Les blessures émotionnelles se propagent à travers les liens familiaux

Les blessures émotionnelles se propagent à travers les liens familiaux

Dernière mise à jour : 16 juillet, 2017

Les blessures émotionnelles se propagent à travers les liens familiaux de manière quasiment inéluctable. Elles sont comme des ombres qui se déguisent en mots, en modèle éducatif, en silences, en regards et en carences. Jusqu’à ce que quelqu’un de mature et de conscient prenne la décision de lutter contre elles et de s’échapper de la toile d’araignée qu’elles ont tissée.

Nous avons tou-te-s, à un moment de notre vie, lancé une pierre à la surface d’un lac ou d’une rivière pour faire des ricochets. Lorsque la pierre finit par chuter et qu’elle plonge dans l’eau, une perturbation se produit autour du point final de sa course. Les particules d’eau bougent de leur position initiale et une onde se dessine à la surface.

Si l’impact a été très fort, les ondes seront bien plus nombreuses. C’est une logique physique implacable. Ces ondes sont comme l’écho d’un cri silencieux, la métaphore parfaite d’une blessure émotionnelle. C’est exactement la même chose qui se produit chez un membre de la famille qui est victime d’un traumatisme : il est le point d’impact de la pierre, les ondes représentant alors les générations qui lui succéderont.

Oscar Wilde disait qu’il n’y avait que peu de sphères aussi mystérieuses et hermétiques que celles constituées par des familles. Enfermées dans l’isolement de leur propre demeure, personne ne sait avec exactitude ce qui se passe entre les quatre murs de leur maison où plusieurs générations d’êtres humains partagent un espace commun et un code de conduite.

Les blessures des un-e-s impactent les autres, qui sont comme touché-e-s par des ondes invisibles, par des fils qui font d’eux des marionnettes et par des vagues chargées de colère, qui érodent petit à petit la pierre de leur âme. Nous voudrions vous parler, dans la suite de cet article, de ce phénomène si complexe, mais si partagé.

L’architecture intime des blessures émotionnelles

Lorsque nous parlons de l’origine de ces blessures émotionnelles qui se propagent via les liens familiaux, il est tout à fait normal de penser en premier lieu aux abus sexuels, à la violence physique ou à la perte traumatique d’un être cher. Mais nous ne devons pas pour autant mettre de côté les conflits belliqueux et l’impact, par exemple, de ce que peuvent vivre les enfants réfugiés que notre société est en train d’ignorer, et qui se trouvent pourtant au sein de nos frontières.

Au-delà de ces situations évidemment traumatiques, que nous connaissons toutes, existent également d’autres “lacérations” émotionnelles, occasionnées par d’autres dynamiques, par des processus bien plus communs que ceux que nous venons de lister.

  • Avoir grandi dans le cadre d’une éducation basée sur un attachement peu fiable ou dans un contexte fondé sur la contention émotionnelle génère, sans aucun doute, de multiples blessures et de possibles troubles émotionnelles.
  • Faire partie d’une famille où la colère est toujours présente est un autre déclencheur de blessures de l’âme. Ces contextes sont remplis de cris, de reproches, de toxicité émotionnelle, de mépris et de dévalorisations continues.
  • Le fait d’avoir un père ou une mère, ou bien toute autre figure parentale, qui souffre d’une dépression chronique non-traitée est également un facteur de déséquilibres. La vulnérabilité, les codes de communication et les dynamiques établies entre les parents et les enfants, dans ce type de contextes, laissent des traces ineffaçables.

Les traumatismes et l’épigénétique

Conrad Hal Waddington était un biologiste du développement, un généticien et un paléontologue qui nous a laissé une œuvre aussi intéressante qu’impactante. Il a beaucoup écrit autour du thème de l’épigénétique, la science qui se charge d’étudier l’ensemble des processus chimiques qui modifient l’ADN, sans altérer sa séquence. L’impact des traumatismes est jugé très important dans ses ouvrages. En voici quelques exemples :

  • Lorsqu’un enfant se trouve dans une situation de confusion, de chaos émotionnel et de vulnérabilité, il expérimente des niveaux de stress tout à fait traumatisants.
  • Ce phénomène entraîne une réaction de la part de ses mécanismes cérébraux, endocriniens et immunitaires, de manière à rétablir un équilibre. Cependant, comme ils n’y parviennent pas, ils saturent et développent toute une série d’effets secondaires indésirables : augmentation de la production de cortisol dans le sang, apparition de pathologies comme la tachycardie, la migraine, la dermatite ou l’asthme.
  • L’expression du génome, c’est-à-dire le phénotype, va changer en fonction des expériences vécues par l’enfant dans son environnement immédiat, qui englobe des facteurs déterminants comme la nutrition, le logement, le stress, la dépression et la peur.

Tous les changements épigénétiques subis par une personne au cours de sa vie vont se transmettre à ses enfants et aux générations futures qui contiennent une partie de son ADN. On estime qu’un traumatisme ponctuel vécu par une personne peut affecter jusqu’à 4 générations postérieures.

Les blessures émotionnelles et leur collision

Nous avons tou-te-s entendu dire que la douleur fait partie de la vie, que de la souffrance viennent les plus grandes leçons et qu’il est nécessaire de pardonner pour pouvoir avancer. En réalité, il nous faut nuancer ces idées, les détailler, voire les réinterpréter totalement.

Voyons quelques-uns de leurs aspects en détails.

Il n’est pas nécessaire de souffrir pour apprendre. De fait, l’authentique apprentissage est offert par une situation de bonheur véritable. C’est cet environnement qui nous permet de construire un équilibre émotionnel et qui nous permet de toucher du doigt ce qui est vraiment significatif dans l’existence. C’est pour atteindre cet état que nous devons nous battre.

Si le pardon est toujours une option à notre portée, ce ne doit jamais être une obligation. La réconciliation la plus importante que nous devons mettre en œuvre se déroule en notre for intérieur. Une blessure émotionnelle peut faire de nous une personne que nous n’aimons pas. Une personne qui se voit comme fragile, peu habile, qui est pleine de colère et de rancœur, est prisonnière de ce qui lui fait du mal. Nous devons apprendre à nous assainir et à nous réconcilier avec nos propres blessures, pour les soigner, les minimiser et les faire disparaître.

Dernière chose, et non des moindres, il est nécessaire que nous disposions de stratégies et de protocoles adaptés à la détection précoce des blessures émotionnelles chez les enfants qui nous entourent. Nous appelons de nos vœux que les écoles publiques et privées mettent en œuvre des mécanismes qui leur permettent de comprendre les blessures que peuvent porter les enfants, qu’elles viennent de dynamiques familiales complexes ou bien d’abus directs sur le petit en question.

Nous ne devons pas oublier que personne ne choisit ses parents ou sa famille, mais que, dans le même temps, nous avons tou-te-s le droit d’être heureux-ses. Nous méritons tou-te-s de vivre une vie digne, faite d’un équilibre psychologique et émotionnel qui nous permet de vivre en paix. Nous devons lutter pour cela.

 

Images de Balbusso Anna et Elena


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