L'ingénierie sociale ou l'art de contrôler le comportement humain

La manipulation mentale des masses est une réalité évidente. C'est même devenue une science. On l'appelle l'ingénierie sociale et elle trouve dans l'ère numérique dans laquelle nous vivons des outils et des mécanismes très efficaces pour orienter un grand nombre de nos décisions quotidiennes.
L'ingénierie sociale ou l'art de contrôler le comportement humain
Valeria Sabater

Rédigé et vérifié par Psychologue Valeria Sabater.

Dernière mise à jour : 27 juillet, 2022

L’idée d’exercer un contrôle sur les êtres humains et de manipuler leur comportement remonte à la nuit des temps. L’ingénierie sociale que l’on définit comme étant l’effort de modifier la réalité en vue d’avoir un impact sur les attitudes, les idées et le comportement des gens, est aujourd’hui plus que jamais une réalité de grande envergure et une source de préoccupation.

Ce qui est sûr est que les personnes prennent des dizaines de décisions chaque jour. Cependant, nous le faisons sans avoir conscience que nombre de ces décisions sont influencées par des facteurs invisibles. Par exemple, le simple fait d’aller au supermarché et de choisir un produit plutôt qu’un autre dépend bien souvent de la publicité que nous absorbons chaque jour et qui influence notre comportement de consommateur.

Le vote électoral lui-même subit parfois les effets de toute cette mécanique manipulatrice dont nous ne sommes pas conscients. Parce que dans cette ère numérique, la manipulation humaine est plus facile que jamais. Nous nous croyons libres et maîtres de nos comportements alors qu’en réalité, nous sommes constamment guidés dans nos décisions par un système qui cherche à contrôler nos moindres gestes.

Les médias, les acteurs sociaux, la publicité et même l’industrie du divertissement… Nombreux sont les acteurs de l’ingénierie sociale qui influencent nos comportements quotidiens.

Homme qui regarde son portable.

Qu’est-ce que l’ingénierie sociale ?

On dit souvent que le premier cas relevant de l’ingénierie sociale se serait produit vers 1240 avant Jésus-Christ en Égypte. Ramsès II avait alors perdu la bataille de Qadesh contre l’alliance des royaumes syrien et hittite. Néanmoins, le pharaon ordonna la construction massive de monuments pour louer son image de pharaon imbattable et célébrer une victoire qui n’a jamais eu lieu.

Le but était ni plus ni moins d’influencer son peuple, de le convaincre que les égyptiens avaient un puissant dignitaire. De nos jours, des études telles que celles menées par Pereira, Lewis & Chirinos, Orlando. (2004) ont défini l’ingénierie sociale comme une tentative de contrôle et de bidirectionnalisation de la pensée, des croyances et des comportements de la population.

Cependant, bien que ce terme ait de fortes connotations négatives, il intègre également une perspective instrumentale positive. Dans toute société, il est nécessaire d’influencer les attitudes de la population afin de promouvoir des comportements souhaitables. Cette approche inclut beaucoup de domaines. Qu’il s’agisse du respect des lois aux politiques à suivre, comme par exemple le respect de l’environnement.

Il convient de noter que cette idée est née à la fin du XIXe siècle avec l’homme d’affaires hollandais J. C. van Marken dans le domaine économique. Cependant, l’idée n’a pas tardé à se répandre dans les sciences politiques et sociales.

“L’ingénieur social ne se pose aucune question sur la tendance historique de l’homme ou sur sa destinée. Il se considère plutôt comme le maître de son destin, c’est-à-dire capable d’influencer ou de changer l’histoire de la même manière qu’il est capable de changer la face de la terre.”

– Karl Popper –

Les modalités d’application de l’ingénierie sociale

À l’origine, l’ingénierie sociale visait à influencer les masses pour améliorer leurs conditions de vie. C’est finalement ce que cherche à faire in fine le pouvoir politique. Le philologue, politologue et activiste Noam Chomsky est l’un de ceux qui ont le plus analysé ce phénomène.

Une chose que nous devons comprendre est que l’ingénierie sociale repose toujours sur la manipulation psychologique. Par conséquent, il existe de nombreux domaines et contextes dans lesquels on peut avoir recourt à cette stratégie à des fins lucratives, à tel point que rien n’est fortuit.

Rien de ce que nous voyons dans les médias, rien de ce que nous faisons sur nos dispositifs électroniques ni de ce que nous lisons sur nos réseaux sociaux n’est le fruit du hasard. Apprenons donc comment s’articule cette ingénierie du contrôle humain.

La technique de la distraction

Cette méthode est notamment utilisée dans les médias grand public et dans l’arène politique. Elle consiste à diriger l’attention des masses vers des événements spécifiques, afin de déplacer complètement l’intérêt de certaines actualités politiques ou économiques. Il s’agit de l’écran de fumée classique.

La manipulation émotionnelle

Si cela vous passionne, on vous contrôle. Si on parvient à atteindre vos émotions pour vous effrayer, vous rendre triste ou susciter chez vous de l’empathie pour quelque chose ou quelqu’un, on a déjà détourné votre attention et même votre comportement.

