Série Chernobyl : l'ennemi, c'est l'homme

Chernobyl a une fois de plus mis en évidence l'une des horreurs de la contemporanéité, le plus grand accident nucléaire à ce jour. En son temps, la controverse a déclenché des alarmes sur les dangers de l'énergie nucléaire, les mythes ont englouti Tchernobyl. Des années plus tard, la centrale nucléaire revient sur le devant de la scène et le succès de la série est écrasant. Quelles sont ses clés ?
Série Chernobyl : l'ennemi, c'est l'homme
Leah Padalino

Rédigé et vérifié par critique de cinéma Leah Padalino.

Dernière mise à jour : 27 décembre, 2022

Chernobyl est devenu le succès de la saison. La mini-série parle de la catastrophe nucléaire la plus grave de l’histoire et a remis en question certaines des décisions qui ont été prises au cours de ces jours fatidiques.

Son importance a été telle que, inévitablement, nous pensons à notre présent et aux conséquences qui pourraient résulter d’une catastrophe environnementale causée par l’homme. Qui sont les responsables ? Qui sont les victimes ?

Chernobyl nous plonge dans l’horreur qui a été vécue à la suite de ce 26 avril 1986 déjà lointain, mais dont les conséquences sont encore palpables. Une ville fantôme, des milliers de vies brisées et un gouvernement dont la priorité absolue était de se taire. Ce cadre politique et tragique, c’est ce que nous offre Chernobyl, une histoire de héros, mais aussi d’erreurs et de silences.

Les séquelles d’une catastrophe

Bien que le titre de notre article ne soit pas très encourageant, de grands hommes ont permis d’éviter une encore plus grande catastrophe, des héros authentiques que la série a essayé d’honorer. Le drame, qui avait déjà été à moitié enterré dans le passé, est revenu de ses cendres et est désormais sur toutes les lèvres.

Nous savons tous, plus ou moins, ce qu’a été et ce qu’a impliqué l’accident nucléaire du centre Vladimir Ilitch Lénine dans les environs de Pripyat (Ukraine). Cet événement a déclenché l’alerte sur les dangers d’un accident nucléaire. Cette énergie, bien qu’étant l’une des plus propres, est devenue un ennemi terrifiant.

Cela a fait l’objet d’un grand débat. L’URSS était à l’honneur et la presse a alimenté les rumeurs sur les maladies, les mutations et les conséquences de la radioactivité.

Divers chercheurs ont postulé que les conséquences n’ont pas été aussi fatales qu’elles le laissaient croire et que donner un chiffre approximatif du nombre de victimes est vraiment difficile. Certaines études mettent toutefois en garde contre une augmentation du cancer de la thyroïde dans les régions les plus proches, augmentation qui découlerait de l’accident.

Svetlana Aleksievich a recueilli dans Voices of Chernobyl quelques témoignages de survivants. L’ouvrage a grandement nourri le nouveau succès de HBO : Chernobyl. De la main d’un scénariste ancré dans une comédie plutôt absurde, Craig Mazin, et d’un réalisateur de clips, Johan Renck, a surgi l’inattendu, une série sobre, tragique et bouleversante.

Chernobyl : les clés du succès

La série Chernobyl est très qualitative à pratiquement tous les niveaux. L’époque est parfaitement représentée et les événements sont racontés de manière posée.

Les trois personnages principaux prennent vie grâce aux performances fantastiques de Jared Harris dans le rôle de Valery Legásov, de Stellan Skarsgård dans le rôle de Boris Shcherbina et d’Emily Watson dans le rôle d’Ulana Khomyuk.

Les deux premiers sont chargés de se mettre dans la peau de deux personnages fondamentaux de l’histoire de la catastrophe, tandis que le personnage d’Ulana Khomyuk répond à un hommage à tous les scientifiques qui ont soutenu Legásov.

Chernobyl nous présente deux intrigues fondamentales. D’un côté, nous avons un complot clairement politique dans lequel sont révélés les ficelles de l’URSS, le secret et la tromperie auxquels la population a été soumise. De l’autre, nous avons les victimes et les héros de ce 26 avril 1986.

Chernobyl nous présente une réalité qui dépasse toute fiction de manière dramatique, mais sans s’éloigner des intrigues du pouvoir et du secret de l’Union soviétique. De plus, la série a recours à certains éléments que l’on pourrait facilement retrouver dans un film d’horreur.

Un style réaliste

Dans cette mini-série aux couleurs froides, il n’y a pas beaucoup de place pour l’espoir. L’Union soviétique est représentée par cette froideur. Mais, même en pleine catastrophe, certains personnages parviennent à apporter un peu de lumière.

Il y a le courage désintéressé des mineurs, le sacrifice des volontaires, celui des pompiers… En somme, le courage d’hommes ordinaires qui ont risqué leur vie pour sauver celle de milliers d’autres.

Pourquoi Chernobyl est un succès ? Principalement, parce que la série touche notre conscience. Elle nous ramène à un passé historique encore très proche dont la trace n’a pas totalement été éliminée de nos esprits. Un passé dont on se souvient, tout comme l’on se souvient de Fukushima.

La présence du tueur invisible et silencieux est décrite en détail. De manière simple, nous comprenons l’ampleur de la catastrophe. Mais n’oublions pas qu’il s’agit d’une coproduction britannique et américaine. Une version des événements qui a été diffusée via une plateforme de streaming. Et que, apparemment, les Russes n’ont pas beaucoup aimé.

Chernobyl utilise un langage cinématographique auquel nous sommes très habitués, des éléments connus du grand public. Si nous devions trouver un “mais”, ce serait sans doute le fait que cette série semble nous plaire à tout le monde, et que la vision n’est pas totalement impartiale.

Bien qu’il s’agisse d’une série exceptionnelle, on peut y voir une pointe de mélodrame, un élément un peu forcé. Et peut-être un certain manque de profondeur avec certains personnages secondaires.

Malgré tout, il ne fait aucun doute  qu’il s’agit d’une série de qualité, et que son succès est amplement mérité. De plus, elle a réussi à remettre sur la table un enjeu qu’il ne faut pas oublier.

Les héros de Tchernobyl.

Chernobyl : héros et victimes

Notre emprise sur le monde est dévastatrice, c’est le sentiment que l’on ressent après avoir vu Chernobyl et fait une petite recherche sur l’état actuel de la zone d’exclusion. À travers des scènes déchirantes, nous avons découvert que les humains n’ont pas été les seules victimes de la tragédie. Il y a eu d’autres victimes qui n’avaient pas de voix.

Nous faisons référence à ces animaux qui ont dû être euthanasiés. Certains ont survécu et ont donné naissance à une faune qui grandit et vit sans notre intervention malgré la radioactivité. La série met cette terrible réalité sous nos yeux. Elle nous montre comment ceux qui savent vraiment vivre dans la nature ont dû le payer de leur vie.

La série ne laisse pas derrière elle les hommes qui ont donné leur vie pour contrôler la situation. Nous rencontrons Vasily, un pompier dont l’histoire est à couper le souffle. Il n’est qu’un petit exemple de ce que cette tragédie humaine a provoqué.

En fin de compte, la série est perçue comme un hommage à ces héros, victimes de la catastrophe et de l’égoïsme humain. Tout en montrant du doigt ceux qui n’ont rien fait – ou trop peu fait – pour empêcher ce drame.

Via cette série qui nous replonge dans ce qui était autrefois l’endroit le plus dangereux du monde, nous nous rendons compte des grands mensonges qui ont été racontés à l’époque. Nous comprenons surtout que l’ennemi le plus dangereux n’était pas la radioactivité, mais l’homme.


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