Le cerveau bilingue

Comment l'apprentissage des langues affecte-t-il notre cerveau ? Comment cela impacte-t-il nos performances cognitives ? Est-ce que le fait d'apprendre une autre langue nous ouvre vraiment des portes dans le monde du travail ? Nous vous disons tout à ce sujet dans cet article.
Le cerveau bilingue
María Vélez

Rédigé et vérifié par le psychologue María Vélez.

Dernière mise à jour : 27 janvier, 2023

Pendant longtemps, on a cru que le fait de parler plusieurs langues diminuait les capacités cognitives. On a même pensé qu’un cerveau bilingue pouvait conditionner certaines valeurs morales. Pire encore, on a cru que cela pouvait influencer les tendances politiques des personnes concernées.

Cependant, nous en savons désormais plus sur le fonctionnement du cerveau bilingue et nous pouvons affirmer que le fait de parler plusieurs langues présente plus de bénéfices que de désavantages.

Nous vous proposons ici une description des principales découvertes concernant le fonctionnement et les caractéristiques du cerveau d’une personne bilingue. Certaines de ces conclusions sont intuitives, d’autres peuvent cependant vous surprendre.

Le bilinguisme

Le bilinguisme est défini comme la capacité d’une personne à utiliser deux ou plusieurs langues (on parle alors de multilinguisme) dans n’importe quelle situation. Et ce, avec la même efficacité sur le plan de la communication.

On peut alors même faire une distinction entre le bilinguisme simultané et le bilinguisme successif. Le premier fait référence à l’acquisition de deux langues dès la naissance.

On parle cependant de bilinguisme successif lorsqu’une personne apprend une deuxième langue après en avoir appris une première. C’est par exemple le cas lorsque vous suivez des cours ou lorsque vous vivez dans un autre pays.

Plus de la moitié de la population mondiale est considérée comme bilingue. Selon les régions ou les pays, les pourcentages de population bilingue varient. Dans le cas de l’Europe, c’est le cas de 56 % de la population. Au Canada, 20 % des personnes parlent plusieurs langues, et au Luxembourg, 99% des habitants sont bilingues !

Mots inscrits sur des bouts de papier.

Ce grand nombre de personnes bilingues a conduit les chercheurs du domaine de la psychologie cognitive à s’intéresser aux processus qui en sont à l’origine. Ainsi, il a été constaté que les personnes monolingues et bilingues présentent des trajectoires de développement cognitif, d’efficacité et même de performance cognitive différentes.

Une des caractéristique du bilinguisme au niveau cérébral et au niveau fonctionnel est la neuroplasticité. C’est-à-dire la capacité du cerveau à se modifier en fonction de l’expérience. De plus, le bilinguisme est une faculté principalement déterminée par l’environnement, et non par des facteurs personnels. C’est pourquoi, la science s’intéresse tant à ce phénomène.

Les caractéristiques cognitives du cerveau bilingue

Au cours du développement du langage dans la petite enfance, l’apprentissage de plus d’une langue n’a pas d’effets négatifs significatifs. Cependant, le bilinguisme entraîne un certain nombre de problèmes et davantages au niveau fonctionnel.

Les bilingues considèrent que l’une des deux langues qu’ils maîtrisent est dominante, alors que l’autre est secondaire. Et ce, même s’ils les apprennent simultanément.

Pour cette raison, l’utilisation de la deuxième langue impliquera toujours un effort cognitif plus important que l’utilisation de la langue dominante. Cet effort se reflétera sur leur performances lorsqu’il s’agira de parler la langue non dominante. Cependant, il existe également des différences entre les monolingues et les bilingues lorsqu’ils utilisent leur langue dominante.

Les inconvénients pour les personnes bilingues

En général, il a été constaté que les compétences verbales des bilingues dans chaque langue sont plus faibles que celles des monolingues. Par exemple, ils ont un vocabulaire plus restreint. Cependant, si on compte le nombre de mots connus des deux langues confondus, le résultat est souvent différent.

On a également constaté que les bilingues sont plus lents à nommer des objets. Ils connaissent généralement aussi plus souvent cette sensation d’avoir le “mot sur le bout de la langue“. Lorsqu’ils pensent à un mot, les bilingues mettent plus de temps à le retrouver. Cependant, cet effet est moins marqué lorsqu’il s’agit de mots ou phrases très courants.

La principale hypothèse pour expliquer ces difficultés est que lorsque les bilingues parlent, écrivent ou même écoutent un mot, ils ne peuvent s’empêcher de penser à ce mot dans l’autre langue. Par exemple, si une personne bilingue en espagnol et en français veut vous remercier en français, le mot “gracias” sera alors également inévitablement activé dans son esprit.

Les avantages d’un cerveau bilingue

Le fait que les deux termes soient activés en même temps, nécessite une grande capacité à sélectionner l’un d’entre eux et à inhiber celui à ne pas utiliser. La capacité cognitive qui leur permet de faire cela s’appelle le contrôle exécutif.

Ces fonctions exécutives (inhibition, déplacement d’ensembles et mémoire de travail) constituent un ensemble de compétences responsables du traitement des informations et de la sélection de celles qui sont réellement pertinentes et nécessaires. Et ce, tout en évitant les interférences.

Ainsi, on a observé chez les enfants et les adultes bilingues un meilleur contrôle exécutif par rapport aux monolingues. Cette capacité se traduit par une meilleure réussite scolaire, une meilleure santé mentale et un plus grand bien-être à long terme.

En outre, on a même constaté que cet avantage augmentait la réserve cognitive des bilingues. Ainsi, d’après une étude, les personnes bilingues peuvent retarder de quatre ans en moyenne l’apparition du déclin cognitif ou de la maladie d’Alzheimer.

“Un homme qui connaît deux langues vaut deux hommes.”

Dialogue bilingue.

Les caractéristiques du cerveau

En ce qui concerne le contrôle exécutif, des études faites par imagerie médicale ont montré que certaines zones du cerveau des personnes bilingues s’activent davantage. C’est par exemple le cas du noyau caudé de l’hémisphère gauche, du cortex préfrontal dorsolatéral, du cortex cingulaire ou encore du gyrus supramarginal.

Le cerveau bilingue présente une plus grande activité dans le noyau caudé de l’hémisphère gauche, le cortex préfrontal dorsolatéral, le cortex cingulaire et le gyrus supramarginal.

En outre, on a démontré que le cerveau d’une personne bilingue possède un plus grand nombre de neurones. Cela est peut-être dû à son exposition prolongée au bilinguisme. Une étude menée par Michelli et son équipe a en effet révélé une plus grande densité de matière grise dans les régions pariétales chez les bilingues italiens et anglais par rapport aux monolingues italiens.

On a également remarqué une plus grande quantité de matière blanche chez les adultes bilingues. La matière blanche permet une meilleure connectivité entre les différentes zones du cerveau. Ce phénomène a été observé principalement dans le corps calleux. Il s’agit de cette structure qui permet la connexion entre les deux hémisphères du cerveau.

Malgré l’idée longtemps répandue selon laquelle le fait de parler deux langues pouvait être une mauvaise chose et que cela pouvait présenter certains inconvénients, on sait aujourd’hui que les personnes qui parlent deux langues ont un meilleur contrôle cognitif et un meilleur contrôle de l’attention. Cet avantage cognitif influence également d’autres activités au-delà de la linguistique.

En effet, cela augmente la réserve cognitive, le degré d’activation et l’anatomie même du cerveau. En bref, parler d’autres langues nous permet de communiquer avec davantage de personnes, de voyager sans certaines limites, et également d’améliorer les performances de notre cerveau.


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