Cette méthode est largement utilisée dans la publicité et dans le marketing pour orienter les décisions d’achat. Cependant, cette stratégie s’applique également très bien dans le domaine de la politique et dans les médias avec le clickbait par exemple.

Des figures d’autorité ou de pertinence culturelle

Scientifiques, experts en la matière et même acteurs, chanteurs ou influenceurs… Les personnalités reconnues socialement font également partie de l’ingénierie sociale. Il suffit qu’elles diffusent un message aux masses pour qu’une grande partie d’entre elles le considèrent comme vrai. Pire encore, elles auront alors tendance à imiter leurs comportements.

Créer des problèmes, puis introduire des solutions pour récolter le butin

C’est là un des autres grands classiques de l’ingénierie sociale. Souvent, certains groupes ou même certaines élites politiques peuvent souhaiter introduire un problème dans la société afin de mobiliser les masses. Plus tard, lorsqu’ils y apporteront une solution, l’impact sur la population sera important et ils s’en attribueront le mérite.

La prise de mesures douloureuses, la technique la plus courante de l’ingénierie sociale

Il existe une technique d’ingénierie sociale qui est utilisée maintenant depuis près d’un siècle. Elle consiste à convaincre la population qu’il est nécessaire de prendre des mesures douloureuses.

Il peut, par exemple, s’agir d’une augmentation des impôts. On présente alors cette mesure comme indispensable pour maintenir, par exemple, notre société de bien-être. Cela peut concerner aussi bien la santé, l’éducation, les retraites, etc. Cependant, cette règle de trois est bien souvent loin d’être tout à fait vraie.

La manipulation.

Les 6 principes qui régissent l’ingénierie sociale

Robert B. Cialdini, psychologue et professeur à l’Université d’État de l’Arizona (Etats-Unis), a écrit un livre intitulé Influence et manipulation. Cette ouvrage traite des 6 principes qui régissent l’ingénierie sociale. Il s’agit d’une série de processus psychologiques très spécifiques qui orchestrent notre comportement :

  • La réciprocité. Lorsque quelqu’un fait quelque chose pour nous, nous nous sentons obligés de renvoyer l’ascenseur.
  • L’urgence. Phénomène très fréquent en période de soldes, cette technique fait appel à la sensation de ne pas vouloir passer à côté d’une opportunité.
  • La cohérence. Les gens ont des habitudes et des coutumes, et les médias dominants se nourrissent de ces spécificités.
  • La confiance. Quand quelqu’un gagne notre confiance, il est plus facile pour lui de nous manipuler.
  • L’autorité. Toute figure ayant plus d’autorité que nous a un impact plus important sur notre comportement.
  • La validation sociale. Les êtres humains ont besoin de validation sociale, et les entreprises le savent bien.

L’ingénierie sociale et le monde numérique

Une grande partie de l’ingénierie sociale fait appel à nos biais cognitifs. Nous faisons confiance aux mauvaises personnes, nous considérons comme acquis les stimuli et les situations qui nous sont familiers, de sorte que nous n’y voyons pas de danger.

C’est monnaie courante dans les médias numériques et dans ces univers informatiques où il est si facile de nous manipuler pour en tirer un avantage. Voici quelques exemples d’ingénierie sociale présent sur Internet et qui nous mettent en danger chaque jour :

  • Phishing. Il s’agit d’un type d’attaque relevant de l’ingénierie sociale, qui consiste à envoyer des messages qui semblent provenir d’une source fiable. Cependant, leur but n’est autre que de vous tromper afin de vous voler des données personnelles ou financières.
  • Courriers indésirables. Ils cachent souvent de sérieuses escroqueries.
  • Baiting. Cette méthode frauduleuse fait appel à des équipements infectés par des logiciels malveillants.
  • Smishing est un autre type d’attaque via les textos ou SMS.
  • Pretexting. les attaquants se font passer pour des personnes que vous connaissez pour obtenir certaines de vos données personnelles.

En somme, on peut dire que l’ingénierie sociale fait appel à des techniques de manipulation particulièrement sophistiquées. Dans l’avenir, elle le fera certainement de plus en plus.

Ainsi, avec l’avènement de l’intelligence artificielle et des avancées technologiques, nous devrons nous efforcer à être plus habiles, afin de détecter leurs mécanismes insidieux. En effet, notre liberté de pensée, de décision et d’action doit rester un principe fondamental à protéger et à défendre en toutes circonstances.


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  • Montañez, R., Golob, E., & Xu, S. (2020). Human Cognition Through the Lens of Social Engineering Cyberattacks. Frontiers in psychology11, 1755. https://doi.org/10.3389/fpsyg.2020.01755
  • Pereira, Lewis & Chirinos, Orlando. (2004). La nueva ingeniería social (Notas para una epistemología avanzada de las Ciencias Sociales aplicadas). Revista del CLAD Reforma y Democracia. 207-232
  • Sandoval, E. Ingeniería social: Corrompiendo la mente humana (en línea) 2011. Fecha de consulta: 1 de febrero de 2016.

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