ne quittent plus du tout.

Plus grave encore : les heures de travail intenses laissent très peu de place aux relations sociales. Les Japonais, déjà introvertis, sont presque à court d’options.

Le télétravail et le manque de rassemblements sociaux pendant la lutte du Japon contre la situation actuelle ont augmenté le stress et le renforcé le sentiment de solitude.

Le but du ministère de la Solitude.

Le ministère de la Solitude : un voyage collectif qui vient de commencer

Sakamoto entend réunir différents spécialistes pour dresser une liste de priorités. Il espère promouvoir des activités qui évitent la solitude et l’isolement social et protègent les liens entre les personnes. Les mesures comprennent également la revitalisation régionale, ainsi que la lutte contre la baisse du taux de natalité au Japon.

Il existe une coordination entre le ministère de la Solitude nouvellement créé et le ministère de la Santé dans la prévention du suicide et avec le ministère de l’Agriculture dans les banques alimentaires. L’idée est de travailler de manière globale et de prendre une série de mesures urgentes. Le ministère de la Solitude saura-t-il répondre aux attentes qui ont été déposées en lui ?

On ne sait pas quels seront les résultats, mais la lutte contre la dépression passe par la lutte contre la pauvreté, l’isolement, la stigmatisation de la maladie mentale et la délégitimation de la valeur d’une personne associée à son travail. Seule une réponse de groupe peut résoudre un problème collectif qui se manifeste de différentes manières chez les individus.


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